Carnet de bord 2003
DEUXIEME PARTIE
Le dimanche 8 juin 2003 Nisos Diaporioi
Farniente, baignades, oursins…
Le lundi 9 juin 2003 de Nisos Diaporioi à Égine
Une nuit où nous n’avons eu pour seuls compagnons que les goélands et (en nous basant sur les cris entendus) aux rats qui se chargent de l’épuration des goélands faibles.
10 milles à parcourir pour atteindre Égine. Un petit vent NE. Une agréable surprise en entrant dans le port réputé encombré : une belle place nous attend le long du quai. Ainsi nous pourrons pleinement profiter de l’animation de ce pittoresque port touristique certes mais sans excès car, à par les Athéniens qui viennent y chercher un peu d’évasion, les touristes véhiculés par ferries et cars ne font que passer.
Entre les nombreux scooters qui pétaradent le long du front de mer et nous donnent envie de jouer « Vacances Romaines », une calèche pour touristes fait joyeusement tinter ses clochettes.
Les quelques voiliers amarrés voisinent avec les bateaux de pêcheurs. Deux ou trois d’entre eux semblent s’être reconvertis en pittoresque marché aux fruits… Peut-être plus lucratif.
Si le front de mer se veut résolument touristique, les ruelles étroites de l’arrière port sont plus spécialement destinées aux autochtones. La relative fraîcheur (38°C à l’ombre) m’incite à pallier une nécessité : acheter un beau Panama à Pierre… de plus en plus touriste avec son beau gilet à poches multiples… Il faut ce qu’il faut pour se soumettre aux exigences culturelles… et un chapeau tressé pour moi.
Si le marché aux poissons est vide en cette fin de soirée, les poulpes mis à sécher laissent imaginer notre dîner (poulpe grillé et résiné) dans une petite gargotte sympathique.
Le mardi 10 juin 2003 Égine
Une fois de plus une déesse a voulu échapper à un mâle trop entreprenant, Minos et quittant Athènes, invisible, s’est réfugiée sur l’île qui prendra son nom, Égine.
Aujourd’hui, découverte du Nord de cette île en bus local, par une jolie route, tout d’abord bordée de pistachiers… puis d’oliviers. Attendre cet age avancé (!!!) pour découvrir des pistaches autrement que séchées pour l’apéritif….
Un premier arrêt au temple d’Aphaia, superbe temple de style dorique dont 24 colonnes sur 34 (pas mal !) se dressent encore fièrement face à la mer, en alignement triangulaire avec le Parthénon et le temple de Poséidon du Cap Sounion. Difficile d’imaginer ces temples recouverts d’une toiture, colorés en blanc, bleu (symbole du ciel) rouge (symbole de la terre) pour souligner les lignes horizontales et noir pour souligner les verticales. Une fois de plus, le site nous appartient bien vite et c’est seuls que nous visiterons le musée attenant pour y admirer de belles reconstitutions architecturales.
Une agréable descente vers la mer par un sentier jusqu’à une station balnéaire où une baignade en compagnie de canards facétieux rafraîchit nos idées avant une halte dans un coquet restaurant où nous serons les seuls clients.
Sur le chemin du retour, une pensée sinon une prière pour Saint Nectaire dont la sépulture est abritée dans un imposant monastère. Pas de quoi en faire un fromage… seulement un pèlerinage !!!
Le mercredi 11 juin 2003 Égine
« Vacances romaines »
… Nous l’avons fait… Il ne me manquait que le foulard pour protéger ma coiffure.
À 11 heures 30, Pierre est revenu tout fier avec un beau scooter PIAGGIO… Une grande première pour lui… Un très très vague souvenir pour moi… Mes 18 ans, un petit tour avec Georges sur son scooter !!!Premiers kilomètres… Un peu d’anxiété !!! Vais-je savoir être aussi docile qu’Hélène ou Aurélie et me laisser entraîner par mon conducteur. (« Pierre, tu crois qu’un scooter doit être aussi penché qu’une moto dans les virages ??? »
Et puis le grand plaisir. Tout d’abord la route côtière vers le Sud où nous accueille un gentil port de pêcheurs, Perdika, face à un majestueux îlot rocheux avec baignade et pique nique sur la plage et puis la grande découverte sur les routes vallonnées et tortueuses de l’île, soit une centaine de kilomètres (avec des pointes à 70 Km/h tout de même).
Remontée vers le Nord et route de l’intérieur avec coup d’œil en passant sur le site d’un très ancien village en ruine : Paleichora qui fut capitale de l’île pendant 10 siècles. Il subsiste encore une vingtaine de petites chapelles sur une centaine. Certaines commencent à être restaurées. Etrange spectacle que ces édifices se dressant sur le versant d’une colline pierreuse, dans un champ de ruines, seuls témoignages d’une vie passée.
Notre scooter pétarade joyeusement sur la route sinueuse qui surplombe la côte Est entre pins et mer bleue et nous offre de magnifiques points de vue sur la côte et les criques en contrebas.
Un grand moment ! Une approche tellement magique d’un site que nous renouvellerons cette expérience sur les autres îles. La chaleur et le relief ne nous permettant pas l’usage de nos bicyclettes.
Un seul scooter mais deux photos !!!
Soirée fraîcheur à bord qui permet même à Pierre, les jumelles braquées sur la télé de la brasserie d’en face, d’apprécier le but marqué par la Grèce à l’Ukraine pendant le match de qualification pour l’Euro 2004. Cris de joie des clients attablés !
Le jeudi 12 juin Égine
Farniente, écritures…
Le vendredi 13 juin Egine, excursion à Poros
« Deux chapeaux s’aimaient d’amour tendre »
Si la température dans le port d’Égine est plus qu’estivale, la météo marine côté vent à l’extérieur est peu engageante. Il est donc plus sage de jouer les touristes « terriens ». Pique nique sur la plage (un bien grand mot) d’Égine, baignade et puis, décision rapide d’aller voir Poros, mais en ferry. Cette autre île du Golfe Saronique n’étant pas sur notre trajectoire, nous embarquerons sur « Niflia ». Pierre, de plus en plus « Paul Hogan » dans « Crocodile Dundee »… Ai-je le look de la pimpante journaliste New-yorkaise ?... J’en doute, mais, avec mon petit chapeau bleu, je fais ce que je peux.
