Année 2014
Partie 1
Journal 2014 partie1
Lundi 5 mai 2014 : de Saint-Cyprien (France) à Port Premia de Mar (Espagne)
« Bonjour Logos ! »
Une fois de plus, notre voiture ne pourra pas prendre d'autostoppeuse... entre cubis de vin, panneau solaire, grand écran d’ordinateur, filtres à eau, kayak gonflable... il n'y a plus un seul espace. Nous amenons même un beau pied de menthe pris sur notre balcon. Nous n'aurons donc plus qu'à nous mettre en quête du rituel pied de basilic. 140 kilomètres, une circulation fluide sur autoroute à 120km/h... nos proches comprendront ce que cela signifie pour Pierre !
Port Premia, toujours aussi calme. Il est vrai qu'il est l'heure du déjeuner, ce qui explique l'absence de Johan et de Vicente. Logos, auquel nous avons rendu une courte visite début mars, est prêt pour son réveil estival. Nous avons à peine le temps d'embarquer notre matériel à bord, qu'un jovial « Bonjour Logos ! » nous est adressé par un visage très souriant mais inconnu... un lecteur du site sans doute ? Il s'agit en fait de Jean-Michel qui a choisi Port Premia pour baser son voilier après nous avoir demandé quelques informations. Notre installation attendra...
Pour l'instant, apéritif à bord de LAEJENMEL pour faire plus ample connaissance. La conversation est facile. Nous apprenons que le responsable, Johan, a quitté la marina, remplacé au bureau par une jeune secrétaire. Vicente a lui, pris sa retraite et se contente maintenant de séjourner sur son voilier pour son plaisir. Petit à petit les appontements mis en vente trouvent un propriétaire, le prix demandé pour une durée de 30 ans étant très attractif.
Tandis que je m'applique à vider les sacs et trouver une place pour chaque chose... parfois cela relève de l'exploit, Pierre commence les premières installations.
C'est parti pour la saison 2014...
Mardi 6 mai 2014 : Premia de Mar (Espagne)
« Il y a 40 années...! »
Une journée qui ne me rajeunit pas, ma jolie chérie non plus... Elle toujours si fraîche! Il est parfois difficile de penser que la vie passe si vite!
La connexion Internet de la Marina étant toujours aussi défectueuse, notre première visite en ville se doit d'être pour les magasins de téléphonie, munis d'un certificat de la banque Caixa attestant que nous y avons un compte et pouvons donc être considérés comme résidents... Déception, même réponse négative des trois opérateurs qui sévissent en Espagne. Les informations données l'an passé ne sont pas valables, nous devons produire un passeport espagnol ou au moins une CNI, que nous pouvons peut-être obtenir au « Commissariat ». Vive l'Europe et ses simplifications administratives !
Il eut fallu voir la tête de l'officier de police devant notre demande, Carte d’étranger ou CNI française pour lui, c'est la même chose puisqu'il reporterait le même numéro... En tout cas, c'est ce que nous avons cru comprendre, en Castillan fortement imprégné de Catalan...
Retour chez Orange, la mine déconfite... « Nous allons enquêter, patientez jusqu'à demain »... beaucoup de bonne volonté mais peu d'efficacité !
Nous retrouvons nos petits commerçants d'alimentation toujours aussi bien achalandés et pratiquant des prix compétitifs.
Les grands travaux commencent avec la pose du nouveau panneau solaire, plus performant. Sa taille, plus conséquente, demande un déplacement de celui en place avant de le fixer. Pierre joue les acrobates... je l'assiste. Miracle, rien ne tombe à la mer !
Sous ce ciel gris, nous allons pouvoir tester son efficacité.
Du mercredi 7 mai au dimanche 11 mai 2014 : Premia de Mar
« Logos se prépare »
Entre travaux, agencements, nettoyages et vie de voisinage... le temps passe vite. Une seule réelle surprise, l'hôte indésirable que nous avons hébergé à notre insu... Un ectoplasme informe, flasque, bien niché dans le tube du loch, au point de l'obstruer totalement et d’empêcher la remise en place de l’appareil... Le scientifique du bord l'appelle « ascidie », pour moi, c'est plutôt une âme en peine de la mer qui cherchait à se faire adopter... Plusieurs ont dû se réfugier à Port Premia, puisque notre voisin sur UTOPIE a eu la même surprise et a plongé pour dégager l'orifice.
Pierre aussi prend son premier bain de la saison... en combinaison, température oblige... pour nettoyer un peu la carène de Logos. Le budget demandé pour un carénage avec l'obligation de ne pas dormir à bord et, pour certaines marinas, d'avoir recours à une société, nous ont dissuadés. Certes nous savons que Logos ne retrouvera pas sa belle glisse mais cela nous permettra au moins d'attendre des conditions plus favorables.
Surprise lorsque nous tentons notre chance auprès d’un autre magasin Orange de la ville voisine et, là, miracle, l’opératrice passe l’obstacle informatique de notre situation d’étranger et nous obtenons notre clef 4G (abonnement 40€ par mois pour 10Go au lieu des 1Go à 40€ pour les cartes prépayées).
Une belle ambiance règne sur ce ponton. Nous pouvons apprécier le bon pain aux raisins de Marta, l'épouse colombienne de Vicente, l'omelette aux feuilles d’oignons frais, spécialité de Jean-Michel et un bon verre de vin sur UTOPIE, au nom que nous n’espérons pas trop évocateur pour ses propriétaires, au regard plein de rêves de voyages lointains.
Une météo favorable pour une première traversée sur Ibiza est annoncée. Le Mercat del Flor dominical nous permet un bel avitaillement de fruits, légumes, charcuterie et miel des producteurs locaux. De beaux plants de basilic sont au rendez-vous. Nous voici parés, prêts à appareiller.
