Mise à jour : 2015
___ Les carnets de bord de Martine___

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Carnet de bord 2004

DEUXIEME PARTIE : De Paros jusqu'en Turquie


26 mai 2004 PAROS « Parikia »
« Comment faire laid avec de beaux restes... ! »


Météo toujours alarmiste. Un vent à ne pas mettre un voilier dehors, surtout pas un voilier de retraités. Seul un équipage de jeunes, en vestes de quart et harnais de sécurité… a quitté l’abri du port pour affronter le sévère vent du Nord et regagner Athènes, location oblige !

Encore une journée passée à jouer les touristes terriens. Un petit tour dans la vieille ville à la recherche du traditionnel (comme la cuisine grecque…) Kastro qui nous a échappé, ne dominant pas la ville comme à l’ordinaire. Quelques marches, une chapelle, et, tout à coup, au détour d’une ruelle, une impressionnante muraille de marbre. Un étrange assemblage de gros blocs de marbre, d’entablements et de sections de fûts de colonnes. Nous voici aux pieds de l’ancien Kastro franquiste construit, sans aucune élégance, avec les éléments d’un temple grec. Seuls de nombreux pigeons ont trouvé semblable architecture à leur goût. Sont-ils à ce point dénués de tout sens artistique ? Ayant satisfait à nos obligations de touristes, nous pouvons maintenant nous perdre dans ce labyrinthe plein de charme que constituent les ruelles de la vieille ville.
En fait de beaux restes nous aimerions bien voir Délos, sanctuaire d’Apollon, île où il était interdit de naître et de mourir. Il est d’ailleurs aussi maintenant interdit d’y séjourner. Seule possibilité s’offrant à nous, la croisière d’une journée depuis Paros incluant Mykonos- Délos.

Nos billets sont achetés pour demain et nous partagerons cette journée avec nos voisins de port, eux aussi en attente.


27 mai 2004 PAROS « Parikia »

« Une sortie annulée pour cause de vent trop fort… »

Nous voici sur le pied de guerre dès 8 heures, pique-nique dans le sac pour ne pas perdre de temps. La baie de Parikia semble calme, promesse d’une belle journée. Déception à l’arrêt du car qui doit nous mener à Naoussa, baie nord d’où part le ferry pour Mykonos. Excursion annulée encore aujourd’hui pour cause de mauvaise mer. Mines déconfites. Nous regarderons avec un peu de regret les belles cartes postales de Mykonos envoyées par Manu et n’irons pas saluer Apollon. Nous nous contenterons d’une promenade vers la plage ombragée de magnifiques tamaris, et bordée de discrets hôtels.

 

 

Bien sûr, au port, la place laissée ce matin a vite été revendiquée, nous sommes déjà en surnombre. Mais quelle n'est pas notre surprise alors que nous étions occupés dans le carré d'entendre marcher sur notre bateau et d'apercevoir des jambes passer devant le hublot. Très désagréable!

En fait un voilier géré par un skipper dit « pro » avait tout simplement mouillé devant nous. Il y débarquait ses passagers sur notre pont comme si nous n’existions pas !!! Comportement très peu civil auquel nous n’avions pas encore été confrontés - et même pas d’excuses devant nos mines un peu surprises. Il est aisé de deviner l’échange verbal qui s’en suivit et qui porta ses fruits puisque cet indigne représentant d’une corporation où la correction était de bon aloi, emprunta ensuite le pont d’un bateau de location sans passagers.
Nous n’osons imaginer ce que doivent être ports et mouillages en été avec ces nouveaux maîtres des mers au service de leurs seuls clients - le profit à tout prix !!!

 

28 mai 2004 de PAROS » Parikia » à SCHINOUSSA « Mersini »

« Premiers dauphins, premiers oursins »

Pierre n’est toujours pas guéri de son algarade avec le skipper français (moi, au contraire, cela m’a soulagée… !) et il se sent un peu à l’étroit avec cet importun « dans le nez ». Certes le vent souffle toujours mais la carte météo du site « Poséidon » lui a laissé entrevoir une petite zone bleutée dans le secteur des Petites Cyclades. À tenter !

Un déhalage correct après déplacement du voilier intrus (petite satisfaction, nous avons réveillé le skipper…!). La baie est calme ce qui laisse présager une navigation aisée. En fait cette baie est très bien abritée car, à l’extérieur, la mer est déjà très formée et les vagues malmènent un peu Logos et ses passagers. Peu engageant pour la suite : 30 milles à souffrir !!!

Passage du chenal entre Paros et Antiparos au moteur, l’œil rivé sur le sondeur et sur la carte nautique car les écueils abondent. Le port d’Antiparos rayonne déjà sous le soleil. Par sagesse, la Grand’Voile est arisée et Gégène réduit car, propulsé par le vent, Logos trace sa route : 7 nœuds, 8 nœuds. Il affronte le près, puis le travers. Nous serons en avance sur le timing prévu (moins de quatre heures pour 30 milles).Tout à coup, alors que nous traversions le couloir Paros-Naxos dans une zone où la turbulence se fait encore plus sentir, des dauphins se sont mis à bondir hors de l’eau puis à s’enfoncer dans les vagues, semblant escorter Logos, tout au moins folâtrer devant son étrave. Un spectacle toujours aussi émouvant qui fait partie des joies que peut donner la mer, même lorsqu’elle joue la désagréable.

Nous longeons maintenant l’île de Schinoussa. Déjà une chapelle se distingue sur la côte. Nous voici entrés dans la très discrète baie de Mersini, une avant baie, une échancrure et nous mouillons dans un plan d’eau serein, bordé à l’est d’un quai d’accueil pour les pêcheurs et le ferry de ligne qui dessert les petites Cyclades.

 

Une eau émeraude, des rochers, des murets délimitant d’anciennes cultures. Seulement deux coquettes tavernes pour pêcheurs ou touristes en attente du ferry. Toujours par souci de sécurité dans le passé, le village est établi en haut de la colline et ne se laisse deviner que par ces deux blocs blancs qui surmontent le port.

Il semble qu’ici la vie se répète jour après jour. Pas de cloche pour ponctuer le temps mais, les gestes de la vie quotidienne : départ et retour des pêcheurs, va et vient des véhicules au moment de l’arrivée des ferries, les enfants qui s’ébattent joyeusement dans l’eau au bord de la petite plage à la sortie de l’école et le berger, perché sur son âne pour mener à « l’alpage » son troupeau de chèvres.

 

 

La température de l’eau est encore peu engageante, mais le besoin d’oursins se fait sentir et la côte rocheuse est bien engageante. Et si… ? Ils sont bien là, nichés dans une faille de rochers. Le sac est vite rempli et pour cause ; Et dire que « dehors » le vent est toujours annoncé force 6/7.

Premier apéritif « oursins » en contemplant le soleil se coucher.