Nous avons pris l’habitude de naviguer au ras de l’eau et c’est une étrange impression que de se retrouver perchés en haut d’un immeuble flottant… Mais le coup d’œil en vaut la peine et nous permet de découvrir l’Est du Péloponnèse en longeant la presqu’île de Methana. Le site est magnifique, un vrai lac cerné de montagnes. L’arrivée sur Poros est grandiose. Des maisons bâties sur un promontoire dominé par une tour dans un cadre digne des lacs du Bourget ou d’Annecy, un vaste plan d’eau où se succèdent les petites criques. Dans le ferry, pendant une partie du voyage, un petit garçon ne nous a pas quitté des yeux, à la fois surpris et intrigué, ce qui a amené son père dans un très beau français cela arrive et réconforte, tant la suprématie de l’anglais sur notre belle langue agace un peu même un prof d’anglais « honoraire » à nous expliquer que son fils avait reconnu dans le chapeau de Pierre le « Johny » de son dessin animé préféré, un Walt Disney de 1946 relatant l’histoire d’amour de deux chapeaux dans une vitrine. Un conte à réécrire à notre manière…
Agréable promenade dans les ruelles souvent en escaliers de Poros. Nous regardons avec envie les voiliers ancrés bien au calme dans la baie. Un vrai décor de théâtre et une belle escale à recommander aux voileux qui choisissent le route Sud.
Retour à Égine par le même ferry. Lumière du soleil couchant… Le port d’Égine s’est rempli et les places y sont chères (en place, pas en prix car, à part 3 Euros pour l’eau, l’amarrage est gratuit, sans formalités administratives…
Le samedi 14 juin 2003 d’Égine à Kithnos
« Je me sens si petit… »
5h30 du matin, le moteur vrombit déjà… 4 jours à quai sans ronronner.
Égine dort encore, c’est pour les grecs le long week-end de Pentecôte… Hé oui… 8 jours après le nôtre question de principe de la part de l’Église Orthodoxe pour se démarquer de l’Église Catholique Romaine, la Pâques Orthodoxe ayant eu lieu huit jours après la Pâques Catholique. Le délai de 40 jours est respecté !!! Tout cela parce qu’en 1054, le patriarche de Constantinople n’acceptait pas la tutelle de Rome et réclamait l’égalité avec le Pontife. Il me semble avoir déjà vu cela quelque part avec l’Église d’Angleterre !!!
Lorsque nous sortons de la rade, le soleil se lève et les petites embarcations des pêcheurs matinaux jalonnent la côte. La grand-voile est hissée mais le calme l’empêche encore de jouer son rôle. Si l’île d’Égine offre de très beaux points de vue sur la côte depuis la terre, la côte Nord est plutôt monotone, bordée de constructions sans charme.
8 heures. Le petit déjeuner a été savouré au calme. Le vent s’est levé, un vent du Nord ouest de force3à 4. Le génois se déploie. Logos avance bien. Nous longeons les rails empruntés par les grands ferries, cargos, tankers… Toujours impressionnantes, ces grosses bêtes. On se sent si petit et si faible à côté d’eux que même prioritaire, il vaut mieux être sur ses gardes. Pourtant un ferry ultra rapide dévie sa route pour nous. Brusquement, le vent forcit. 25 nœuds, 28 nœuds. Force 5. La grand-voile se rétrécit au 2ème ris en prévision du passage de la terreur du coin, le Cap Sounion avec sa célèbre survente. 30 noeuds, 35 nœuds, force 7 et vite un 3ème ris. Le génois se transforme en string. Logos se régale. 6 heures de remontée au vent. Je retrouve mon barreur favori qui, tandis que je me lamente, rêvant d’une navigation à la cool, a pris le relais du pilote automatique et, me forçant à l’admirer, espère me faire oublier « partiellement » ma déception (N.D.L.R. : dure réalité de la voile : savoir perdre son horizontalité !).
… Nous arrivons enfin en vue de Khitnos où la baie Kolona nous fournit un abri sûr. Certes, nous n’y sommes pas seuls… Nombreuses vedettes, yachts. Mais, l’ancre bien loin devant et l’arrière bien attaché aux rochers, nous allons pouvoir faire une petite pause. Une courte promenade en palmes le long de la côte, quelques oursins. Nous aviserons demain de la poursuite de la croisière.
Le dimanche 15 juin 2003 Khitnos Ormos Kolona
Baro pessimiste, météo pessimiste, pause dominicale et réflexion quant à la destination à choisir. L’objectif Sporades Nord Ouest est abandonné car difficile à atteindre avec ce vent qui sera sûrement dans le nez pendant de très longues heures (90 milles tout de même). Inutile d’espérer un vent du Sud mais, si nous avions au moins la chance d’avoir un vent de Nord Ouest, Logos saurait tracer sa route au près vers les Sporades Est, au large de la côte turque.
Le lundi 16 juin 2003 Kithnos Khios Agia Lorrias
« Étésien ou Meltem… même galère !!! »
2h30 du matin… Les derniers fêtards d’un yacht voisin vont dormir et leur dernier cri de joie réveille Pierre. Et si nous partions maintenant. Il n’y a pas un souffle d’air dans la baie… Idyllique ??? Les bouts à terre sont facilement détachés. L’ancre bien coincée derrière un rocher finit par se décrocher. Plein d’illusions, les Passagers du Vent sortent de leur abri…côtier. Cela en était un. À l’extérieur, le vent souffle déjà… et soufflera de ¾ avant durant les deux tiers de la navigation pour Khios (Chios)… Je laisse à Pierre le soin de décrire nos 15 heures…, je me réserve pour les cabotages idylliques qui nous attendent certainement. Nous laissons donc les Cyclades à tribord, les menaces permanentes de Meltemi ou Meltem sont sérieuses et ces îles ne sont fréquentables que par temps calme. Nous les retrouverons avec un autre angle d’attaque.