Du lundi 12 mai au mardi 13 mai 2014 : de Port Premia (Catalogne) à San Antonio (Ibiza)
« Première navigation... »
C'est Vicente, qui nous aide à nous déhaler... Il a peut-être cessé son emploi mais il n'a sûrement pas pris sa retraite de la mer. Nous lui laissons la bonne garde de notre voiture.
Il est 16h30, c'est parti ! Cap au 198° !
Toujours un peu angoissante, cette première navigation, surtout s’il faut passer une nuit. Rapidement, les voiles sont établies, tout d'abord secondées par notre Monsieur Perkins, puis seules. Logos file ses 6 à 7 nœuds. La forte houle le malmène un peu… alors que dire de la passagère qui doit se réjouir de ne pas gîter par ce vent 3/4 arrière mais subit les à-coups des vagues.
La température est loin d'être printanière, une vraie nav’ hivernale avec polaires, anoraks et bonnets qui pourrait nous faire penser que nous naviguons en Atlantique. Merci au pare-brise fabriqué à Arzal de nous protéger du vent froid.
Deux passagers (ou passagères), venus du ciel cette fois-ci, viennent nous distraire et nous faire oublier les conditions tout juste confortables... Puisque cette tourterelle et cette bergeronnette printanière ont choisi Logos pour leur voyage vers les îles, c'est qu'il doit inspirer confiance. La bergeronnette signalera même sa présence à bord à une autre (sa mère, son compagnon ?) mais ne reprendra son vol que près de la terre.
Une navigation de nuit, cela peut être magique... seuls en mer, sous le firmament étoilé... mais, aujourd'hui, toutes les étoiles sont à Cannes, prêtes pour le Festival et nous devons nous contenter d'un ciel noir qui n'incite pas à la rêverie.
C’est encore une longue journée en mer. Il nous faudra attendre 18h30, pour, bien amarrés à une bouée, dans la baie qui nous est familière de San Antonio, songer à prendre un peu de repos.
163 MN parcourus, 21 heures de navigation avec très peu de moteur, un bon début... et, une fois de plus, la surprise d'être reconnus et salués par un équipage, cette fois, celui d'INO... Nous ferons plus ample connaissance demain.
Nous ne pouvons pas nous retrouver dans cette vaste baie sans avoir une pensée pour Jean-Claude qui y ancrait son voilier CERS.
Mercredi 14 mai 2014 : San Antonio de Abat (Ibiza)
« Contorsions ! »
L'équipage remis en forme après une bonne nuit sur une vraie couchette et non recroquevillés sur une banquette, il est temps de remettre un peu d'ordre dans le carré. C'est fou le désordre que l'on peut mettre pendant une nav' de nuit... vêtements, alimentation, matériel de bord. Cet ordre sera de très courte durée. Une fois de plus, le carré se retrouve investi et Pierre disparaît au fond de l'ex-couchette bâbord arrière, maintenant plutôt dédiée au bricolage et rangement de matériel, à la recherche de la fuite qui, pendant toute la navigation, a nécessité une alimentation en eau régulière du circuit de refroidissement du moteur. Les joints du chauffe-eau sont resserrés, la cale épongée, la cabine rangée... fin des tracas ? Que nenni ! La fuite est toujours là... rebazar dans le carré, recontorsions au fond de la couchette... observation attentive... EURÊKA, il s'agit d'un tuyau de cuivre corrodé par l'âge, un peu comme nous. Mais pour le tuyau, vive les « moyens du bord » ! Un ramassis de « ça-peu » (traduire par « cela peut toujours servir »). En bateau, il n'est pas question d'un coup de voiture d'aller rendre visite au quincailler ou à l’accastilleur !
Le tuyau de cuivre, quasiment inaccessible, est sectionné à la Dremmel, la partie endommagée remplacée par une portion de tuyau en plastique armé. Monsieur Perkins aura son content d'eau et la cale sera sèche... provisoirement.
Après l'eau, les soucis d'électricité... Nos panneaux pourtant bien branchés ne donnent pas l'énergie escomptée... Nouvelle fuite, électrique cette fois-ci... « C'est quand les vacances ? » diraient de jeunes bambins...
Tous les branchements sont vérifiés, les appareils testés et le fautif se cache dans le frigo dont le thermostat électronique a rendu l'âme. Trouver un thermostat adéquat à San Antonio va sûrement relever de l'exploit et occupera notre journée de demain.
Pour aujourd'hui, nous nous contentons de jeter l'ancre plus près de la côte, « notre » bouée ayant été revendiquée par un autochtone attendant un grand voilier... et de prendre un peu de repos à bord du voilier INO (du nom de la déesse) de Joëlle et Jacky, un beau Wauquier presque tout neuf. Nous quittons, un temps, la Méditerranée pour retrouver, en pensée, des îles familières : Houat, Hoëdic, domaine de navigation familier pour des Brévinois.
La côte Sud de la baie de San Antonio est de plus en plus investie de clapiers pour touristes en mal de chaleur et de sensations données par les vapeurs d'alcool... à la grande joie des mini ferries qui transportent leurs clients vers la ville, ses marchands de boissons alcoolisées et ses boîtes de nuit !
Jeudi 15 et vendredi 16 mai 2014 : San Antonio de Abat (Ibiza)
« À la recherche d'un thermostat… »
Il est plus facile de trouver ici des palmes et un tuba qu'un thermostat de frigo, en tout cas, tant que le nouveau magasin d'Accastillage Diffusion ne sera pas ouvert. Il nous est conseillé de tenter notre chance chez un « dépanne services » en sortie de ville, plus précisément à San Josef.
