mise à jour : avril 2015

spi

___ Mieux dormir au mouillage ___

 

 

Dormir sur ses deux oreilles au mouillage !!! ???

Pour résumer ce sujet :


Règle 1 : La chaîne n’est pas responsable de la fixation du bateau. C’est l’ancre, et elle seule, qui retient le bateau. Si la verge de l’ancre reste parallèle au fond, le décrochage est impossible, quelle que soit la nature du fond et le type d'ancre.


Règle 2 : Les tensions brutales sur la ligne de mouillage sont dévastatrices. Amortissez les coups de bélier provoqués par la tension de la chaîne.


Règle 3 : Le choix de l’ancre reste primordial, c’est le seul point fixe du bateau.

ancre 

Nuits sereines et mouillages : Ces deux notions sont totalement antinomiques, difficilement conciliables. Qui, au moins une fois dans sa vie de voileux, n’a jamais été réveillé par un coup de vent et n’a pas vu son ancre chasser ? Pourtant, il existe des solutions pour se rapprocher de l’idéal. Merci à Dominique d’ « Autarcie » pour m’avoir passé cette excellente analyse d’Alain Fraysse dans 3 revues de Loisirs Nautiques (N°312,313 et 314) ainsi que ses conclusions personnelles. Il s’agit d’une analyse réalisée par un voileux physicien, équations et formules de calculs à l’appui. Elles balayent de nombreuses notions totalement fausses et, pourtant, répétées à satiété. Il n’est pas dans notre intention de paraphraser ces articles mais d’en extraire la substantifique moelle et d’aller plus loin dans la formalisation en fonction de notre propre expérience. En cas de contestations pour cause de démonstrations trop succinctes, veuillez vous reporter aux articles d’Alain Fraysse (http://www.librairie-loisirsnautiques.com/tout-savoir-sur-mouillage.htm ).

 

Règle 1 : La chaîne n’est pas responsable de la fixation du bateau. C’est l’ancre, et elle seule, qui retient le bateau. La littérature qui traite ce sujet est très variée, souvent contradictoire et basée sur des expérimentations contestables. C’est Alain Fraysse qui s’approche le plus de la vérité : si la verge de l’ancre reste parallèle au fond, le décrochage est impossible, quelle que soit la nature du fond. En se soulevant, l’ancre travaille de moins en moins bien, sa pointe se relève, elle décroche et chasse. L’angle formé entre la verge et la pioche est, en moyenne, de 45°. En théorie, si la verge se relève d’un angle inférieur à la moitié de cet angle (22,5°), la pioche continuera sa pénétration dans le fond. Les mathématiques sont loin de la pratique et ne tiennent pas compte de la nature du fond ni de la tension brutale de la chaîne au moment où la bateau fait tête. 15° d’angle semble être une valeur maximale à ne pas dépasser.
Certes, la structure du fond est primordiale. Si, par exemple, la vase est compacte, l’angle limite pourra largement être dépassé… mais vous ne le saurez... qu’au moment de partir, si votre mouillage a résisté. Donc, par sécurité, considérons à priori que le fond est de piètre tenue.

Pour éviter le risque de décrochage, une seule méthode est à appliquer : mouiller suffisamment de longueur pour que, une fois la chaîne tendue sous la rafale, l’angle verge/fond ne soit pas trop important. Que vous soyez équipé de chaîne de 8, de 10 ou de 12, la règle reste la même : plus la chaîne est longue, plus l’angle sera fermé et la chaîne, en bout de mouillage, quasi tangente avec le fond.


Exemple : profondeur 4m : longueur de chaîne 40 mètres, l’angle de 8° est une très bonne sécurité. Les rafales ne pourront pas déstabiliser l’ancre (cyclone exclu). Bien sûr, si le temps est calme, vous pouvez réduire, le poids de la chaîne permettra de laisser la verge tangenter le fond. Mais attention, la règle force 3, 3 fois la longueur, force 4, 4 fois la longueur… est une ineptie : 10Nd de vents suffisent à tendre totalement la chaîne (vous n’avez qu’à aller voir avec un masque pour vérifier in situ cette affirmation). Si la longueur de votre mouillage est insuffisante, l’angle sera alors trop important, soulevant la verge et l'ancre décrochera.


Le calcul effectué dans les 2 tableaux ci-dessous (considérant que, sous l’influence de la vitesse du bateau courant sur son erre au moment où il fait tête, la chaîne est si raide qu’elle tend à former une ligne droite) démontre que, pour une totale sécurité (hors cyclones), il faut multiplier par 9 la profondeur. Au dessous, les risques de ne pas pouvoir étaler une grosse rafale de l’ordre de 45Nd sont importants (il s’agit bien, ici, de rafale et non de vent établi). Néanmoins, on peut admettre que, pour des rafales de moins de 30Nd, l’angle de 15° est suffisant pour que l’ancre continue son travail en pénétration. Dans ce cas, on s’oriente vers un mouillage à coefficient 5 mais, si on réduit encore la longueur, les risques s’accroissent sérieusement.