Départ au calme. Dès que l'île est contournée, c'est parti ! 2 ris dans la grand voile, Gégène enroulé et vent au près à 25 Noeuds. 30 milles parcourus ainsi. Un calme inattendu et brutal nous permet de passer entre Andros et Tinos par un chenal redouté, réputé très venté (allez comprendre !!!). Encore une contradiction : dès la zone à risque passée, le vent se relève et, en quelques minutes, il atteint son régime de croisière. Il avait le choix entre plusieurs directions, dont celle du nord qui nous aurait fait renoncer. Sympa, il s'est mis à souffler à 30 /35 Noeuds de NW, toujours au près. La décision est vite prise et sans appel, les Sporades du Nord Ouest nous verront peut-être un jour, mais pas aujourd’hui. Direction Khios dans les embruns pendant 30 milles (5 heures).
Par chance, plus on s'éloigne des îles, plus le vent s'assagit. À croire que le Meltem trouve un malin plaisir à folâtrer en pleine mer, à soulever quelques petites vagues jusqu’à ce qu’il aperçoive, au loin, une terre. Alors, il prend son élan, se renforce pour escalader les sommets et, tel un skieur, il dévale les pentes en prenant encore plus de vigueur. Son arrivée de l’autre côté est spectaculaire et n’est pas du tout appréciée des marins. Notre pavillon grec en sait quelque chose.
Ce vent imprévisible et fougueux est si caractériel que les grecs lui ont préféré le nom de Meltem (venu de Turquie) à celui d’ « Étésien ». Vengeance des Turcs pour avoir été chassés des îles grecques qu’ils avaient si longtemps dominées et torturées ? Conflit beaucoup plus mythologique ? Quoi qu’il en soit, les grecs ont conservé ces petits joyaux sortis de la mer mais il leur faudra compter avec ce turbulent souffle…
En ce qui nous concerne et, pour les 30 milles restant à parcourir, nous rencontrons le Meltem de type badin soufflant à 15 nœuds, ne levant que quelques petites vagues. 15 heures après notre départ, la côte Sud de Khios se dessine devant nous… Une crique semi déserte… Quelques maisons aux volets clos, sauf une, le long de la plage, un chien révélateur d’une présence humaine pour accueillir Logos. Que la nuit va nous sembler douce !!!
Le mardi 17 juin 2003 (Agia Lorrias)
« Sérénité »
Farniente bien mérité… Je retrouve guides et tricot. Promenade sur la grève… Un beau bouquet d’immortelles et de l’aneth en souvenir, puis, le long de la côte, entre deux failles, bien protégés par un rocher, de gros oursins sont surpris que nous les ayons découverts. Il est étrange de constater combien les grecs semblent ignorer ces petites bêtes, assurément malveillantes, difficiles à ouvrir (Pierre est un pro) et à nettoyer mais dont le corail est tellement savoureux avec un petit verre de « Retzina ». À part le pêcheur solitaire et deux ou trois baigneurs en soirée, c’est le grand calme.
Le mercredi 18 juin 2003 Khios port
« Un port agité »
6 heures : La baie est tranquille. Apparemment, pas de vent. Un adverbe qui implique de plus en plus, dans mon esprit, un doute… depuis que nous fréquentons la mer Égée. Pourtant, dans la baie, pas une brise. Grand-voile hissée, génois déployé… Et que je te gîte… Et que je te souffle. La côte Sud Est de Kios est grandiose. De hautes falaises tombent dans la baie, offrant de belles échancrures au regard. Mais, dès le cap contourné, il nous faut rentrer la toile et remonter au moteur, le vent dans le nez. Le temps nous semble un peu long jusqu’au port de Khios.
La côte est moins belle, des constructions sans charme, un peu clapiers, bordent les plages que nous longeons. L’appontement prévu étant maintenant annexé par un pseudo yachting privé local, nous nous amarrons au quai de la ville à côté d’un vieux chalutier en retraite, toujours bichonné par son propriétaire et dont les belles couleurs semblent attirer notre Logos (il est vrai qu’il est un peu grec…) Bien ficelé, une aussière supplémentaire frappée sur la chaîne d’ancre du Vénérable, Logos devra aussi résister aux provocations turbulentes des gros ferries.
Le jeudi 19 juin 2003 Visite de l’île
« Vous prendrez bien un peu de Mastic ? »
Homère est-il né à Khios ? Pour beaucoup, Khios rappellera un massacre perpétré par les turcs à l’encontre du peuple rebelle après 4 siècles de soumission, tragédie immortalisée par Delacroix (Le massacre de Scio 1824) et par Victor Hugo. Les tremblements de terre ont achevé sa destruction. Est-ce cette destinée tragique qui donne tant de caractère à cette île ?
Dès la sortie de Khios, dans la Citroën Xsara rouge louée, le miracle se produit. La route s’élève à l’assaut de cette longue muraille, arête centrale de l’île qui, après une belle pinède laisse entrevoir de splendides promontoires. 1ère étape au bout d’un chemin empierré… Une belle église bleue et blanche, AGIOS MARKOS, havre de paix et d’harmonie dans cet enclos semblable à un petit monastère. Étant donné le peu de touristes qui s’égarent sur cette piste, les cars ne pouvant emprunter ce chemin peu praticable, nous sommes accueillis par un verre d’Ouzo et un Loukoum au Mastic. C’est une résine produite par un arbre (Therebinthe Lentisque) spécifique de l’île, importante production de Khios qui date de l’antiquité, les anciens ayant décelé dans le mastic des vertus non seulement curatives, désinfectantes, esthétiques mais aussi aphrodisiaques, ce qui a donné aux producteurs une haute protection (les femmes des harems en consommant)… Il entre maintenant dans la composition de nombreux produits de beauté et de l’Ouzo. Nous nous empressons de récupérer quelques boulettes sur les arbres mais uniquement à des fins médicales bien sur).
Ouzo ou Mastic, le charme de ce monastère est indéniable et inviterait à une longue pause sous une fraîche tonnelle.
Mais un second monastère nous attend : Nea Moni, l’un des plus importants monuments byzantins de Grèce, au passé prestigieux avant qu’il fut très endommagé lors du massacre, par les turcs en 1822, des moines et de la population qui s’y était réfugiée - massacre dont l’horreur est perpétuée par l’exposition des crânes fracassés et des membres brisés dans une vitrine comme pour dire « plus jamais cela »…
Outre la beauté de l’architecture et des fresques encore partiellement recouvertes d’or, l’icône miraculeuse représentant la « Dormition de la Vierge », - rare représentation d’elle sans son fils puisqu’elle représente sa mort ce monastère est un lieu de pèlerinage renommé et générant beaucoup d’émotion.