Merci au chauffeur de taxi complaisant qui non seulement nous a véhiculés jusqu'à San Josef pour constater que ce magasin était fermé mais a pris la peine de s'enquérir auprès de sa société de la possibilité d'une autre adresse, celle-ci en ville. Bingo ! Nous revenons sur Logos avec un beau thermostat tout neuf... qui, une fois installé, ne convient pas, étant réglé pour un congélateur...
Nous connaissons maintenant le chemin à pied et revenons enfin avec l'engin adéquat.
À bord d’un bateau, skipper seulement s'abstenir... il faut aussi être un bon bricoleur.
Nous continuons à profiter du sympathique équipage d'INO... nos routes vont se séparer puisqu'ils navigueront autour de l'île d'Ibiza tandis que nous envisageons la côté marocaine... sans doute nous retrouverons-nous au Crouesty à l'automne.
Le coucher de soleil est somptueux.
Samedi 17 et dimanche 18 mai 2014 : de San Antonio (Ibiza) à Carthagène (Espagne)
« Deuxième étape, nos premiers dauphins... »
Nous voici répartis pour rejoindre la côte catalane et diminuer ainsi la distance nous séparant du Maroc.
Un peu de près pour doubler le phare du cap d'entrée, Grand' Voile et Génois en papillon dans le très bel archipel des îles Blédes, pour nous retrouver avec la Grand-Voile seule, assistée par la houle, vent plein arrière.
C'est la grande solitude sur la mer, les cargos empruntent une autre route. Quant aux plaisanciers, ils sont totalement absents en cette période de l'année... j'ai tendance à les comprendre, vu la température extérieure et cette houle qui nous fait rouler-tanguer.
Seuls de facétieux dauphins semblent trouver plaisir à folâtrer devant l'étrave de Logos, trop heureux d'avoir un audacieux reporter pour immortaliser leurs ébats.
Nous longeons la côte, tristounette, sans grand charme qui, faute d'abris romantiques, n'incite pas à la flânerie.
La nuit sera semblable à la première, frisquette, sans poésie.
Nous avons amorcé la côte Sud de l'Espagne, celle qui peut faire rêver... la Murcie, l'Andalousie... Vue de la mer, elle se résume à une longue barrière rocheuse, sans grande ouverture, sans baie où se réfugier et il nous tarde d'apercevoir ce dernier cap qui marquera l'entrée de la baie de Carthagène.
Une montagne entamée de gradins, comme pour un théâtre antique face à la mer, de hauts réservoirs de carburant, une torchère enflammée et des tankers à l'attente. Mais où est donc ce port chargé d'histoire, l'antique Carthagène… ?
Il nous faut nous enfoncer plus avant dans cette très vaste baie : un avant-port industriel, bien protégé derrière une longue digue, destiné à la Raffinerie d'Escombrias, une seconde rade avec sur bâbord de nombreuses infrastructures militaires et des navires et, enfin, sur tribord, la vision de mâts émergeant au-dessus d'une digue... pas de numéro d'appel VHF, nous avançons timidement vers les pontons flottants ... un marinero semble nous avoir aperçus. Après 25 heures de navigation, encore un record méditerranéen de 19 heures tout voiles... 143 MN parcourus, nous goûtons au plaisir d'un appontement face à la ville.
Peu d'animation dans la marina. Beaucoup de voiliers sont dans leur sommeil hivernal mais des promeneurs dominicaux viennent rêver près des bateaux.
Les bureaux de la Capitainerie sont luxueux et l'accueil bienveillant… heureusement que nous sommes en « basse saison » pour le budget amarrage qui doublera à la saison estivale, sans jamais atteindre cependant les prix pharaoniques des îles Baléares.
Nous profitons de l'animation touristique apportée par deux bateaux promenade (P…C…) qui, pour faire « ambiance », diffusent à leurs passagers les derniers tubes à la mode.
Les visites seront pour demain. Aujourd'hui nous laissons passer le temps au son fêlé de la cloche de l'Hôtel de Ville. Nous aimerions conseiller aux édiles d'avoir recours, tout comme Notre Dame de Paris, aux spécialistes de Villedieu les Poêles !
Du lundi 19 au jeudi 22 mai 2014 : Carthagène (Espagne)
« Une ville ambitieuse dans ses projets touristiques... »
Un premier réveil assez étonnant. Deux policiers se tiennent sur le ponton « Police ! Vos passeports ! ». Cela a de quoi surprendre alors que ces mêmes passeports ont été montrés et enregistrés par le responsable de la Capitainerie... Un méfait aurait-il été commis ?... Cette situation nous rappelle certains ports de Grèce... Nous leur pardonnerons. Dans le Sud de l'Espagne, tout comme dans les îles grecques de la Mer Égée, l'immigration clandestine pose un sérieux problème.
Comme pour nous saluer, deux gros navires militaires quittent la rade de l'Arsenal, au son de l'hymne national... opération ou simple inspection de routine des alentours ?
De toute façon nous étions réveillés. Après les fuites d'eau, le thermostat du frigo, c'est au tour des batteries de l'un des parcs de poser problème et de surchauffer... Cela s'appelle la remise en route d'un bateau avec les surprises de rigueur. Nous attendons donc le technicien de la marina pour un diagnostic, ces mêmes batteries, vendues comme des batteries sans entretien, ayant été changées il y a moins de deux années à Crotone (Italie).
Après observation, le douloureux diagnostic tombe... ces batteries n'étaient pas « sans entretien » malgré le cache qui leur donnait cette apparence hermétique. Il faut donc les mettre au rebut, au profit de deux neuves de bonne qualité. Sans véhicule, sans connaissance, il nous faut faire confiance au technicien... qui ne parle que le Castillan… et à son tarif ! Heureusement que le personnel de la marina est bilingue et même trilingue. Voici Logos nanti de deux batteries TOP (et top chères), en espérant que la série des surprises va s'arrêter.