29 mai 2004 SCHINOUSSA « Mersini »

« Et s'il y avait encore des pirates ? »


Quelques voyageurs sont groupés sur le quai attendant le ferry. Deux gros bateaux de pêche ont apponté, non pour se délester de leur pêche (dommage !) mais pour opérer quelques réparations. Une sirène, le ferry et c’est le chassé croisé quotidien de ceux qui arrivent et de ceux qui partent.
Nous voici prêts à effectuer notre grimpette pour accéder à Chora, village sans cachet, encore en retrait de l’animation touristique, mais en sera-t-il de même longtemps : les maisons s’agrandissent, se retapent, les pancartes « rooms to let » commencent à fleurir et il semble même que, bientôt, cette île « coup de cœur » car vraie, aura elle aussi perdu son âme, proie des promoteurs et hôteliers.
Est–ce d’ailleurs pour se faire pardonner qu’un bâtisseur ayant érigé un très vaste bâtiment en haut de la falaise face à la mer (vue imprenable pour lui - mais pas pour ceux qu’il a privés de cette vue !) y a adjoint un moulin et surtout une chapelle. Les orthodoxes purs me condamneront peut-être mais j’ai pu lire que le nombre impressionnant de chapelles construites sur les îles grecques n’était pas toujours dû à une ferveur intense mais au fait que les généreux donateurs avaient beaucoup de choses à se faire pardonner… ! Piraterie oblige.


Au port, toujours cette vie hors du temps, une famille de pêcheurs nettoie le filet de pêche, un vieil homme bat un poulpe pour l’attendrir (à ne pas essayer avec une femme, cela ne marche pas d’avantage que le séjour au congélateur !!!).
Logos tourne lentement autour de son ancre au moindre souffle nous permettant de profiter de toutes les couleurs du couchant. D’autres voiliers nous ont rejoints pour la nuit, escale prisée à juste titre.


30 mai 2004 SCHINOUSSA –de Mersini à Ormos Agrilos

«Un futur Club Med »

Un petit souffle de Nord traverse la baie et nos voisins d’escale semblent s’éterniser. Nous allons donc chercher un peu de solitude dans une vaste crique au sud de l’île. Des constructions en cours (sans doute un futur complexe hôtelier) laissent prévoir une urbanisation accrue de ce petit paradis : petites plages nichées, côte rocheuse, eau émeraude et même oursins… que nous aurons plaisir à débusquer, mais cette fois ci après avoir revêtu nos combinaisons de plongée pour pouvoir prendre tout notre temps.
À part une maison habitée, pas de bruit de chantier … c’est dimanche. En soirée, une petite barque suit un pêcheur au harpon.


31 mai 2004 SCHINOUSSA Ormos Agrilos

« À côté de Noisette »

Le chantier s’est un peu animé aujourd’hui mais très raisonnablement, un camion tressautant sur la voie non encore bitumée, quelques coups de marteau… enfin rien qui puisse réellement troubler la sérénité de ce lieu. Les entrepreneurs sont-ils tous réquisitionnés pour les JO d’Athènes ? Nous poussons notre exploration de la côte et remplissons notre sac d’oursins pour améliorer notre ordinaire.
Un voilier s’avance lentement dans la baie… « Noisette », bateau anglais de Peter et Valery Nutt (tout s’explique… !) qui nous avaient si aimablement accueillis à Paros, eux aussi en recherche de tranquillité.


1er juin 2004 de SCHINOUSSA à AMORGOS - Katapola

«Certains confondent Marina et épanchement d'égouts ... »

Tiens le vent a devancé les prévisions météo et souffle ce matin du Sud-Ouest. C’est pourquoi lorsque « Noisette » lève l’ancre pour se rendre à Amorgos, nous pensons : « Pourquoi pas aujourd’hui ? ». 16 milles à parcourir, un petit vent porteur… rien que du bon. Nous finirons même notre navigation voiles croisées pour permettre à Logos de bénéficier du moindre souffle (j’ai échappé de peu au Spi…!).

Amorgos se dresse majestueuse devant nous et laisse admirer une côte accidentée, très découpée avant notre entrée dans la vaste baie de Katapola. Un regard au quai d’accueil, et déjà « Noisette » nous fait signe de nous approcher pour prendre nos amarres. Qu’il est doux d’être ainsi accueillis… !

 

La baie est très vaste, pittoresque, mais une fois de plus la partie du quai pour les voiliers de passage est très réduite. Une marina était prévue, de grands panneaux comme nous en avons vu beaucoup en Grèce, font part d’un financement européen consenti entre 1996 et 1999… seuls quelques monstrueux blocs de béton ont été entassés près de la plage, non loin du déversement des égouts de la ville … la totale… Encore une fois à qui a profité le crime ???

Une courte promenade pour apprécier l’atmosphère de Katapola : quelques pêcheurs, quelques tavernes, encore peu de touristes.

 

Cette fois ci, nous faisons plus ample connaissance de l’équipage de « Noisette » et partageons le Bordeaux de l’amitié (un millésime 94 qui était sublime après 3 ans de « cave-cale de Logos) en échangeant nos souvenirs de plaisanciers en anglais (Pierre devient pro.. !).


2 juin 2004 visite d’AMORGOS

« Cachez ce genou … ! »

 

Amorgos, île sauvage et majestueuse, où fut tourné « Le grand bleu », et dont les nombreux murets de pierre témoignent d’une active vie passée, nous apparaît aujourd’hui repliée sur elle-même, au point d’en mourir. Une seule route asphaltée pour aller du Nord au Sud, six petits villages rencontrés perchés à flanc de falaises, deux ports sans grande activité. Rien qui puisse permettre à la population jeune de survivre, à moins de faire preuve d’une grande détermination et de la volonté de se battre pour leur île. Même « Chora », le chef lieu, dont les ruelles étroites, souvent en escaliers et les passages voûtés s’enroulent autour du piton rocheux où se dresse le Kastro est en semi léthargie. Ici, pas trop de tentations pour le porte-monnaie…

Et pourtant avec ses panoramas d’une exceptionnelle beauté sur la côte très échancrée et frangée d’émeraude, avec ses falaises vertigineuses plongeant dans la mer, Amorgos est superbe et fait le bonheur des randonneurs.

C’est d’ailleurs au flanc d’une haute falaise que s’est accolé un monastère troglodyte, site stupéfiant qu’il faut mériter, l’approche en voiture se terminant par une lente montée à pied le long de la falaise. Quelques moines bien cachés y demeurent, mais leur seule présence justifie une règle drastique en ce qui concerne la tenue vestimentaire des touristes et surtout des femmes auxquelles seule une jupe longue est tolérée. Résultat, c’est carnaval au monastère entre les paréos, les serviettes de bain et tout autre moyen - sauf le pantalon - pour cacher les genoux tentateurs. Même Pierre a du délaisser ses sandales, pourtant très monacales, pour des chaussures fermées ; seraient-ils aussi sensibles aux doigts de pieds masculins ? Heureusement que nous étions prévenus car il eut été difficile d’improviser. (et, en plus, « No photography » !!! Règle que Pierre s’est empressé de transgresser).

La visite des lieux est très succincte, faite par des laïcs, mais l’accueil avec un loukoum et un petit verre de liqueur (du cédrat de Naxos parait-il), sans doute une liqueur sainte pour nous éviter toute mauvaise pensée, et le site lui-même en valent réellement la peine… époustouflant, pour ne pas dire « renversant ».