                   

Tableau1 : angle de 8°, sécurité maximale : coef 9  
   
Tableau 2 : angle de 15°, sécurité correcte : coef 5

profondeur

Longueur de chaîne

Angle

 

profondeur

Longueur de chaîne

Angle

3

30

7,7

3

15

15,5

4

40

7,2

4

20

14,5

5

45

7,7

5

25

13,9

6

50

8,0

6

30

13,5

7

60

7,7

7

35

13,2

8

65

8,0

8

40

13,0

10

75

8,4

10

45

14,1

11

85

8,1

11

50

13,9

12

95

7,9

12

55

13,7

13

100

8,0

13

60

13,5

15

115

8,0

15

65

14,3

18

135

8,1

18

75

14,7

20

150

8,0

20

85

14,3

Règle 2 : Les tensions brutales sur la ligne de mouillage sont dévastatrices. Un mouillage n’est jamais statique. Les rafales, les vagues (même celles provoquées par un yacht ou un ferry), créent des conditions dynamiques qui décuplent, pendant un temps parfois très court mais ravageur, les efforts sur l’ancre, la chaîne, le davier et le guindeau. Lorsque la chaîne se tend, les efforts de type coups de boutoirs qui peuvent exercer des forces pouvant atteindre ou dépasser 3 tonnes (ou, pour les physiciens, 3000 daN) provoquent soit des déplacements de l’ancre, soit des ruptures des points faibles de la ligne de mouillage. Le manque absolu d’élasticité de la chaîne peut provoquer des déformations ou des ruptures de maillons, sans compter les efforts démesurés exercés sur un seul point, le guindeau, et répercutés sur toute la structure du bateau.
(Rappel important : la conception et le montage de ce merveilleux appareil qui économise nos biceps, un peu ramollis par l’hiver ou par l’âge, ne permettent jamais de se servir du guindeau comme point d’ancrage du mouillage). Solution impérative : amortir les coups de béliers.

En mouillages embossés, tendez au maximum votre ligne de mouillage. N’hésitez pas, en fin de manœuvre, après avoir fixé vos bouts à terre, à effectuer une marche arrière à 2000 tours pour tendre le système et reborder les bouts. Cette technique vous permet aussi de planter au mieux votre pioche et de vérifier sa bonne tenue. Ceci est aussi vrai dans les ports sans pendilles. Mais la tension exercée sur le guindeau est telle qu’il va, à plus ou moins long terme, en souffrir. Soulagez-le par un bout en fibre élastique (Polyamide tressé) muni d’un crochet fixé à un taquet, sur le pont, dans l’axe de la chaîne, permettant de la détendre légèrement du barbotin - mais pas trop, si le bout venait à se rompre, le guideau prendrait le relai.

Autre avantage, si le vent se lève et frappe le bateau de travers, la tension de la chaîne pourra retarder le moment où le bateau pourrait être drossé sur les rochers latéraux de la crique et vous laissera le temps de placer une garde.

Pour notre part, nous avons adopté un amortisseur d’amarre en caoutchouc très élastique qui nous protège au mieux des coups de boutoirs intempestifs.

En mouillages forains, il est impossible de maintenir la ligne sous tension. Il faut impérativement amortir la tension provoquée par la vitesse de l’erre du bateau au moment où il cule sous la rafale. Ne pas oublier aussi que le mouvement de pendulage (on dit aussi essuie glace), par fort vent, déstabilise la ligne de mouillage. Plusieurs solutions sont préconisées. Elles tendent toutes vers le même résultat : amortir, amortir, amortir.

1. La solution optimale, physiquement parlant, est de mouiller ¾ de chaîne et de finir, sur le pont, avec ¼ de câblot en polyamide tressé (matière élastique). Les bateaux de voyage sont bien démunis pour assurer un tel mouillage avec câblot, difficile à mettre en œuvre en équipage restreint.

2. La solution de compromis est d’accrocher un bout de cette matière (polyamide tressé) aux deux taquets latéraux avant pour former un V avec, au milieu du V, un crochet inox coulissant sur le bout. Fixez ce crochet à un maillon de la chaîne, le plus loin possible, puis relâchez le barbotin pour détendre légèrement la chaîne. Les deux brins du V se tendent et les tractions exercées sur la chaîne lors des rafales seront alors suffisamment amorties par l’élasticité du matériau pour éviter une casse et retarder le décrochage (du moins nous l’espérons).

3. Là encore, notre amortisseur d’amarre en caoutchouc joue bien son rôle et sa mise en œuvre est très pratique.

4. Le tape-cul. Une petite voile tendue à partir du pataras conservera le bateau dans l'axe et l'empêchera de se mettre en travers et culer de trop.