Peut-être un jour, les deniers de l’Unesco permettront-ils sa restauration. Il en vaut la peine.
Un petit coup d’œil à Léon, le Paon qui ne manque pas de signaler sa présence aux touristes. Heureusement que nous sommes là pour admirer sa roue, ses deux femelles semblent bien indifférentes à sa parade.
Et puis, tout au long de notre circuit, de très beaux villages médiévaux tapissant un flan de montagne ou perchés sur un promontoire avec toutes les maisons cubiques serrées les unes contre les autres pour tenter de se protéger de l’ennemi… à l’époque, les pirates ou les turcs, en fait, peu de différences entre les deux. Certaines maisons sont encore à l’état de ruines, d’autres en cours de restauration. Un monde hors du temps où, pour ceux qui ont survécu, la vie s’écoule maintenant paisible, à évoquer peut-être ceux qui ont quitté l’île. Certains, sont même devenus de puissants armateurs. Anavatos nous permettra de cueillir un beau bouquet d’origan qui parfumera intensément mouton et pizzas.
Et puis une halte dans une pittoresque anse quasi déserte sur la côte Ouest « Agia Irini » dont les seules constructions sont une petite chapelle et une auberge accueillante en bord de plage. Et, c’est en évoquant certains sites de Martinique que nous dégusterons crevettes et poulpes grillés, arrosés d’un bon Résiné.
Une île à laquelle nous accordons un vrai coup de cœur. Un très beau circuit de 110 Km qui nous a permis de mieux comprendre cette île plusieurs fois meurtrie, y compris par les séismes (celui de 1881 a fini de détruire ce que les turcs avaient oublié), mais dont les habitants, contrairement à la nature qui peu à peu a repris le dessus, ne semblent pas encore capables de réelle renaissance économique.
Le dimanche 20 juin 2003 Port de Khios
« Un WC à la turque new style »
Les Cost Guards, pendant leur ronde nous demandent de passer dans leur bureau pour satisfaire à nos obligations maritimes soi disant légales, à savoir présenter l’énorme Transit Log dont nous sommes affublés et y subir l’habituel questionnaire irritant pour des européens se déplaçant en Europe !!! Nous nous rendons à l’autre bout du port. Accueil habituel !!! Aucune courtoisie de la part de ces gens aboyeurs en uniforme blanc immaculé. Toujours ces paperasses archaïques, 9,60 Euros à payer, cérémonial de l’ouverture du grand coffre fort pour nous rendre 40 centimes. À noter tout de même une amabilité de leur part : après avoir orné notre Transit Log du tampon d’entrée, ils acceptent de mettre aussi celui de sortie, ce qui nous évitera, demain de retourner les voir pour solliciter cette oblitération de sortie. Où allez-vous ? Au hasard : Samos !!! Nous y amènerons bien Logos un jour. Surtout, ne pas dire que nous allons « en face » !
Quelques achats dont une jolie petite ancre de type CQR (secure) en soc de charrue de 7,5Kg pour donner plus de prise à notre grosse ancre qui est soumise à rude épreuve dans les mouillages Meltemiques !
Une belle rencontre sur le quai en revenant au bateau. Il nous reste à installer le récupérateur d’eau noires soit disant obligatoire en Turquie - un WC à la turque en quelque sorte (Il paraît que tout rejet dans un port ou dans une crique est passible d’une amende de l’ordre de 300$.) Nous sommes prêts pour appareiller demain pour les côtes turques.
Le samedi 21 juin de Khios à Çesme en Turquie
« Vous avez dit Baksis ? » (prononcer Bakchich)
Nous quittons bien volontiers le plan d’eau très agité du port de Khios. Les ferries y pénètrent en maître et leurs remous nous rapprochent dangereusement du quai malgré la protection du vieux chalutier. « My Friend » employé municipal qui occupe son temps à surveiller les rares bateaux qui osent s’amarrer à ce quai participe à notre manœuvre. Un bon petit vent de travers pour parcourir les 8 milles qui nous séparent de Çesme (il y a aussi une cédille sous le s - prononcez Tchechmé), port turc où nous allons accomplir les formalités d’entrée. Bien que confiants, nous sommes un peu inquiets des difficultés administratives qui nous attendent. Accueil un week-end ? Amabilité naturelle des turcs ? Toujours est-il que moyennant une rallonge aux 40 Euros légaux (Baksis = pourboire), le Transit Log nous sera délivré avec facilité et sourires. Même Julot n’a pas eu à justifier de son identité.
C’est donc l’esprit serein que nous hissons le pavillon turc et que nous faisons connaissance de Çesme, port essentiellement tourné vers le tourisme local et la plaisance, s’abritant à l’ombre d’une belle forteresse génoise.
Premier plaisir, l’alphabet est proche du notre et la plupart des mots récents sont écrits en phonétique, ce qui les rend bien compréhensibles (Oto park, Pansiyon, Otel, Otogar, Bulvar, Feribot, Istasyon, Tuvalet, …)
Une rue principale animée où, tout à coup, au hasard d’une Bank Automat, nous nous retrouvons millionnaires…Une expérience intellectuellement épuisante. Difficile de payer son premier Raki (l’ouzo turc) 5 Millions de Livres Turques (1million de Livres Turques correspond à 0,6 euros). Ici personne ne prononce plus le mot Livres, l’unité de compte semble être le Million. Les billets sont si grands qu’ils ont nécessité l’achat d’un autre porte-monnaie. Heureusement que la couleur des billets permet vite de les différencier. Si on devait compter le nombre de zéros, ce serait vite fastidieux…
Très peu de ferraille, du papier, du papier. On s’habitue, on se résigne à être millionnaires !!!
La marina est sympa, spacieuse, très bien surveillée et très protégée. 13 euros la nuit, eau et électricité, Même si c’est plus cher, ça nous change des quais inachevés financés par l’Europe et de l’accueil grec !
Pierre démonte le récupérateur d’eaux noires peu pratique et, en fait, obligatoire seulement pour les charters.