Nous avons appris plus tard que, la veille, un gros rocher s’était détaché de la paroi dans un fracas effrayant, juste devant un couple de voileux.
(N.D.L.R. : ce mot « voileux » est inesthétique. Dorénavant, nous essayerons de dire « nomades des mers ».)
Déjeuner pique nique dans une petite crique du bout du monde sur une plage où galets et schistes se mêlent, mais sans baignade.
Le port est bien garni, les tavernes aussi car les équipages de voiliers de loc manifestent peu d’attrait pour la cuisine à bord. Partout l’ambiance est familiale.



3 juin 2004 AMORGOS « Katapola »

« Vous irez au Coin !»

Journée cool, comme souvent après une longue journée « tourisme ». Avitaillement, écritures, papotages de « ponton » (toujours de bons tuyaux à glaner).
Une taverne « Corner », longuement expérimentée par le rédacteur de notre bible de navigation Imray pendant une escale force 9, fait presque face à Logos. Une bonne adresse dont le menu change des traditionnelles auberges dites grecques : feuilles de vigne farcies maison, calamars frits en sauce vin blanc… Une belle soirée…


4 et 5 juin 2004 AMORGOS Nikouria Ormos Kalotiri

«Nuit infernale au paradis ! »

Et si, avant de quitter Amorgos, nous profitions de ce mouillage idyllique dans cette étroite baie entre l’îlot de Nikouria et la côte d’Amorgos, un petit paradis entrevu depuis la route. Deux belles échancrures, des eaux émeraude, un lac de montagne entre de hauts sommets : l’abri parfait !

Plusieurs voiliers mouillent déjà dans la plus vaste des criques, nous choisirons la solitude de l’autre. Un long bout à terre et voici Logos bien ancré près d’une petite plage dominée par une chapelle. De beaux oursins posés sur sable et posidonies nous attendent. Tout est pour le mieux. Certes le vent souffle un peu, mais sa direction ne nous inquiète pas, puisqu’il souffle vers le large. C’est donc sans inquiétude que nous verrons passer trois des quatre voiliers ancrés dans la crique voisine, certains préférant pour la nuit l’ambiance d’un port. Le baromètre est engageant, la météo aussi. Bien sûr le plan d’eau semble s’agiter un peu, mais rien d’alarmant : une ancre et sa gueuse, 70 mètres de chaîne, un bout à terre.

Et puis le soir descend, les vagues s’enflent attaquant maintenant Logos de face (et oui, personne n’avait prévu ce vent Sud Est dont les méfaits se feront sentir dans toutes les îles voisines). Le vent se met à souffler en rafales qui gagnent en puissance, il n’est même plus question de regagner le port distant de quatre milles… Un petit bruit inhabituel nous alerte : la quille talonne sur le fond. L’ancre a ripé ! Vite ! Moteur ! Il faut se libérer du bout à terre qui nous empêche de nous éloigner des rochers. Pas question d’aller à la nage dégager cette entrave avec ces vagues rageuses. Pour la première fois depuis que nous utilisons cette technique, il nous faut abandonner cent mètres de cordage et chaîne d’amarrage (nous récupérerons tout cela plus tard). Le vent violent maintient le bateau en travers. Il finit enfin par se placer face à la mer et s’éloigne de la zone à hauts risques. Que la remontée de la chaîne et de l’ancre est longue ! Une deuxième tentative de mouillage dans cette crique échoue, l’ancre dérape de nouveau. Inutile d’insister, peut-être que l’autre crique nous permettra une accroche plus ferme, et puis Pierre mouillera deux ancres. La nuit est tombée. Un voilier, un deux mâts, s’est niché au fond de la crique.
Nous restons plus à découvert pour permettre à Logos de tourner autour de ses deux ancres.

 

 

En fait, pas question de folâtrer, il lui faut résister vaillamment. C’est à 21 heures que le bip d’alerte du sondeur nous fait bondir sur le pont. Nous sommes de nouveau à la côte.

Par quatre fois il faudra que Pierre relève les deux ancres tandis qu’au moteur je m’efforce de maintenir Logos dans le lit du vent pour qu’il ne soit pas drossé sur la côte.

Rien ne tient face à ce vent violent et aux vagues qu’il soulève. L’autre voilier semble aussi en difficulté car maintenant parallèle à la plage (son ancre a du lâcher) mais il nous est impossible d’entrer en contact avec lui. Des lumières de torches sur la plage nous ont fait penser que les passagers avaient quitté le voilier par sécurité. Entre deux manœuvres nous surveillons l’évolution de Logos sur l’écran de l’ordinateur, espérant à chaque fois ne pas être à nouveau déçus par le programme. Mais immanquablement, malmenées par les vagues et les rafales, les ancres finissent par déraper. Et c’est ainsi que nous luttons jusqu’aux premières lueurs du jour qui nous permettent enfin d’aller chercher refuge de l’autre côté de la baie, le long de la côte. Un demi mille et l’abri d’Amorgos. Une nouvelle tentative et enfin le calme qui nous permet de prendre un peu de repos en toute sécurité. Le vent souffle toujours, la mer est toujours aussi agitée mais les vagues ont moins d’amplitude et les rafales rageuses ne nous atteignent plus. Nous pouvons patiemment attendre la fin de la .tourmente, mais toujours sans pouvoir approcher l’autre voilier. Aussi c’est avec soulagement que, en début d’après midi, nous avons pu voir un petit chalutier se diriger vers ce bateau, puis le remorquer jusqu’au petit port de pêche du nord d’Amorgos.
Le vent est enfin tombé, un vent soudain qui a surpris tout le monde, rendant de nombreux mouillages et ports inconfortables pour ne pas dire dangereux.
Nous allons récupérer notre bout à terre un peu malmené par le ressac et passons une nuit paisible dans la baie quittée en catastrophe... Logos bien posé sur un miroir.


6 juin 2004 d’AMORGOS à LEVITHA

« Une bouée reposante »


 

Un beau mouillage avec bouées nous a été recommandé dans une toute petite île sur notre route vers Leros. Une bonne étape et pas trop de milles à parcourir. Un bon vent, un bon près et un mouillage plein de charme : une dizaine de bouées installées par un pêcheur astucieux, en fait par l’unique famille de pêcheurs vivant sur l’île. Moyennant sept euros vous bénéficiez de la bouée, et ainsi vous vous sentez libres d’aller ou non dîner à la taverne qu’ils ont installée sur la petite colline dominant la crique.
Une seconde fois, pour cause de frigidaire bien plein, nous resterons à bord, dîner au son des clochettes des chèvres. Les bouées ont trouvé des clients mais tout ce petit monde de voyageurs est bien calme.


7 juin 2004 de LEVITHA à LEROS « Lakki »

« Eau dessalée pour l’Ouzo ! »

Le bon vent n’est toujours pas bien établi, il est donc préférable de ne pas nous attarder dans ce mouillage de bout du monde pour regagner un port où nous pourrons séjourner, si besoin est, en attendant l’arrivée de notre courrier .Un violent ressac nous malmène un peu tandis que nous longeons la côte de Lévitha car il y a une forte houle résiduelle. C’est au moteur que nous gagnons Leros où enfin une marina nous attend : pendilles, électricité, eau dessalée, à ne pas mettre dans nos réservoirs dont nous buvons l’eau. Qu’à cela ne tienne, un tuyau avec robinet nous approvisionne pour toilettes et vaisselles (bricolage Pierre, jamais à court d’idées…). L’ambiance de cette marina (en fait un secteur de quai réservé et surveillé) est très amicale, accueil très courtois par Iohan le suédois (auquel je rappelle sa maman, professeur !… difficile de se débarrasser d’un comportement …), Vassili l’ukrainien et Anna, la secrétaire (grecque).