Un temps un peu perturbé et venté, surtout la nuit où, non seulement le vent siffle dans les haubans mais fait écho en lugubres plaintes, nous laisse tout le loisir de découvrir cette ville qui, au lieu de se refermer sur son passé, veut devenir un important pôle d'attraction touristique. Les bénéfices escomptés permettront de suppléer à l'appauvrissement des productions minières.
Carthagène, une cité vieille de plus de 2200 années, fondée par le carthaginois Hastrubal le Beau pour l'exploitation des mines de plomb, d'argent et cuivre, revendiquée par les Romains tandis que les Arabes lui préféraient Almeria, fortifiée par Philippe II d'Espagne, une importante place forte. Tout cela a fait de ce lieu une ville chargée d'une Histoire que la Municipalité, avec de grandes ambitions touristiques, met en valeur, non seulement pour les touristes d'aujourd'hui mais aussi pour demain.
Tout est vu GRAND ici : la très vaste gare maritime toute neuve qui accueille de gros paquebots de croisière. Pour nous ce sera MS AZURA, affrété par P&O Cruises avec ses quelques 3000 passagers, la plus part de nationalité britannique, d'un âge certain si nous en jugeons par leur démarche un peu lourde, leurs cannes et fauteuils roulant. Il s'agit sans doute de leur dernière escale avant le retour sur Southampton. Ils ne verront pas le centre de Congrès et le Musée subaquatique, malheureusement en réaménagement.
Ces deux vastes bâtiments affichent une architecture résolument avant-gardiste sur un front de mer paysagé et orné de modernes statues de bronze, tel le marin à la démarche chaloupée dit « Marinero de Réemplazo », ce soldat assis sur un banc qui semble espérer un brin de causette ou cet énorme « Zulo », hommage du sculpteur Victor Ochoa aux victimes du terrorisme.
Les bâtiments anciens n'en sont pas pour autant méprisés, tel celui abritant un superbe musée de la Marine, riche de belles maquettes, de scaphandres, de bathyscaphes et ce bâtiment cathédrale où est exposé, après avoir trôné au milieu d'un bassin sur la promenade, le premier sous-marin militaire opérationnel, conçu par le Carthaginois Isaac Peral y Caballero au XIXème siècle.
La ville s'étend au-dessus de hautes murailles, une ville destinée essentiellement aux piétons avec ses rues dallées, bordées de hautes maisons ornées de bow-windows, telles la Casa Pedrono, la Casa Cervantés... certes rien à voir avec Prague mais l'ensemble est agréable et invite à la promenade parmi des arbres séculaires. Les promeneurs doivent d'ailleurs être plus nombreux que les acheteurs car les magasins sont déserts et certains secteurs semblent totalement sinistrés, les vitrines vides affichant le calicot « Alquilar » (À louer).
Après quelques hésitations... (en matière de ruines, nous commençons à nous y connaître !!!), nous décidons de visiter le théâtre romain découvert accidentellement en 1992 lors d'un projet de construction d'un Centre Artisanal. Un théâtre de ville comme celui de Catane en Sicile dont l'accès a été habilement aménagé depuis la Place de l'Hôtel de Ville.
Nul besoin d'emprunter de sordides ruelles. Une belle façade, un long tunnel sous maisons et rues avec, au passage, le soubassement d'une ancienne Chapelle Byzantine, un double escalator... et nous voici au cœur de ce vaste théâtre à la scène en demi-lune, typiquement romaine. Certes de nombreux gradins ont été reconstruits mais le site est restauré avec élégance et mérite d'être vu.
Nous rendons visite à la seconde marina qui jouxte celle qui nous héberge et constatons avec surprise que les prix qu'elle pratique sont inférieurs... Un bel argument pour demander une ristourne... ce qui nous sera accordé !
Tout au fond de la rade, c’est le secteur de la pêche avec chalutiers, barcasses et superbe criée, à fréquenter peut -être le matin mais cela sent la grosse organisation et nous sommes loin de notre criée presque « familiale » d'Erdek en Turquie.
La météo est encourageante, nous quitterons cette belle escale demain, heureux d'avoir mieux connu cette ville capable de préserver son passé tout en envisageant l'avenir, non à court terme mais avec de grandes ambitions. Nous espérons que cette belle vitrine touristique n'affichera pas un jour le calicot « Alquiler », ses ambitions ayant dépassé les possibilités.
Vendredi 23 mai 2014 : de Carthagène à Garrucha (Espagne)
« Changement de cap ! »
Un réveil un peu matinal puisque nous envisageons une longue nav' d'environ 165MN. Tout Carthagène dort encore, même le gardien auquel nous devions remettre les clefs du ponton. Nous ne pouvons pas nous mettre en retard... peut-être qu'au retour notre route passera par-là ?
Nous essayons de maintenir notre cap mais nous nous rendons compte rapidement que, même assistés du moteur, nous allons nous traîner lamentablement. En tirant bord sur bord, notre progression vers la côte marocaine ne va pas être possible. Même un cap sur Carboneras plus au Sud ne nous est pas autorisé. Il nous faut donc nous rabattre sur Garrucha, port marina à 53MN de Carthagène.
Après un vent 3/4 arrière et arrière pour nos deux premières traversées, nous voici au près très serré, un ris dans la Grand'Voile avec un vent qui fraîchît et des rafales sournoises dont l'une à 34N... L’angle est à peine suffisant pour tenir le cap. Logos fait des merveilles à cette allure.