Le dimanche 22 juin 03 « Un dimanche à Pergame »
Notre fréquentation assidue des vieilles pierres (N.D.L.R. respectez ce féminin) depuis notre passage à Delphes nous conduit naturellement à Pergame, cité antique, rivale de Rome et d’Alexandrie. 180 Km dont 80 sur autoroute… Pierre a un peu de mal à se résigner à la limitation de vitesse à 120 Km/h sur autoroute et 70 Km/h sur route. Heureusement l’age canonique de notre Fiat louée pour deux jours lui facilite la tache.
Première halte à Pergame, « l’Asclepeion » ancien célèbre centre de soins (à l’égal d’Epidaure) du monde grec puis romain. Vaste complexe sanitaire autour d’une source miraculeuse. Les soins passaient aussi par la détente spirituelle qui justifie la présence d’un joli théâtre. De belles colonnes se dressent encore ou ont été redressées et un long passage souterrain éclairé par de petites ouvertures conduit de la source bienfaisante au centre de soins dirigés par des disciples d’Asclepios, l’Esculape romain. Bains, salles de traitement, vaste bâtiment circulaire dont la superbe voûte du toit est encore partiellement intact.
Mais la grandeur du Pergame antique réside surtout dans son Acropole qui se dresse majestueusement sur un éperon rocheux dominant toute la vallée avec ce théâtre taillé dans le flanc du piton comme pour attirer votre regard vers une scène dont le décor est constitué d’un panorama grandiose et vous permet d’assister à une représentation « cosmique ».
Les colonnes Corinthiennes, d’une blancheur immaculée, du temple de Trajan - une vieille connaissance de Pierre puisqu’il y a aussi un arc de triomphe somptueux à Timgad en Algérie (sans oublier la porte de Dougga en Tunisie) s’élèvent vers le ciel, habilement redressées au milieu du siècle dernier. Jouxtant le temple, la bibliothèque à laquelle est attaché le nom d’Attale 1er est restée célèbre par ses 200 000 ouvrages. Elle supplantait celle d’Alexandrie, ce qui causa sa perte mais aussi permit la découverte du parchemin, les égyptiens ayant mis l’embargo sur le papyrus. Il ne reste que des ruines. Du Pergame actuel, pourtant ancien, nous ne connaîtrons que cet énorme édifice de briques rouges, la « basilique rouge » dont le parement de marbre a depuis longtemps disparu.
Les échoppes du bazar sont fermées, c’est dimanche. Premier repas dans un restaurant turc où nous retrouvons avec plaisir les « Keftés », (boulettes de viande) de Geneviève et le café turc (fort ressemblant à son voisin grec).
Une journée touristique en fait mais qui peut-être manquait d’un peu de « fel fel » ( piquant ). C’est alors que Pierre, imagina sur le chemin du retour de me faire le « coup de la panne ». Il avait bien déjà essayé à Égine, sur le scooter, quelques centaines de mètres avant d’arriver sur le port. Là c’est plus sérieux. Nous étions à 160 Km de Çesme, loin de toute agglomération et un dimanche qui plus est. Que croyez vous qu’il arrivât ? Un berger parlant excellemment français vint à notre rencontre et, devant notre désarroi, arrêta un taxi dont le chauffeur, Ibo, un jeune homme fort serviable mais ne parlant que le turc (pas facile pour les échanges), mécanicien de surcroît détecta rapidement notre panne irréversible, à savoir la rupture de la pompe à essence. Il mit tout en œuvre pour trouver, un dimanche, la pièce chez un grossiste en pièces détachées qui participait à la fête du village situé à plus de 30 Km de là. Le loueur contacté par téléphone était ravi de s’en tirer à si bon compte (195 Millions tout compris 120 Euros-, même le baksis laissé à notre merveilleux berger interprète). S’il avait dû venir nous chercher et faire dépanner ensuite la voiture, le « coût de la panne » aurait été autre. Quant à nous, nous avons imaginé deux étrangers dans cette situation, en rase campagne en France un Week-end.
Ne pouvant nous séparer aussi brutalement, nous nous sommes retrouvés pour un dîner au bord de la mer, malheureusement pas avec le berger qu’il nous aurait fallu raccompagner mais avec Ibo ne parlant toujours que le turc. Croyez vous que la soirée fut pénible et silencieuse ? Pas du tout ! À l’aide de gestes et de dessins sur les serviettes en papier nous avons réussi à nous comprendre, à rire et à tout savoir de l’autre. Rent a Car, qui s’était régulièrement enquis de notre situation, sincèrement désolé, nous accorda une autre Fiat plus récente, plus performante pour le lendemain. Il nous l’aurait même laissée un jour de plus.
Le lundi 23 juin 2003 Izmir
« Quel Bazar ! » (…aurait dit Arthur)
C’est dans une nouvelle voiture rouge que nous abordons Izmir, voiture que nous nous empressons de garer dans un « Oto park » tant le stationnement est difficile dans cette ville grouillante et le risque de voir la voiture très vite embarquée en fourrière (extrême vigilance de la « Polis »). Le « Bazar » nous attend, tellement plein d’animation en ce lundi (fermé le dimanche) et c’est ravis que nous nous perdons dans les nombreuses ruelles avec ces boutiques regorgeant de marchandises. Ici, pas trop de racolage touristique. Un geste de la main suffit pour rejeter une invitation à voir tapis ou cuirs. De temps en temps, une ruelle s’ouvre sur une petite place avec mosquée et fontaine, havre de paix ; une autre nous conduit dans le secteur des artisans avec leurs échoppes… travail du cuivre, du bois (Pierre admire l’artisan tonnelier qui lui rappelle son Tonton Ernest, tonnelier à la Maison Tannières de Bône). Et puis, tout à coup, le choc, un splendide Caravansérail nous invite avec toute la magie de l’Orient, les récits évoquant ces longues caravanes s’abritant en ces lieux des pilleurs. Le bâtiment est magnifique. Quatre porches voûtés débouchant sur une vaste cour où l’on imagine aisément les chameaux alanguis après leur longue course tandis que les chameliers s’interpellent.