 

Une agréable promenade de front de mer nous mène à une ville étrange qui semble avoir cessé de vivre depuis de nombreuses années. Vastes bâtiments abandonnés, vieux commerces désertés, le tout construit dans un style qui assurément n’a plus rien de cycladique (impossible d’ailleurs d’acheter une carte postale, c’est trop laid). Merci Messieurs les Italiens, qui, par votre occupation passée, avez transformé une jolie baie en base militaire digne d’un film « Mussolinien », suivis dans votre entreprise destructrice par l’implantation, à Lakki d’asiles psychiatriques douteux ayant, il y a quelques années, secoué le monde médical par leurs pratiques.Le régime des Colonels n’a rien arrangé à l’affaire en y déportant des opposants. Malgré tous les efforts fournis : asiles transformés en écoles !!! plantations, vastes avenues, Lakki semble encore avoir beaucoup de mal à se remettre de son passé et n’apparaît que comme un lieu de passage. Peut-on alors penser que Léros, lieu de déportation depuis l’antiquité était condamnée de tout temps.

Aujourd’hui nous en apprécions le calme et le caractère un peu désuet.


8 juin 2004 LEROS

« Le coup de la panne !!!»


Un beau scooter rouge nous est livré à la marina pour notre visite de l’île. Première étape : Platanos, chef lieu de l’île où notre courrier nous attend peut-être. Pas encore de courrier, mais une jolie bourgade très animée et coquette, lieu de prédilection apparemment des anglais, certains y ayant même élu domicile. Une forteresse domine cette cascade de maisons qui commencent à n’avoir plus rien de cycladiques mais rappellent plutôt par leur architecture et la couleur de leur crépi celles de Symi (du style italien de bon goût !!!). Désagréable surprise lorsque nous enfourchons notre monture pour poursuivre notre visite… impossible de démarrer, six personnes viendront nous offrir leur talent (les deux-roues dans les îles, ils connaissent…) peine perdue. Il nous faudra attendre la venue du loueur, confortablement installés devant une bière sous les platanes, pour apprendre que, sur cette machine, par sécurité, il était impératif de dégager la béquille pour la mise en route… regards amusés des clients du café.

 

Descente vers la pittoresque baie de Pantéli où un petit port abrite quelques bateaux de pêche. Un beau voilier se balance au mouillage. Nous continuerons à le contempler depuis la magnifique terrasse du restaurant « Dimitri » construit à flanc de falaise et offrant une vue digne de celle d’Oia à Santorin, tout en goûtant aux spécialités proposées : dolmades (feuilles de vigne farcies) et porc en sauce au vin arrosés de Retziné… raisonnablement, pour poursuivre notre visite de l’île du Nord au Sud, de baie en baie (Léros offre une très belle côte très échancrée). Un important chantier d’hivernage situé au Nord de l’île nous a plusieurs fois été recommandé. Nous découvrirons un site extrêmement bien protégé, le seul chantier grec digne de ce nom depuis Préveza, dans une jolie baie où le Meltem semble ne pas avoir de prise (il parait que les moustiques aussi le savent …). Un petit aéroport desservant Athènes pour un prix raisonnable rend ce chantier encore plus confortable.

Quelques petits ports pittoresques avec des barques joliment peintes, mais où il ne serait guère engageant d’ancrer Logos, de vastes baies et une petite crique de galets, bien tentante, taillée dans de l’argile rouge pour notre baignade...

La marina s’est remplie, d’autres voyageurs déjà croisés nous ont rejoints et lorsque « Noisette » apparaît, c’est à notre tour de saisir leurs amarres.

 

9 et 10 juin 2004 LEROS « Lakki »

« Grand vent ! Attention à la lessive !!! »

Deux longues journées à observer le ciel, écouter le vent dans les drisses et échanger les habituelles banalités météorologiques. En fait, tout le monde semble apprécier cette petite pause. Ces messieurs nettoient, bricolent, ces dames lavotent, toutes heureuses de bénéficier des machines de la marina.

Et pas besoin de séchoir, le grand vent va s’en charger. Du linge séché au grand air, nos grand-mères auraient aimé…mais ne pas confondre grand air et grand vent si vous ne voulez pas retrouver votre linge au fond de l’eau… comme cela est arrivé à « Noisette ». Mais par huit mètres de fond la gaffe n’a pas suffi et il a fallu l’intervention de mon dauphin pour que Peter (hé oui encore un Pierre mais anglais celui-là) récupère short, T.shirt et plat en mélamine. Heureusement l’eau était très propre et une bonne douche a vite chassé les éventuels miasmes portuaires. Décidemment un bienfait n’est jamais perdu.


11 juin 2004 LEROS de Lakki à Ormos Xerokambos

« Palmage ou pagayage mais ramages toujours !!! »

Le courrier est arrivé à Platanos, et rapidement récupéré par Pierre grâce au scooter personnel prêté par Anna. Quelques photographies de nos géraniums envoyées par Jean nous montrent qu’ils peuvent rivaliser en beauté avec ces cascades de géraniums admirées sur les murs de certaines villas, même le bougainvillier n’est pas en reste. Merci nos dévoués gardiens.

Le vent semble calmer ses ardeurs, nos voisins s’enhardissent et larguent les amarres, Noisette part pour Patmos. Nous nous contenterons aujourd’hui d’une belle crique aperçue en scooter au Sud, donc abritée du vent dominant pour nous remettre en jambes.

 

Mais, en fait, à l’extérieur de la baie abritée, le vent du Nord sévit toujours, malmenant la surface de l’eau. Aucune surprise lorsqu’au mouillage Sud nous avons retrouvé nos voisins de ponton et « Noisette » venus chercher le même abri. Deux ancres, la gueuse, 70 mètres de chaîne, Pierre ne mégote pas, ayant encore en mémoire notre mouillage « idyllique », car le vent du Nord réussit quand même à s’infiltrer en rafales, agitant la surface du plan d’eau. Quatre jours sans oursins, insupportable !!! Mais est-ce bien raisonnable avec ce vent… ??? Tout l’équipement est mis dans l’annexe. Les rochers de la côte sont beaux, très creusés, abris de ces petits poissons rouges que l’on a toujours plaisir à retrouver. Nos combinaisons nous permettent de profiter tranquillement de ce spectacle. Oursins et bigorneaux sont au rendez-vous et emplissent vite notre sac, mais surprise, cette fois-ci c’est le moteur de facétieuse qui refuse de pétarader. C’est donc, telle une « nymphe » tirée par un gracieux triton que je regagnerai Logos, Pierre, vu le vent contraire qui sévit de plus en plus, a plus confiance en son « palmage » qu’en son « pagayage » !
Belle soirée au son des clarines des chevrettes.