Le ciel s'est assombri, la côte n'offre guère de charme, le temps nous paraît bien long, jusqu'à ce moment où, en fin de journée, nous apercevons de hautes grues derrière un énorme enrochement... un appel téléphonique... en espagnol... Nous serons accueillis à la pompe à gas-oil pour cette nuit, après, nous aviserons.
Deux énormes cargos sont à quai, derrière l'enrochement, chargés par un tapis roulant d'une poudre blanchâtre qui s'échappe en poussière et voile tout le paysage. Une vision peu engageante mais, sur bâbord, de nombreux voiliers appontés et un charmant « pompiste » pour prendre nos amarres et remplir le réservoir. Nous ne ferons pas les difficiles tant la fatigue de cette journée se fait sentir. En fait de « pompiste », il s'agit du responsable de la marina, assez peu habitué à recevoir des plaisanciers de passage.
Il faut avouer qu'entre la poussière ambiante, le ronron permanent des machines des cargos, le va et vient des camions qui, depuis les mines apportent ce « Gypsium » qui servira à fabriquer du plâtre blanc... ce lieu a de quoi surprendre.
Pourtant, la petite ville de Garrucha veut se donner des airs de station balnéaire avec de coquettes maisons et une promenade fleurie. Il me semble qu'en prime il faudrait aussi donner un masque pour éviter de polluer les poumons… et un petit chiffon pour faire les poussières.
Heureusement, des météos concordantes nous permettent d'envisager un départ pour demain matin.
Maroc Nord
Samedi 24 et dimanche 25 mai 2014 : de Garrucha (Espagne) à Saïdia (Maroc)
« Quinzième pavillon de courtoisie ! »
Nous laissons volontiers « Pacific Basin Hong Kong » et « Jrs Mira » à leur chargement pour reprendre notre descente le long de la côte avant de nous lancer dans la « grande » traversée. Rien de bien engageant, une lèpre immobilière sur le moindre coin de verdure, des montagnes grisées par les nuages et, parfois, de hautes cheminées signalant un secteur minier.
Logos trace sa route sous un ciel chargé, sur une mer déserte, avec l'assistance de Monsieur Perkins. Personne en vue, cela se comprend, par un temps pareil. Inutile, notre Génois est même enroulé puis, le vent se levant vigoureusement, en voulant l'établir à nouveau mais seulement partiellement, nous avons la désagréable surprise de nous retrouver avec l'écoute de l'enrouleur dans la main, détachée de la bobine... Le génois se déroule intégralement. Fichu moment ! Pierre va à l'avant, s’accroupit dans la baille de mouillage pour enrouler le génois à la main, tout en refixant l'écoute sur la bobine, sous la pluie et la projection des vagues. Logos enfourne joyeusement, vent debout. Le mousse, dans le cockpit, ne le quitte pas des yeux, tout en émettant de timides « Reviens ! », comme si je ne connaissais pas le Capitaine... et cela pendant une bonne heure. Même les gentils dauphins qui nous ont rendu visite n'ont pas réussi à me dérider... c'est fou comme, dans le besoin, les forces peuvent se décupler... mais ensuite quel épuisement !
C'est de bonne grâce que je « prends » mon quart pour permettre au Capitaine de récupérer un peu. La pluie a cessé, nous naviguons maintenant à la limite de la dépression avec un phénomène météo surprenant. Des éclairs claquent brutalement, venant d’on ne sait où dans un ciel sans nuage. L’atmosphère est électrique. Un impact en tête de mât a mis en alarme, pendant quelques longues minutes, notre anémomètre. Tout est reparti au second démarrage du système de navigation. Le ciel étoilé semble nous tracer la voie.
La route est dégagée, seuls deux gros chalutiers sont à l'œuvre vers la côte algérienne, puis à l'approche, de petites embarcations de pêche bleues et blanches chacune avec deux marins revêtus de leur gilet de sauvetage qui leur donne un petit look Play mobil - une sage obligation au Maroc.
Il nous est difficile de reconnaître les lieux, le grand enrochement fermant la rade n'étant pas porté sur toutes les cartes
.
L'appel VHF semble apparemment inefficace... problème de micro, problème de compréhension... rien de tout cela, une belle vedette nous attend à l'entrée avec deux marineros qui nous font signe de les suivre dans un véritable labyrinthe entre des bouées rouges. Une première darse, une seconde, un ramassis de bouées jaunes qui, paraît-il, signalent une construction effondrée et, enfin, un vaste bassin avec de beaux pontons dont le ponton d'accueil, réservé aux visites de douane et de police.
Nous effectuons un bel appontement « along side » assistés par un marinero et par Dominique, propriétaire d'un voilier français voisin.
Nous voici enfin au Maroc, après 486MN depuis Port Premia et 87 heures en mer mais il nous reste encore à satisfaire aux obligations et visites légales... Trois officiels montent à bord avec leurs grosses chaussures réglementaires, le douanier jette un coup d'œil, entrouvre un placard, le policier pose des questions sur le matériel de bord. Quant au 3ème, il regarde les deux autres...
Un passage au bureau, 20 photocopies, un tampon sur notre passeport « Bienvenue au Maroc ! » Ouf ! Je ne nous voyais pas rebrousser chemin pour un problème administratif. Et dire qu'au Maroc il faut recommencer les mêmes formalités dans chaque port. Mais cela est une autre histoire, pour l'instant collation et repos.
Nos voisins de ponton, Dominique et Marie-France, un couple charmant s'activent à redonner vie à leur voilier PESQUIÈS qu'ils sortent tout juste d'un hivernage ici. Les échanges sont très amicaux et c'est avec grand plaisir que nous partagerons leur véhicule pour aller découvrir la petite ville de Saïdia, à plus de 6km de ce qu'ils appellent ici « la station balnéaire ».