De belles boutiques ont pris place dans les galeries… Artistes (nous nous laisserons tenter par une très délicate peinture sur os de chameau), artisans. Un caravansérail de cette qualité, transformé en hôtel d’art ferait une belle halte. Et puis encore des ruelles, des galeries… à vous faire perdre la tête et ne pas retrouver notre « oto park ». Il faut dire que les deux Oto park de ce secteur appartiennent à la même compagnie et portent donc le même nom…. Pratique pour des touristes… aimablement guidés par des passants fort serviables, nous nous sommes retrouvés à l’opposé, désespérant de soulager nos pieds. Heureux malgré tout d’avoir ainsi découvert le quartier « Konak », quartier des affaires et avoir pu admirer sa minuscule mosquée du 18ème siècle, un des seuls vestiges de la Smyrne Ottomane, sur l’esplanade du front de mer, à côté de l’emblème d’Izmir, « la tour de l’horloge ». Il nous faudra retraverser le bazar par son quartier alimentaire, guidé dans cet imbroglio par un employé de l’Oto park. Une fois de plus la grande serviabilité des turcs se concrétise.
Nul n’est besoin de dire que le bain au bord d’une plage sur le retour à Çesme a été le bienvenu.
Le mardi 24 juin 2003 Çesme
Saint Jean
Difficile, ici, de satisfaire à la tradition de la Saint Jean et de cueillir les 7 épis de blé, promesse de prospérité, tous les champs sont déjà à l’état d’éteule… 7 graminées de bord de route feront l’affaire, nous l’espérons…
Journée repos avec, ce matin, une surprise au réveil. Le vent hurleur semble s’être tu… Rassurez-vous, il a repris depuis mais le baromètre est prometteur.
Une longue conversation avec notre voisin irlandais sur « Still Windy » (ici, il est servi !) Sympa de pratiquer ainsi son anglais, cela vous montre que vous n’avez pas tout perdu car je dois avouer qu’en Grèce j’étais parfois un peu inquiète. (N.D.L.R. J’ai dû passer la matinée entière et la fin de l’après-midi à parler anglais et faire de l’informatique en anglais. Indéniablement, l’accent de Martine est meilleur que le mien mais Larry l’Irlandais me comprenait tout de même). Les Turcs semblent d’excellents linguistes, bien sur, ceux qui parlent anglais ou français. Pour les autres, on se débrouille fort bien avec les mains et les croquis. Quelques bons tuyaux collectés auprès de Larry quant aux mouillages idylliques, aux marinas peu onéreuses et un échange de matériel de navigation par ordinateur. Demain nous retrouverons, nous l’espérons, solitude et bains de mer.
Le mercredi 25 et jeudi 26 juin 2003 Sarpdere Limani
« Premiers bains turcs »
Pour nos premiers mouillages turcs, une belle anse nous attend à quelques 8 milles au sud de Çesme, effectués sous génois par un gentil vent de travers. Une pause bienfaisante pour remettre un peu d’ordre dans nos souvenirs « culturels » et préparer la suite de notre route.
Le vendredi 27 juin 2003 Kirkdilim Limani
« Un petit air de paradis »
L’arche de Noé aurait échoué au Mont Ararat, la Vierge Marie est morte à Meryemana près d’Éphèse, Saint Jean et Saint Paul nous précèdent et, aujourd’hui, pour nous seuls, ce vaste « Lagon » aux eaux émeraude, cerné de collines recouvertes de maquis et d’oliviers avec, au fond, une petite plage de galets multicolores a un petit air de Paradis.
Logos s’y balance doucement au gré du vent ; la côte rocheuse nous offre de délicieux oursins… mais, ce qui retient l’attention de Pierre, ce sont ces cols et culs d’amphores qui semblent dormir au fond de l’eau, témoins d’une vie passée. Heureusement que la loi turque est draconienne dans le domaine des vestiges et punit sévèrement quiconque s’approprie un objet de plus de cent ans… car, avec lui, le bateau serait vite transformé en " Musée Archéologique".
Il devra se contenter de ramener à bord une splendide serviette de bain bordeaux, toute brodée d’ « or » échappée récemment d’un Yacht ou d’un Gulet (Kaïk). Facétie de « Gusty » (Gust : petite rafale coléreuse du Meltem)… pas mal non plus. Une fois de plus, nous apprécions le grand calme de ces mouillages solitaires et renouons avec la pose du filet… des fois que…
Le samedi 28 juin 2003 de Kirkdilim Limani à Gökkovar Limani
« Pas » s’appelle Mathis !
Après la petite colère nocturne de Gusty, de courte durée, depuis plusieurs jours, une nuit de grand calme. Le réveil en ce lieu désert est idyllique malgré une légère déception à la récupération du filet… deux petites « vieilles » un peu « mitées » (certaines grosses chenilles très urticantes semblent en être friandes) et une belle murène encore pleine de vie, venue par mégarde s’entortiller dans le filet. Par égard pour le joli spectacle que donnent les murènes aux plongeurs lorsque, apeurées elles cherchent à les effrayer en montrant leurs petites dents pointues… celle-ci aura la vie sauve.
8 milles au moteur pour doubler le cap qui nous sépare de notre prochaine étape, non plus un « lagon » mais un « fjord » profond (c’est fou ce que nous voyageons en peu de milles)
Nous nous familiarisons peu à peu avec la côte turque si dentelée que chaque échancrure est presque une invitation à l’escale…Combien il eut été difficile de découvrir l’entrée du fjord sans carte. Un court appel téléphonique à Aurélie et Paul avant de perdre toute connexion dans le fjord. « Pas » s’appelle Mathis. Manon va pouvoir jouer son rôle de grande sœur. Paul a toutes les chances de compléter sa guitare à 12 cordes par une batterie…
Un décor très Indiana Jones… 3 installations archaïques de fermes marines tapissent de petites criques. Nous choisirons une crique à l’écart, près d’un appontement permettant le ravitaillement des fermes marines.
Un employé de la fish farm nous propose pour 10 millions deux belles daurades qui feront notre dîner.
Le dimanche 29 juin 2003 de Gokkekar Limani à Kusadasi (Prononcez Kuchadache)
Saint Pierre Saint Paul : Bonnes fêtes
Tiens, « Gusty » n’a pas fait sa petite colère cette nuit. Tout semble au repos à notre réveil, sauf nos pêcheurs amateurs qui, hier soir avaient pris leurs quartiers de Week-end sur la rive. Ils sont déjà à l’œuvre. Ont-ils dormi ?