12 juin 2004 de LEROS à KALYMNOS « Emborios »

« Fragrances de maquis »

Un lever de soleil qui donne envie de mettre les voiles. Les petits chalutiers rentrent au port, suivis de leur cortège de mouettes, nous quittons notre mouillage pour l’île de Kalymnos dont la pointe Nord touche presque Leros. Un petit « Stenon » à traverser (canal) et voici déjà Kalymnos avec ses hautes falaises grises. Kalymnos, l’île des pêcheurs d’éponges.

A bâbord une belle baie nous attend, presque fermée par un important îlot. Assurément un bel abri puisque nous retrouvons une fish farm (mauvais signe pour la qualité des poissons proposés dans les restaurants, mais bon signe pour la protection des vents). Quelques maisons, une belle église, quelques discrètes tavernes le long d’une plage. La quiétude parfaite !!! Un peu à l’écart, une autre taverne propose deux bouées à ses éventuels clients. Pourquoi pas ? Mais maintenant, toujours après vérification de l’installation… expérience oblige. Tiens un bateau à moteur s’est ancré dans la crique où nous allons chercher des oursins… un look déjà vu… « Neptune » de Sète rencontré à Tilos croise à nouveau notre route… hasards du voyage !!! Quelle pénétrante odeur de maquis sur terre, le thym embaume mais nous ne trouverons pas l’origan annoncé dans le guide.

 

Bien sûr, notre soirée et celle des passagers du voilier attaché à l’autre bouée se passera à la terrasse surélevée de la taverne « Nickolaos » à admirer Logos et les couleurs rougeoyantes du couchant sur les falaises. Pas de poissons au menu…mais des « dolmades » et du calamar frit… Et, avec une gourmandise extrême : un baklava dégoulinant de miel !!! sans oublier un café grec.


13 juin 2004 KALYMNOS d’Emborios à Pothia

« Encore une marina fantôme »

Le port de Kalymnos nous attend au Sud. Prévenus pendant nos babillages de pontons, nous savons que la marina annoncée par le guide nautique avec un descriptif très précis en 2001, n’existe toujours pas et donc, une fois de plus, peu de places sont offertes aux voiliers de passage. Il est important d’y parvenir assez tôt dans la journée. La côte longée est toujours très belle, modérément investie par deux stations balnéaires, Pierre remarque au passage quelques possibilités de mouillages, mais pour l’instant nous assurons. L’entrée dans le port de Pothia est tout aussi folklorique que la marina fantôme, je devrais plutôt dire affreusement dangereuse. Une balise semble au milieu de la passe indiquer un haut fond. Hé bien c’est pire encore… entre la balise et la digue actuelle il y a tout simplement, encore immergé, le ballast qui servira à prolonger la dite digue. Heureusement que nous papotons et avons appris à nous méfier des ports grecs… Beaucoup de barques de pêche, un grand quai d’accueil pour les nombreux ferries qui accostent à Kalymnos, des caïques et une petite place pour Logos à coté d’un vieux bateau pour plongées « Happy Papy », mais qui a dû cesser d’emmener des clients depuis longtemps.
Nous voici amarrés le long de la promenade du port, destination prisée pour la sortie familiale du soir, en plein cœur de Pothia (il y aurait eu une princesse portant ce nom). Une animation très raisonnable, même le soir, lorsque les clients se groupent aux terrasses des tavernes pour regarder les matchs de football de la Coupe d’Europe. Comme l’an passé à Egine pour les qualifications, nous pouvons suivre les matchs depuis Logos et profiter des cris de joie lorsqu’un but est marqué mais, jusqu’à maintenant, rien de très excitant en dehors des deux hurlements de foule quand notre Zizou national a sauvé la France de la domination anglaise. Les grecs remontent dans notre estime, ils soutenaient la France.

 

Bien sûr, aux étalages, des éponges, encore des éponges, des brunes, des claires, pour rappeler le passé glorieux de l’île et le courage des pêcheurs de Kalymnos, mais, en fait, maintenant beaucoup proviennent d’Afrique… ce qui explique peut-être leur prix, intermédiaires oblige.
Et puis, sur le quai Est, devant des tavernes désertées, ces gros blocs de béton, amorce d’une marina annoncée comme terminée, financée par l’Europe, qui doit être achevée en 2006, alors que rien n’est encore sorti de terre, pas plus que de mer. Tout autour du port, en amphithéâtre, d’élégantes constructions, peintes de rose, de bleu, d’abricot, certaines avec fronton, d’autres avec toit de tuiles ou terrasses, dites d’architecture italienne.


14 juin 2004 KALYMNOS visite de l’île


« Saint Panteleimon, donnez nous de l’essence ! »

Après beaucoup d’insistance, nous avons réussi à obtenir un scooter « full insurance ». Pour quatre euros de plus cela nous semble plus raisonnable et nous voici partis, pique nique dans le sac pour la pause baignade du midi, le long de la presque unique route asphaltée de l’île. Quelle belle route, bordée de lauriers roses et blancs, traversant d’élégants villages fleuris où bignones, jasmins et bougainvilliers rivalisent, sinuant en corniche le long des falaises ouest de l’île, laissant entrevoir cette mer tantôt turquoise, tantôt émeraude. Les deux stations balnéaires entrevues, sont certes le domaine des touristes, mais elles restent discrètes, de taille familiale.

Une petite plage de sable gris, offrant l’ombrage de tamaris nous permettra baignade et pique nique tout en faisant une étude sociologique … il y aurait sûrement sujet à thèse :« Positions adoptées pour la lecture sur une plage ». Encore une fois une ambiance très familiale.
Cette fois-ci coup de la panne d’essence (c’est plus classique…) : un compteur qui indiquait réservoir plein alors qu’il était presque vide dès le départ. J’aurais dû me méfier car il n’avait cessé de marquer que nous roulions à 20 Kms heure… Pierre a beau faire des efforts pour me satisfaire et faire semblant de rouler doucement, mais à ce point. ! Un « elliniko » (alors qu’il s’agit en fait d’un « tourkiko », appellation interdite depuis l’occupation turque de Chypre (1974) ) - en fait un café turc - dans une taverne heureusement proche et voici Pierre parti à moto, derrière le fils de la maison, chercher une bouteille d’essence. Encore de la chance car pousser cette bécane avec cette chaleur… peut-être que Pierre aurait eu la délicatesse de me faire monter dessus pour m’éviter une longue marche de 2 kilomètres … ???

 

Saint Panteleimon a bien mérité une petite prière et une montée au monastère construit près de la grotte où il se recueillait, sans oublier Saint Georgiou dont l’imposant monastère domine Pothia.

Le mouillage de Vathi nous ayant été recommandé, nous quittons tout à coup cette côte aride pour découvrir une riante vallée où s’épanouissent de nombreux arbres fruitiers et principalement des mandariniers qui viennent presque se jeter dans un minuscule port construit en bout de fjord, étape privilégiée des flottilles de voiliers « locataires », mais où il doit être difficile de trouver la sérénité. Vu l’exiguïté du quai et la fréquentation, nous avons peu de chances d’y trouver refuge et préférerions le mouillage de Vlychada, ou la proximité des fish farms de la baie d’Akti, beaucoup plus tranquille.