Pour le moment, nous nous dégourdissons un peu les jambes. Nous nous aventurons vers le petit centre commercial voisin marqué par une gigantesque porte, à la manière des médinas anciennes. Le dimanche, tout est fermé, nous devons donc nous contenter d'une visite de reconnaissance. Tout est flambant neuf, bien paysagé.
La soirée nous semble bien douce dans cet élégant environnement mais, après cette longue traversée, nous resterons ce soir pour le coucher à l'heure européenne. Le décalage horaire d’une heure sera pour demain.
Lundi 26 et mardi 27 mai 2014 : Saïdia Med (Maroc)
« Connectés et branchés !!! »
Les pétarades des barques de pêche nous ont à peine réveillés tant nous avions le besoin de récupérer un peu.
Une visite au bureau pour bénéficier du « password » qui nous donnera accès à Internet... c'est fou ce que l'on se sent perdu maintenant sans ce fichu « Internet »... qui nous priverait de gentils messages affectueux et d'informations. Nous voici donc « connectés ».
La seconde visite est pour la banque repérée dans le centre, une belle antenne de la Société Générale mais dont le distributeur défectueux nous oblige à nous dessaisir de nos Euros au profit de beaux dirhams marocains, soit « MAD ». Le calcul du change n'est pas trop difficile puisqu'en retirant un 0 au prix marocain, nous sommes à peu près dans l'équivalence Euro.
Notre trajet jusqu'à Saïdia, grâce aux commentaires efficaces de Marie-France, nous permet de nous familiariser avec cette station en devenir.
De vastes avenues bordées de palmiers et de parterres, 6 km² de terrains bâtis de très belles réalisations ou en projet comme l'annoncent de grands panneaux publicitaires mais, apparemment, une absence d'acquéreurs puisque qu'un promoteur offre même une voiture à tout acheteur d'un logement.
Nous apprenons que Saïdia Med fait partie d'une vaste plan d'aménagement de la côte Méditerranéenne orientale, basé sur un énorme investissement touristique avec constructions individuelles, hôtels, golfs, marinas... destiné, non seulement à mettre en valeur cette côte mais aussi à fournir des emplois qui permettraient peut-être d'éradiquer cultures et marché illégal du Kif...
Saïdia Ville a des airs de petite ville de bord de mer, une belle promenade avec d'élégants café-restaurants, de vastes avenues mais la haute muraille autour de la mosquée et son petit souk rappellent que nous sommes au Maroc.
Pour libérer Dominique et Marie-France et disposer de plus de temps, nous proposons un retour en bus local.
Notre visite au magasin de téléphonie « Maroc Telecom » est fructueuse. Une carte prépayée de 100 Dh (moins de 10 euros) pour 3Go et nous voici parés... si l'Espagne pouvait s'inspirer de ces tarifs !!!
Au souk, notre sac se remplit de produits fraîchement cueillis et de belles sardines pour un tout petit budget.
Nous apprécions de pouvoir communiquer avec presque tout le monde, la langue française étant toujours à l'honneur. Beaucoup de panneaux de signalisation, de noms de lieux, de réclames sont en français.
Notre projet d'aller visiter deux des « Villes Impériales », à savoir Fès et Meknès, est rapidement mis à exécution. Abdullah, de la Marina, nous met en contact avec un loueur, Alexandra et Abdel de « Voyageurs solidaires », site Internet, nous organisent un petit circuit avec logement en gîte, formule demi-pension. Nous avions jeté un coup d'œil aux propositions de nos conseillers habituels « Trip Advisor » et « Booking.com » mais l'idée de loger chez l'habitant nous séduisait, heureux de pouvoir rencontrer des marocains et de converser avec eux.
Grâce à leur efficacité et la confiance réciproque établie, notre plan de route est rapidement finalisé et repéré sur les guides.
Nous partons demain matin, après avoir prévu un crochet par la banque des organisateurs pour régler la facture raisonnable, soit une « Attijariwafa.bank »... sans doute pas facile à trouver !!!
Mercredi 28 mai 2014 : de Saïdia à Fès (Maroc)
« GPS marocain… »
Une belle petite voiture Hyundai i10, presque toute neuve, avec à peine 8.000 km, nous attend. Certes le coffre n'est pas très vaste mais sa petite taille sera plus efficace en ville.
Direction Saïdia Ville pour la banque... Plusieurs tentatives infructueuses et, enfin, une Attijariwafa. Nous pouvons entamer notre périple. Nous notons au passage que la route s'est ornée de beaux drapeaux marocains, tout comme celle menant aux villes voisines de Berkhane, puis Oujda, comme pour annoncer la visite d'un personnage important.
La route est belle, bordée de belles constructions puis d'une vaste zone agricole aux panneaux de circulation révélateurs : « Attention mouton », « Attention tracteur ». C'est le temps des battages, les grosses moissonneuses sont à l'œuvre, les meules s’édifient.
Les policiers eux aussi sont en pleine activité, bien planqués pour piéger les infortunés automobilistes dès que les limitations de vitesse changent, 100, 80, 60... Et ce jusqu'à 30 et 20. J'ai beau faire de « l'audio description » comme dans les films, jouer le rôle de cerbère auprès de Pierre qui essaye de se limiter, par deux fois, nous nous retrouvons arrêtés pour excès de vitesse. En qualité de touristes, nous bénéficions de la clémence des Gardiens de la Route mais il n'en est pas de même pour tous les infortunés marocains qui voient leur budget sérieusement grevé. Résultat, à part deux ou trois intrépides, tout le monde conduit la peur au ventre !!!