35 milles nous attendent jusqu’à notre prochaine escale « grand tourisme » : Kusadasi (il y a une cédille sous le premier « s » mais le clavier français ne peut respecter cet alphabet).
« Gusty » a vraiment pris un peu de congé puisque, pour la première fois, une agréable brise de mer accompagne notre navigation. La côte que nous longeons est très construite et apparaît comme un secteur balnéaire très prisé. En fait, il semble que les constructions obéissent à des plans d’urbanisme très précis. Pas de constructions anarchiques. Des îlots de maisons de deux étages qui tiennent compte du relief et chacun avec un type de constructions différentes. Nous sommes loin des Baléares des années 70 sans parler de la Corse ou de la Côte d’Azur !!! Au début, cela peut surprendre et puis ces plans paraissent très sensés… Puisqu’il faut du béton, autant le gérer, le canaliser et préserver les sites sauvages.
C’est justement dans un creux de côte déserte que nous jetons l’ancre pour la pause de midi… Une anse peu profonde sur un plateau de sable… Un petit récif pour la patauge et Pierre découvre, accrochés au rocher, les premiers « violets » de la saison qui feront gâterie, leur goût fortement iodé n’étant pas pour me déplaire (N.D.L.R. : je n’ai jamais pu avoir l’explication de cette appellation. Les « violets » sont couleur roche et, pour la partie comestible, d’un jaune très intense).
Il est environ 17 heures lorsque nous entrons dans la marina de Kusadasi, accueillis par le Zodiac qui nous guide vers un appontement. Surprise, un employé monte à bord et réalise les manœuvres de pendilles et d’amarres. C’est bien la première fois que nous vivons ce moment et même les cow-boys en Zodiac de Porto Cervo (Sardaigne) ne vont pas jusque là. Et, en plus, la note est moins salée. La marina est superbe et l’accueil extrêmement courtois (Grèce où es-tu ?). Un petit kilomètre à pied pour louer un véhicule, une Hyundai coréenne qui se révèlera, au bout d’environ 200 Km, un peu hocqueteuse côté carburation. Nous découvrons Kusadasi paraît-il ancien repère de pirates et maintenant importante station balnéaire qui a su préserver un secteur plus ancien de ruelles où il est amusant de flâner et de jouer les badauds.
Un très agréable restaurant jouxtant la mosquée nous accueille pour la Saint Pierre… Repas romantique dans un patio ombragé en dehors des bruits de la ville. « Kebap du Sultan » au menu. Cuisine très fine, habilement relevée et pas du tout imprégnée d’huile comme ceux « d’en face ». Retour au bateau par les ruelles très festives. Les commerces sont très dynamiques et c’est à cette heure tardive - il est déjà minuit - que nous avons acheté un blouson de cuir qui devrait plaire à Arthur et effectué notre avitaillement en fruits et légumes ;
Le lundi 30 juin 2003 Hierapolis Pamukkale et Aphrodisias
« Toujours avoir son maillot de bain avec soi !!! »
Un programme ambitieux nous attend avec notre Hyundai. 210 Km pour atteindre ce site remarquable. Les turcs travaillent … (N.D.L.R. : comme des turcs) pour refaire les routes. Une 4 voies est pratiquement terminée à l’exception de 20 Km sans aucun goudron. Une piste en tôle ondulée très poussiéreuse qu’il faut prendre à 90 Km/h si on ne veut pas trop vibrer et faire trembler notre pauvre vieille voiture qui se couvre d’un voile blanc. Nous tremblons tout de même pour elle. À Pamukkale, une erreur de direction nous fait rater le péage d’entrée du site et nous retrouver en pleine montagne, au dessus des ruines… Heureusement, fort aimablement, un Turc nous remet dans le droit chemin, et quel chemin !!! Tout empierré et bordé de magnifiques chardons bleus, c’est grisant de circuler ainsi entre les ruines de l’ancienne Hierapolis, ville romaine thermale, loin de toute approche touristique. C’est d’abord St Philippe qui nous accueille avec l’imposant Martyrium qui lui est dédié mais son corps n’a jamais pu être retrouvé. Puis le Théâtre où je prends place dans la loge d’honneur ou « Exèdre centrale », réservée au Gouverneur. Elle est parfaitement conservée (N.D.L.R. : J’aurais dit « Elles sont parfaitement conservées !!! ») bas reliefs, statues dans les niches du Podium… Il n’y manque que le spectacle… Certains touristes font bien sûr ce qu’ils peuvent… seul Pierre est crédible.(N.D.L.R. : la rédaction ne dit rien !)
Une promenade dans la lande au dessus du site de Pamukkale parmi les nombreux tombeaux de la nécropole (près de 1200). Certains ouverts, d’autres perchés les uns sur les autres… C’est ainsi qu’on imagine l’Apocalypse… avec une grande sérénité. Les sédiments ont même choisi un tombeau pour l’entourer d’un blanc linceul et le faire ressembler à un petit chalet de montagne sur une pente enneigée (Albiez le Vieux !!!).
Pamukkale « le Château de Coton »… Cette blancheur, ces mouvements de terrain nous rappellent plutôt un paysage de montagne en fin d’hiver, lorsque la neige commence à fondre (Il fait ici tout de même au moins 38°C)… Les traces laissées par les milliers de touristes fort heureusement, aujourd’hui, bien canalisés, viennent renforcer cette impression. Ici, cette eau bleutée n’est pas dûe à la fonte des neiges mais à une source bienfaisante qui, en cascadant le long de la montagne dépose le calcaire et façonne ces étranges belles vasques et ce relief. Maintenant, plus de chaussures. C’est pieds nus que nous faisons le parcours sans omettre de faire trempette dans les vasques du site avant d’aller nager dans les eaux de la Fontaine Sacrée parmi les colonnes et autres vestiges qui reposent au fond du bassin. Un massage très bénéfique sous la chute d’eau de la source. Ils savaient vivre ces romains ! Et nous voici ragaillardis pour maintenant gagner Aphrodisias par une très belle petite route de montagne. Notre Hyndai se met à hocqueter et à ne plus supporter la charge de la clim. Nous nous en passerons. Les reprises méritent un soin particulier pour obtenir une accélération satisfaisante et Pierre y pourvoit.