15 juin 2004 KALYMNOS Pothia

« Éponges au permanganate… »

Matinée culturelle : visite à l’habituel musée renfermant comme d’habitude les trésors qu’Athènes ou Rhodes n’ont pas subtilisés. Ici tout tourne autour de l’éponge. C’est donc une partie de la demeure d’un riche négociant en éponges du 19e siècle qui nous est proposée, tout ce qu’il y a de plus bourgeois : imposants portraits de famille, dorures, argenterie, peaux de bêtes. Attention : no photography ! (on se demande bien ce que nous aurions photographié !!!). Nous sommes loin de l’image de l’infortuné pêcheur, chaussé de plomb pour descendre plus vite au fond et pouvoir y marcher.

Les soi-disant musées ayant trait aux éponges n’étant en fait que des magasins déguisés, nous irons au bout du port rendre visite à un artisan spécialisé dans le traitement des éponges Deux heures dans du permanganate, puis dans l’acide avant un dernier rinçage pour les éponges claires et plus fragiles.

L’après midi sera consacrée aux bricolages ou plutôt aux améliorations de confort : élaboration de la manche à air moustiquaire, ces minuscules demoiselles ayant fait leur apparition avec la chaleur, installations de poulies multiples pour simplifier les manœuvres (merci à Petrel II et à Tristan … dont le sandow new look retient la drisse dans ses velléités de vibration). Seul mouvement dans notre entourage, le petit ferry qui chaque jour dessert la petite île voisine de Psérilos… Prévert aurait aimé faire un poème de son chargement : chèvres, mouton, bétonnière, ciment… sans oublier les passagers.


16 juin 2004 KALYMNOS Pothia

« Il n'y en a pas deux comme lui !!! »

Gusty a encore eu quelques accès de furie cette nuit, annoncés par notre baromètre. Nous nous octroyons une nouvelle journée port puisque nous n’y sommes pas dérangés, même les Coasts Guards sont très discrets. Il faut dire qu’avec l’arrivée des nombreux ferries, ils ont d’autres chats à fouetter. Les caïques (certains déguisés en "bateau pirate") portant leurs touristes de quelques heures sont de plus en plus nombreux, annonçant que la saison a bien commencé mi-juin. Il va être temps de retrouver nos mouillages car, dans les îles, les places vont être chères.

Tout à coup un aboiement nerveux fait sursauter Pierre. Ce ne peut être que lui, cet affreux chien caractériel, croisé l’an passé à Patmos et à Samos. Et effectivement c’est bien lui, excité comme un vieux pou à la proue d’ « Hipopotamos » qui, heureusement, va apponter quelques mètres plus loin. Comment ont-ils fait pour le supporter encore un an sans chercher à le noyer ??? Et dire que certains prétendent que Pierre n’a pas d’oreille!!!

 

17 juin 2004 de KALYMNOS à KOS Marina-

« Hippocrate avait son platane, Pierre a préféré les lauriers »

 

Les cloches du monastère ont joyeusement sonné notre réveil. Il n’est que six heures, Pothia s’éveille après une soirée football un peu animée. « Barbarossa » lève l’ancre pour aller promener ses pirates d’un jour. Pourquoi ne pas le suivre ?

Le vent n’est pas encore établi, mais avec les « stenons » et les caps où il concentre toute sa force, nous restons sur nos gardes.18 milles à la voile, d’abord près serré, puis travers pour finir grand largue avec une pointe de vent à 35 nœuds.

Nous retrouvons sur bâbord les côtes turques du nord de Bodrum rongées par la lèpre blanche des casemates à touristes que nous avions tant dénoncées l’an passé.

Encore un cap peu profond à doubler, l’aperçu du vieux port bordé par les hautes murailles de l’ancienne citadelle médiévale des chevaliers de l’Ordre de St.Jean de Jérusalem et l’entrée dans la vaste marina construite en extérieur, accueillis par un cow-boy en Zodiac. Un confort que nous avions un peu oublié pendant notre croisière cycladique. Enfin une marina digne de ce nom ! Est-ce par crainte de la concurrence turque ? « Logos » se retrouve entre « Dawnstrike » et « Quay Runner », deux voiliers britanniques.C’est bon pour mon anglais… plus difficile pour Pierre qui voudrait bien soutenir de vraies conversations, mais aucun bateau français dans les parages !!!


Pour la première fois cette année, nous enfourchons nos bicyclettes pour aller faire connaissance de la ville de Kos, à la réputation douteuse due à l’affluence de jeunes fêtards nordiques. Peut-être, une fois de plus la saison « chaude » se réduit-elle aux mois de Juillet et Août ? Nous découvrons une ville très élégante ayant très harmonieusement intégré les ruines de l’antique cité romaine à la station balnéaire prisée qu’est devenue Kos et c’est avec un réel plaisir que nous nous promenons parmi les vieilles pierres de l’ancienne Agora, du Stadium, de l’Odéon, comme s’il eut s’agit de jardins publics ombragés. Palmiers, lauriers et platanes (dont ce platane 5 fois centenaire, rappelant le platane sous lequel Hippocrate, le fondateur de la médecine moderne, natif de l’île de Kos, enseignait au 5e siècle) rivalisent et ombragent les vastes avenues et les nombreuses tavernes, encore peu investies en cette fin d’après midi. Le célèbre platane étant protégé, c’est à l’ombre des lauriers que Pierre s’abritera, devant un Ouzo.

Dans le port construit autour de l’imposante citadelle, de nombreux caïques qui proposent des excursions pour Bodrum (les côtes turques ne sont qu’à deux milles), beaucoup de ferries reliant les principales îles de l’Egée et encore une fois, seulement trois ou quatre places pour les voiliers de passage. Que se passait-il avant la construction récente de la marina ?

Un petit restaurant « familial » nous a été recommandé par le loueur auquel nous avons retenu une voiture. Situé à l’autre extrémité du port, dans un secteur tranquille « The Old River » est apparemment réputé, car très fréquenté. Nous y mangerons un assortiment de mezzés préparés par la grand-mère de la maison que nous accompagnons de Retzina. Recommandation justifiée quant à l’accueil et la qualité de la cuisine. Au retour vers la marina, nous prenons possession d’une Hyundai « Atos Prime », d’un jaune éclatant, pour les visites du lendemain.

Soirée très calme à la marina, quelques remous aux buts marqués par les footballeurs. Les flonflons nocturnes annoncés sont très, très lointains.

18 juin 2004 KOS visite de l’île

« 43 nœuds dans le port »


Nous commençons notre circuit Hyundai par la citadelle qui n’ouvre ses portes que le matin. Une très imposante structure, plusieurs fois agrandie par les Chevaliers grâce aux matériaux puisés dans la cité antique et dans l’Asklépion, centre de soins à quelques kilomètres de Kos. Cela explique sans doute la profusion de morceaux de colonnes qui sont éparpillés dans l’enceinte du château fort, importante défense contre les menaces turques (la fin justifiait les moyens… !).