Règle 3 : Le choix de l’ancre reste primordial, c’est le seul point fixe du bateau.
Chacun est satisfait de son ancre, trouve des arguments pour ne pas en changer (sur Logos, nous sommes à mettre dans ce même lot). Pourtant, il faut éviter de jouer à l’autruche et respecter certaines règles pour que la pioche ne change pas de place, quelles que soient les contraintes infligées :

L’ancre doit être lourde, seul critère valable pour qu’elle puisse s’enfoncer correctement dès le contact avec le fond.
  1. Elle ne doit en aucun cas se mettre sur le dos (les ancres munies d’une anse dorsale et (ou) tombant systématiquement bien à plat sont les seules dont la géométrie est raisonnable). Celles en soc de charue inversé sont les seules réellement performantes.
  2. Les ancres plates munies de deux crochets, dans les fonds meubles, ont un enfoncement beaucoup trop faible pour une bonne efficacité aux fortes tractions. De plus, elles sont souvent déséquilibrées si un seul crochet pénètre dans le fond.
  3. Les ancres type CQR (Celles Qui Ripent) labourent le sol, la surface de friction ou d’adhérence des deux lèvres est bien trop faible. Par ailleurs, une tension brutale met l’ancre sur le dos et, une fois dans cette position, elle ne se retourne pas pour crocher de nouveau.

Quel est alors le choix disponible ?

Une ancre lourde, plus lourde que les préconisations légales.

* Soit une ancre munie d’un arceau pour l’empêcher de se mettre sur le dos,
* Soit une ancre plate, mono-crochet, la plus large possible, dont le crochet est suffisamment lesté pour se planter systématiquement dans le fond,
* Soit une forme Delta, très large dont la géométrie à soc inversé privilégie l’enfoncement plutôt que le labour,
* Soit une ancre mixte, sur base CQR, bricolée à la manière de Logos : elle plante, elle reste à plat et sa surface de frottement est décuplée (citation de Dominique : «  Sans les ‘Géo trouve tout’ nous serions encore à grelotter de froid dans les cavernes, sans télévision, ni impots, ni TVA »).

Et, ensuite, vous pouvez affourcher, empenneler, mettre une gueuse (le plus près possible de l’ancre pour qu’elle ait une toute petite utilité). Ces techniques rassurantes ne changeront rien au problème initial : il faut amortir les coups de boutoirs pour éviter casse et décrochages.

Anecdote en guise de conclusion :
Dans une crique à fond caillouteux. Les bateaux étaient tous embossés et je me suis amusé à photographier les ancres au travail. Par chance, tous les types d’ancre étaient représentés. Un fort vent latéral s’est levé, toutes les ancres ont décroché sauf celle de Logos… Jusqu’à ce qu’un bateau Italien ne vienne ratisser notre chaîne. Je ne pourrai donc pas tirer de conclusion de cette expérience mais…
Néanmoins, la prise en compte de nos soucis de mouillages, formalisée dans cette étude, nous permet d’améliorer quelque peu notre sommeil, tout en sachant que le matériel n’est jamais à l’abri d’une rupture ou d’un impondérable. Sommeil oui, mais d’une seule oreille !!!

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=> Une page spéciale est dédiée aux mouillages embossés spécifiques à la Turquie : Mouillages en Turquie

 

=> Une méthode complémentaiure : l'alarme de mouillage sur Smartphone ou tablette. Ce n'est pas un gadget, l'application est remarquable.

Les systèmes proposés permettent, lors d'un mouillage forain d'être alerté en cas de dérive liée à un décrochage de l'ancre et de visualiser avec une précision annoncée de 5 mètres où se trouve le bateau par rapport à la position où l'ancre a été mouillée. Il existe beaucoup d’applis mais très peu sont abouties et adaptées à nos besoins :

sur Android, Sailgrib AA est la plus performante

Principe :
La tablette enregistre la position de l'ancre :

1. Soit au moment où elle est mouillée - grande précision et bonne intention de la part du développeur - mais un voileux sait combien il est difficile de manœuvrer le bateau pendant un mouillage et, en même temps, de tapoter la tablette pour lui indiquer le point d'ancrage.

2. Soit, une fois la manœuvre terminée. Il est alors possible d'indiquer au logiciel la longueur de chaîne, l'orientation du bateau et la dérive tolérée. L;interrêt de Sailgrib AA réside dans le fait que l'appli peut être mise en route longtemps avant la prise mouillage. La trace est enregistrée. On voit donc avec précision l'endroit où l'ancre a été lachée et la position du bateau chaîne tendue. Il suffit de tracer alors sur la carte la zone de tolérance d'évitage. L'alarme se déclenchera si cette zone est franchie. Un SMS peut même être envoyé à un autre téléphone si l'équipage est à terre.

Tous les détails sur la page dédiée.


Pierre au guindeau, Martine à la barre

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 ancre  ancre

L'ancre CQR de LOGOS modifiée "Géo trouve tout" au travail