La traversée d'Oujda, ville importante qui nous permettra de rejoindre l'autoroute, nous paraît longue et nécessite une vigilance constante du chauffeur : entre les « petits taxis » (compagnie spécifique à chaque ville) qui règnent en maîtres, les arabas (charrettes) tirées par des ânes, les passants qui traversent n'importe comment, il y a matière à avoir le tournis ! Quant à Sygic, notre TomTom sur smartphone, ne pas compter sur sa cartographie du Maroc en ville, totalement inopérante et capable de nous faire passer par la même voie plusieurs fois !!! Se fier plutôt à son propre sens de l'orientation… à condition de savoir où on est !
L'entrée de l'autoroute est la bienvenue, fréquentation réduite, petit budget et, surtout vitesse accrue à 120 km/h, fort appréciable si nous voulons atteindre Fès, à plus de 330 km avant la nuit. La voiture donne son maximum sans crainte des radars.
Nous faisons connaissance avec le plateau Jbala, entre le Moyen Atlas et le Rif, essentiellement dédié aux cultures. Tout ou presque est déjà fauché, donnant aux champs une belle couleur blonde, les Oueds sont secs, les maisons basses dispersées ne se regroupent que lorsqu'un coin de verdure se signale, révélateur d'une source ou d’une nappe phréatique.
Tous les 70 km, de belles stations-service toutes neuves attendent les clients. Aujourd'hui, nous sommes pratiquement seuls.
L'approche de Fès se fait plus verdoyante et civilisée. Nous abandonnons l’autoroute.
Une ville blanche semble gravir une haute colline. Deuxième tentative auprès de Sygic pour nous mener à la porte d'entrée principale de la Médina où nous avons rendez-vous avec nos hôtes... MISÈRE... nous nous retrouvons en plein marché dans la partie basse de la Médina et notre guide GPS envisage de nous faire passer dans les ruelles seulement praticables en bourricots !!! Semi panique... de la passagère... un motocycliste s'offre pour nous guider... « Suivez-moi !... » Nouvel exploit avant celui, encore plus ardu, de lui signifier congé, même avec quelques Dirhams !!! Heureusement la présence d'une vigilante police touristique évite tout comportement gênant.
Nous voici enfin devant la porte BAB BOUJLOUD (redondance puisque Bab signifie à lui seul « porte »). Mobhssin, notre hôte, prévenu par téléphone, nous rejoint et, une fois notre voiture garée, nous entraîne dans le dédale des ruelles de la Médina.
Quel premier contact, entre légumes et fruits, poulets, épices puis échoppes de petits artisans ! Nous nous retrouvons dans un autre monde, un monde qui a ses codes, ses usages.
Lorsque nous quittons l'une des rues centrales, c'est le grand désert, entre de hauts murs gris où seules de belles portes révèlent une habitation. Tout droit, à gauche, à droite, encore à gauche jusqu'à la dernière maison, au numéro 53 de l'impasse Derb Ben Salam, en suivant Mobhssin, c'est facile mais ensuite...
Une belle porte, un couloir et, loin du dédale du souk, nous nous retrouvons dans un joli petit patio garni de faïence, tout comme le salon (en réalité trois salons avec de grandes banquettes) où nous sommes immédiatement conviés à partager le thé à la menthe de bienvenue. Nous faisons la connaissance de notre hôtesse, Fatima-Zohra (une pensée pour Mimi qui affectionnait ce prénom !). Elle converse avec nous dans un français impeccable, nous parle de sa famille, de Fès et se met en quête d'un guide pour notre visite approfondie de demain, comme Tristan nous l'a gentiment suggéré.
Notre chambre est spacieuse, très calme, dotée d'un petit cabinet de toilette personnel, la salle de bain au rez-de-chaussée étant partagée avec la famille.
Reposés, nous nous hasardons à aller, seuls, nous imprégner de l'atmosphère du souk, rassurés par la possibilité d'un appel téléphonique depuis notre portable marocain.
Nous retrouvons vite l'ambiance orientale à laquelle nous sommes habitués. Une multiplicité de marchandises de toute sorte : céramiques, poteries, tissus, tapis... des vendeurs empressés... surtout pressés de vendre car le commerce ne semble pas très florissant mais très respectueux du client « Viens voir, juste pour voir, c'est cadeau... Si tu as le coup de foudre tu achètes… tu me donnes combien ? ». Ils ne manifestent aucune animosité devant un refus.
À notre grande surprise, nous retrouvons aisément notre chemin... il n'y a qu'à repérer les chats qui, dans les ruelles, marquent leur territoire !
Servis dans le salon, Fatima nous fait l'honneur d'un délicieux tagine au poulet et d'un entremet original de carottes mixées avec de l'orange... une idée à retenir. Si elle tient à faire un brin de conversation entre les plats, elle nous laisse manger seuls, les horaires de repas au Maroc étant très tardifs.
Mercredi 29 mai 2014 : FÈS (Maroc)
« Aie ! Aie ! Aie ! Nos pieds !!! »
Un bon petit déjeuner marocain composé de galettes de semoule ou beghrirs (imprononçable !) nous voici prêts à suivre notre guide d'un jour, HASSAN. En tant que guide officiel, il a revêtu sa longue djellaba blanche, qui, sa haute stature aidant, nous permettra de ne pas le perdre de vue dans ce fourmillement de vie qu'est la Médina.
Sur ses traces, rien ou presque rien ne nous échappera de cette ville, vieille de plus de quinze siècles - fondée par Moulay Idriss, descendant de Mahomet, ville impériale, ville sainte, ville de culture mais aussi ville où foisonne la vie.