À quatre kilomètres, sur les premiers contreforts de la montagne, parmi les pins et les ifs s’élève cet Asképlion, appauvri par les Chevaliers. Un vaste ensemble de terrasses, restes de temples, bains alimentés par des sources bienfaisantes, centre de soins très couru pendant l’Antiquité, domine la plaine littorale. Nous y retrouvons Hippocrate et son célèbre serment.

Et puis, grimpette dans la montagne parmi les pins. Après toutes ces îles râpées, nous apprécions cette riche végétation. Un vieux village très animé car haut lieu touristique, mais sans vulgarité : Zea, notre pique nique dans la forêt où tortues et faucons sont annoncés mais malheureusement absents (inquiétude de Pierre qui craint de se retrouver avec une tortue sur le voilier…) et visite à un village byzantin abandonné, situé dans un site grandiose, entre deux hautes falaises. Les ruines d’une forteresse, apparemment en cours de restauration, se dressent encore sur le piton rocheux qui en garde l’entrée. Montée émouvante entre ces murs qui s’efforcent de résister à l’assaut des vents … et aujourd’hui il y en a …, comme pour témoigner d’une vie passée. Trois petites chapelles, objets de soins privilégiés donnent une âme à ce village mort. L’une d’entre elle est à demi enterrée, l’autre offre encore au regard des fragments de fresques byzantines sur ses murs. Une taverne est ouverte sur un promontoire, nous nous devons de l’honorer malgré le chemin caillouteux pour respecter la peine que se sont donnée ses propriétaires. Quelques tables et chaises face au panorama, l’ombre bienfaisante d’un arbre, pas question de parasols aujourd’hui, le vent du sud pique sa colère et fait même valser les chaises inoccupées. Nous apprendrons plus tard que, dans le port, les anémomètres ont annoncé 43 nœuds. Gare à ceux qui ont choisi un mouillage au Sud !

Kos est célèbre pour ses immenses plages garnies de transats et parasols. Nous préférons, une petite crique au Sud Ouest pour patauger avant de faire une halte au supermarché, un « Champion » (nous ne sommes pas trop dépaysés) pour compléter l’avitaillement.

À la marina, chacun parle de ce coup de Sud, encore une fois non prévu par les météorologues …Nous commençons à avoir l’habitude ... et « Logos » n’a pas souffert.


19 juin 2004 KOS marina

«Après le vent, la pluie ! »

Journée en stand bye, chacun attend la suite des évènements après le coup de vent d’hier. Une suite qui ne saurait tarder tant le ciel est menaçant. En attendant, ces messieurs lavent consciencieusement leur bateau tout poussiéreux du vent de la veille. Utile ? Inutile ? Toujours est-il que les gros nuages crèvent et déversent des trombes d’eau sur les ponts. Ce sont nos plantations qui sont contentes. Journée écritures, lecture mais nous sommes souvent distrait par nos voisins de pontons qui ne manquent pas de papoter en passant…

Seule réelle activité, un petit tour en bicyclette jusqu’au centre ville pour retenir nos places sur un promène-C… (je préfèrerais dire « day cruiser »…, plus respectueux) pour nous rendre à la petite île volcanique de Nysiros, un bijou à ne pas manquer, mais où il nous semble plus prudent de ne pas mener « Logos » étant donné les conditions météo et l’accueil précaire. Aucune liaison depuis le port de Kos le dimanche, il nous faudra attendre lundi.


20 juin 2004 KOS Marina

Retrouvailles avec "Saphir"

Encore une journée de farniente. Le ciel a retrouvé sa belle couleur bleue, mais les pavillons sont encore un peu malmenés dans les haubans. Grand calme à la Marina.

Je vaque, Pierre envoie quelques messages. Provocation ? Hasard des ondes ? Nous avons récupéré ici la connexion turque et nous régalons d’entendre « Yatch Marine F.M Marmaris» diffuser son programme jusqu’en Grèce. Nous en profitons pour contacter quelques voyageurs familiers rencontrés durant notre voyage : « Comment allez-vous ? Où êtes vous ? » - …- « Kos Marina ponton A » répond « Saphir » que nous n’avons pas revu depuis 2 ans. Nous sommes au ponton F !!! Et dire que nous avons failli ne pas nous rencontrer, tout comme cela s’est produit avec « Targui » à Amorgos.

Bien sûr, nous nous sommes vite retrouvés devant une « Mythos » à parler expériences, aventures heureuses et malheureuses et famille. Peut-être nous rencontrerons nous en Turquie l’an prochain ?

Tout est prêt pour notre départ matinal pour Nysiros, le bus à 7h5O devant la marina, le bateau à 8h30… Tout confort.



21 juin 2004 NYSIROS

« Sulfureuse... et volcanique !!! » (N.D.L.R.: Evitons les méprises)

Bien assis sur le pont supérieur, nous sommes prêts à ouvrir tout grands nos yeux. Le spectacle commence d’ailleurs très vite avec l’arrivée des premiers touristes et la difficulté qu’éprouvent certains à trouver le siège idéal : vent, soleil, voisinage… La longue côte de Kos défile devant nous, rectiligne au premier plan avec de nombreux complexes touristiques, montagneuse et presque déserte à l’arrière.

Et puis c’est le grand large avant de longer l’îlot de Yali, très entamé par une vaste carrière et de pénétrer dans le tout petit port de Mandraki, dominé par un imposant monastère. Un voilier est apponté et sa place serait enviable tant ce lieu à de charme, s’il n’était pas autant malmené à chaque arrivée de ferry. Et des ferries il y en a… : plus de 42.000 visiteurs par an pour rendre visite à cette petite merveille de la nature qu’est le volcan de Nysiros. Plusieurs cars sont à l’attente pour prendre en charge leur cargaison de touristes. Une belle ascension sur une étroite route de montagne et puis, tout à coup, au détour d’un virage, la découverte d’une vaste caldeira où pointent cratères et cônes volcaniques.

 

Un tableau magique que nous apprécierons encore plus en descendant dans un des cratères, « Stéphane », le plus grand (330m de diamètre, 27m de profondeur, 4000 ans). Vaste plateau circulaire où le volcan vibre, vrombit souffle, dominé par de hautes parois dont les couleurs rivalisent avec une belle palette de peintre.

Quelle étrange sensation que de marcher sur cette fine croûte saline et sulfureuse où l’on sent le volcan vivre. Ici plusieurs évents où il souffle, dégageant de chaudes vapeurs, là de petites mares où bouillonne une eau blanchâtre et, partout, de minuscules monticules ouverts recouverts de cristaux de soufre. Rien de terrifiant, contrairement à ce que certains guides à sensations se complaisent à décrire, mais une force puissante qui, en se révélant au grand jour, se pare d’une étrange et fascinante beauté. Un spectacle que l’on aimerait contempler sous les multiples éclairages du jour et des saisons.

Les yeux remplis de cette vision lunaire, nous regagnons Mandraki. Ce vieux village s’est blotti au bord de la mer sous la protection du monastère. Objet de soins attentifs de la part des Nysirois, à juste titre très attachés à leur île, ce village a beaucoup de charme. Des balcons peints ornent les façades des maisons, de belles mosaïques de galets décorent les seuils des maisons et les placettes. Un petit coin de rocher, à l’extérieur, nous accueille pour notre pique nique et notre baignade avec la vision de Mandraki dont les premières maisons sont battues par les flots.