Aphrodiias, la cité d’Aphrodite, Amour ! Beauté ! Quel programme ! Mais assurément pour nous une visite comme il est rare d’en faire. Seuls sur le site, pris en charge par le gardien sans doute lassé de faire sa ronde seul, nous voici menés de main de maître, en V.O. et sans sous titres, en des lieux interdits aux visiteurs car en cours de restauration ou tout simplement dangereux.
Nous escaladons, rampons avec l’étonnement de gamins découvrant un lieu inconnu. Là, c’est l’Odéon dont la scène est transformée en bassin par une nappe phréatique qui remonte un peu trop. Plus loin, les Thermes d’Hadrien avec système de chauffage, canalisations en terre cuite et le stade le mieux conservé que nous ayons vu… 25000 spectateurs pouvaient et peuvent encore prendre place, 260 m de long, (l’unité pour un stade) avec une arène pour les combats de gladiateurs. Et, partout des colonnades qui se dressent délimitant d’anciennes agoras jusqu’à l’aire sacrée du Tetrapylon, d’une grande finesse.
On se surprend à imaginer ce site actuellement à l’état sauvage, bien protégé par une végétation en friche, ressuscité par un coup de baguette magique (et beaucoup d’argent). Serait-ce un bienfait ? Tel que nous l’avons perçu, il est plein de charme et nous laisse deviner toute l’opulence et le savoir faire et vivre de son époque. Comme le reste, le musée est ouvert pour nous seuls. Apollon me séduit, Aphrodite n’a aucun effet sur Pierre (N.D.L.R. : déjà bien servi !!!) et tous ces prêtres à la toge magnifiquement drapée qui nous observent. Un salut très carré devant le buste de Pythagore.
Retour sur Kusadasi avec une voiture de plus en plus difficile à conduire.
Nous sommes épuisés. 500 Km parcourus… et, demain, nous repartons car toutes ces merveilles ne sont pas au bord de la mer.
Le 1er juillet Éphèse Meryemana
« Madame Scholastikia »
Le circuit prévu aujourd’hui étant loin d’avoir une grande ambition kilométrique, seulement 45 Km, pour ne pas perdre de temps, nous donnons sa chance à notre poussive Hyundai qui affiche 183000 Km au compteur. Encore des vieilles pierres au programme : Éphèse ou EFE, site qui, ayant bénéficié de toutes les attentions a pu ressusciter et offrir au touriste une cité antique avec ses monuments remarquables : Prytanée (Hôtel de Ville), Odéon, Bibliothèque de Celcius (N.D.L.R. : Concurrent de Farenheit en ce qui concerne les degrés …et il y en a des degrés Celsius à midi sur le site !!!) dont la beauté de l’architecture incite à un arrêt à l’ombre d’un olivier pour jouir de l’élégance de sa façade. Nous imaginons très bien les quelques touristes qui nous entourent transformés en riches marchands habillés en toge déambulant le long de ses superbes rues encore dallées de marbre. Certains font commerce dans les belles échoppes aux trottoirs en mosaïques, d’autres informés par une publicité (la première sans doute) gravée dans le marbre préférent traiter leurs affaires aux Thermes ou aux Latrines de Madame Scholastikia qui, sous couvert de thermalisme fournit aussi ces messieurs en menus plaisirs avec anonymat garanti.
Il en est de plus sérieux qui vont lire l’un des 12000 rouleaux (ici, pas d’embargo sur le Papyrus) à la Bibliothèque. Alibi peut-être aussi puisqu’un passage secret pour la maison close tenue par la même dame se fait par un tunnel débouchant près de petites chambres sans fenêtres, éclairées par des bougies… (Habitude qui s’est transmise jusqu’aux camionnettes du bois de Vincennes !!!). D’autres encore, au pied de l’immense théâtre, de la taille de celui d’Épidaure, vont surveiller le déchargement de leur précieuse cargaison acheminée depuis le port par la rue Arcadiane… et tout cela sous l’œil amusé d’Artémis.
Beaucoup de plaisirs, beaucoup de profits ! Nous comprenons mieux pourquoi, après les Corinthiens, Saint Paul est venu rappeler à l’ordre les Éphésiens, ce qui, malgré leur grande tolérance en matière de religion, lui a valu une peine d’emprisonnement sur une colline voisine.
Pour nous, une très belle promenade dans un site remarquable, guidés avec talent… par un professeur de français plein d’attentions : boissons, pêches pour son petit groupe de personnes.
Une très belle route de montagne nous mènera ensuite à Meryemana (Meryem est le prénom Arabe de Marie). - maison où la Vierge Marie, (confiée à Jean par Jésus) s’éteignit après qu’elle eut quitté Jérusalem avec l’Apôtre (N.D.L.R. : Mais où est passé Joseph ?).
Un peu septiques au début, nous reconnaissons que ce lieu génère émotion et piété.
Nous ne pouvions que terminer par la basilique Saint Jean… Vaste bâtiment construit sur une colline dominant Selçuk, là où St jean est enterré après avoir vécu 100 ans dit-on.
Une soirée « Doner Kebap » avec naturellement une bière « EFES » dans un petit restaurant populaire de Kusadasi. À noter que tous les articles destinés aux touristes sont en Euros et non en Millions ou Milliards de Livres turques !!! Pas près d’être acceptée par l’Europe la Turquie mais bien adaptée et sans démériter.
Le 2, 3 et 4 juillet 2003 de Kusadasi à l’île de Samos (Ormos Mourtias)
« Du pavillon rouge au pavillon bleu »
12 milles pour gagner Samos que nous allons visiter en passant. Ne pas oublier d’abaisser le pavillon Turc et le remplacer par le pavillon Grec et, surtout, de dire aux autorités grecques que nous venons de Khios…en Grèce… Un peu difficile ce va et vient… monnaie, guides… Mais on s’y fait. Une très belle crique (au premier plan la Grèce, au second plan, la Turquie et 1,2 Km pour les séparer) nous attend pour une petite pause.
à suivre...