Un très beau voilier croisé à Kalymnos et à Kos « Jade Woman » de Hong Kong a montré plus d’audace que nous et est venu apponter dans le port. Assurément une très belle escale par beau temps.

Nous quitterons Kos demain pour la Turquie, mais avant de partir un substantiel approvisionnement en cubis de vin difficiles à trouver en Turquie. « Qui veut voyager loin remplit son bateau de vin !!! »


22 juin 2004 de KOS à la côte turque « Akabuk » Golfe de Datcha

« Un beau pavillon tout neuf »


Six heures ! Pas une heure pour des retraités, mais ici le vent commande et il est bon de le devancer sur son horaire. Tout est encore en sommeil dans la marina, même le Coast Guard qui, il faut le reconnaître, s’est toujours montré discret et courtois une fois les tampons apposés sur le transit log. La côte nous protége, mais par précaution Pierre a pris 2 ris, la météo annonçant des vents de force 5/6. Tout d’abord 13 nœuds au portant, rien à dire et puis passage de la pointe sud-est de Kos… 33 nœuds, plus remuant ; une mer très sèche, très hachée avec laquelle il nous faudra négocier pendant toute la traversée jusqu’à la côte turque.

Le pavillon grec retrouve sa pochette, le turc, un beau pavillon tout neuf acheté à Marmaris avant de partir, est hissé. Pas d’arrêt à Knidos, mouillage trop fréquenté et dangereux par temps incertain. C’est avec plaisir que nous ancrons Logos dans une baie familière, où nous nous sommes déjà arrêtés l’an passé. Deux ancres, deux bouts à terre. Cela devrait aller.

Le seul gület ancré nous quitte en soirée. Nous avons la baie pour nous tous seuls et le vent qui réussit à se frayer quelques passages par-dessus nos montagnes protectrices. Certainement force 7/8 juste devant la crique tant la mer est blanche.

23 juin 2004 Golfe de Datcha "Akabuk "

« Accès de fièvre »


Meltem n’a pas cessé de souffler cette nuit, Facétieuse s’en est même retournée. Nous allons donc sagement rester dans notre abri. Même l’horizon moutonnant est désert, seuls quelques gros ferries passent au loin.

Une courte visite à la côte, bien couverts… l’eau n’est qu’à 19°6… pas d’oursins, quelques arapèdes, une éponge, mais la vision de bien jolis aquariums très fréquentés par les poissons dans les rochers .Une belle promenade, un peu frisquette pour la saison.

Le vent va et vient, certains silences nous font espérer une accalmie … erreur, c’est pour tromper l’ennemi. C’est ainsi que doucement bercés, à demi somnolents, une violente et heureusement très brève bourrasque nous tire de notre torpeur … passer de 0 nœud à 40 nœuds en quelques secondes, c’est tout de même très impressionnant. Pourquoi cette soudaine colère ? Vent catabatique dit-on. Même « Logos » a été surpris, mais ses entraves l’ont maintenu dans le droit chemin. Pierre note de nouveau dans ses observations météorologiques « Vent NW 7/8 ».

En soirée des pêcheurs rasant la côte pour se protéger posent tout de même filets et lignes de fond. Peut-être aurons nous du poisson demain ?

24 juin 2004 Golfe de Datcha "Akabuk"

« Premiers sars turcs »


Une nuit relativement calme au mouillage mais le vent a du souffler à l’extérieur car Logos se balance allègrement.

Effectivement, leur filet relevé, les pêcheurs viennent nous proposer de beaux poissons tout frais… de quoi améliorer notre ordinaire en attendant que nous leur fassions concurrence.

L’eau toujours trop fraîche ne nous incite guère à la patauge. Et si nous commencions à enregistrer nos « Histoires de mer » ? Le cadre y est, le fond sonore aussi, le vent souffle, les vagues viennent éclater sur la falaise, peut-être trop parfois. Un futur sérieux travail de montage pour Pierre, entre les bredouillements et les fous rires, il va avoir à faire.

Monsieur Meltem nous empêche d’allumer le barbecue, dommage d’être obligés de frire les poissons à la poêle.

« Vent NW 7/8 ».

25 juin 2004 d’Akabuk à Kargilibuek

« 24°C enfin ! »

Tout est calme ce matin, quelques voiliers, sortis de leurs abris, passent au large. Peut-être s’agit-il de ceux qui doivent regagner Bodrum, croisière finie ?

Logos va aussi avoir le droit de faire un petit tour, pas un grand, juste pour se rendre quelques criques plus loin pour visiter. Une haute paroi rocheuse où s’accrochent désespérément quelques arbres, un vallon très boisé de pins terminé par une petite plage, aucune trace humaine et pour cause aucune voie n’aboutit en ce lieu.

Un endroit rêvé pour Logos, et puis qui dit plage dit souvent bois flottés. Une fois de plus pas trace d’oursins, nous devons donc nous contenter de magnifiques arapèdes bien lavées par les flots et de deux huîtres (pas des bretonnes, des méditerranéennes, plus proche du coquillage). Effectivement la plage recèle des trésors… encombrants, mais nous ne devons pas oublier que nous sommes bien loin de St.Cyp !!!

Une bonne nouvelle, peut-être due au fait que nous avons commencé à nous enfoncer dans le Golfe de Datça…eau à 24°C, cela commence à être raisonnable.

Première pose du filet, enhardis par la rencontre de plusieurs bancs de poissons et notre totale solitude.

26 juin 2004 Kargilibuek

« La cigale ayant chanté tout le printemps… »

... Se trouva fort marrie, lorsque par Logos fut prise… Quelle surprise ce matin en relevant le filet, une « cigale de mer », sorte de langouste préhistorique, s’était coincée dans les premières mailles… pas les poissons attendus, sans doute trop malins ou avertis par la demoiselle. Inespéré, nous qui raisonnablement ne nous étions pas offert une cigale au restaurant l’an passé, c'est encore mieux cette année, nous pouvons la déguster à bord.

Toujours le grand calme, même les voiliers ont disparu. Mais un nouveau coup de vent étant annoncé pour après demain, nous gagnerons le petit port de Datça, où nous avons déjà apponté l’an passé.

27 juin 2004 de Kargilibuek à Datça

« Un nouveau check in »


Quelques milles au moteur, deux baignades dans la « grande bleue » et l’appontement dans le port de Datça, cette fois ci au ponton de bois nous éloignant du ballast du quai, qui nous avait été refusé l’an passé pour cause d’attente de « flotille Sunsail ». Ce port a toujours le même charme provincial avec ses tavernes joliment fleuries. Une petite demi heure pour les formalités d’entrée en Turquie et l’établissement d’un nouveau transit avec passage dans les bureaux de trois administrations. Plus efficaces que les grecs qui mettent le même temps pour tamponner un document en règle.

Effectivement Gusty s’excite un peu. Au bout de deux à trois jours il n’en peut plus et pique sa colère…Nous l’ignorerons ce soir.

 

 



25 juin 2004 Golfe de Datcha Kargilibuek

 




 



À suivre…

Si Poséidon nous est favorable !!!