Au Maroc, les mosquées sont, pour la plupart, interdites aux non musulmans du fait d’une décision du Maréchal Lyautey (ce qui nous surprend alors que nous pouvions y accéder en Turquie et en Syrie, à condition de satisfaire avec respect aux obligations vestimentaires).
C'est avec admiration que nous découvrons plusieurs « Médersas » ou écoles coraniques : Bou Inania, qui possède le seul minaret de Fès, Es Seffarin dont les salles et chambres sont disposées autour d'un rafraîchissant patio, souvent de marbre, bordé de zelliges (céramiques).
Mais c'est surtout dans cet impressionnant dédale de ruelles commerçantes ou d’habitations, que nous entraîne notre guide : deux grands quartiers, le quartier Karaouyine et le quartier Andalou, quelques 11500 ruelles, des milliers d’artisans de toute nature, regroupés par activité : les artisans du bois, les dinandiers, les tisserands, les teinturiers avec une mention particulière pour les tanneurs. Il nous est difficile d'imaginer, au XXIe siècle, que l'ouvrier tanneur puisse être soumis à de telles conditions de travail, qu'il lave les peaux dans la rivière, les trempe et les piétine dans des bassins remplis de chaux vive d’eau, de sel et de fiente de pigeon.
Certes le spectacle, depuis la terrasse, d'un important marchand de cuir, est impressionnant mais il laisse un sentiment de malaise à vous dégoûter d'acheter sac ou veste. Dans les ruelles réservées aux habitations, notre guide n'omettra pas de nous faire remarquer la beauté du travail des portes, certaines ornées de la Main de Fatma. Nous emprunterons même la rue la plus étroite où une seule personne ne peut passer que de côté. Il est vrai que beaucoup de maisons très anciennes sont toutes de guingois et très étayées, en attendant une éventuelle rénovation financée par l'Unesco.
À presque 14 heures nous crions grâce et, après avoir refusé un restaurant pour touristes, nous nous retrouvons attablés chez « Thami », gargote près de Bab Boujloud, devant un excellent couscous... comme quoi il ne faut pas se fier à la mine !
Incapables de faire beaucoup de pas de plus, nous optons pour le circuit extérieur de Fès, de l'autre côté des imposantes murailles, dans un « Grand taxi » (ceux habilités à sortir d'une ville).
Un bref coup d'œil au Palais Royal dont les 7 portes majestueuses sont résolument fermées… alors que nous avions annoncé notre visite… quelques pas dans le Melah ou quartier juif aux maisons plus ouvertes, ornées de balcons, quartier autrefois habité par les juifs d'Espagne chassés par Isabelle la Catholique.
Hassan nous quittera là, nous laissant aux bons soins de notre jeune chauffeur Ismaël pour la découverte de Fès depuis les collines environnantes avec arrêt au Borj Nord, puis de l'autre côté, aux Mausolées, tombeaux en ruine des premiers rois Mérinides.
Le panorama est grandiose.
Au passage, une visite dans une poterie nous permet d'observer les différentes phases de fabrication d'une poterie marocaine et d'admirer la finesse du travail des décorateurs.
ès une journée aussi riche, nous trouvons encore le courage de parcourir le souk pour y acheter vieux moulin à épices en pierre, chicha et bendir, sorte de tambourin en peau de chèvre... infatigables mais heureux de retrouver la fraîcheur de notre Dar et les boulettes de viande, façon « Antoinette », clin d'œil à Lili...
Vendredi 30 mai 2014 : de Fès à Meknès
« Roi mégalo ! »
Nous quittons Fès, très belle escale en direction de Meknès, par une belle avenue à 4 voies bordée de palmiers et de paulownias fleuris de bleu. Une fois de plus, nous pouvons constater une importante expansion immobilière et la présence de luxueux hôtels 5 étoiles dont le Zalagh Palace.
Peu à peu, les vastes oliveraies et autres cultures de blé et de seigle remplacent le béton. Le paysage se vallonne, annonçant que nous pénétrons dans la Chaîne du Rif.
Aujourd'hui, nous allons poser nos bagages au « Gîte des Oliviers », en pleine campagne, à une dizaine de kilomètres de Meknès. Les indications données par notre GPS (sur route il sait presque faire) et par Alexandra... précises, bien que « pittoresques », tout comme un jeu de piste... « Quitter la route à un parc d'attraction Aladin » (j'en déduis qu'il doit y avoir une lampe à huile magique...), « Traverser une petite ville récemment bâtie »... Alexandra a omis de signaler que la route est défoncée, que les habitants faute de décharge publique utilisent le bas-côté de la route, ce qui est exceptionnel au Maroc. « Dès que vous voyez le château d'eau, c'est derrière… ». Effectivement, face à un champ de seigle, une haute porte, en s'ouvrant, révèle une belle maison avec une piscine et un magnifique jardin potager dont Kacem, notre hôte est fier.
Carole, qui gère le gîte est absente, c'est donc Saïda, la jeune servante qui, après le traditionnel thé à la menthe, nous fait les honneurs de la maison. Notre chambre est superbe et bénéficie d'une salle de bain décorée avec beaucoup de goût.
Saïda nous conseille de ne pas nous attarder, le vendredi est jour de prière et beaucoup de boutiques de la Médina seront fermées l'après–midi. Nous ferons plus ample connaissance en soirée.
Pour la visite de Meknès, un point stratégique : la porte Bab El Mansour, entrée grandiose de la Kasbah. Satisfaction de trouver rapidement, sur une vaste avenue, une place pour stationner et partir découvrir cette seconde ville impériale, la ville recrée par Moulay Ismaël, roi Alaouite mégalo du XVIIe siècle. À l'imitation du Roi Louis XIV qu'il admirait, il voulait sa propre ville, une ville qui par sa grandeur éclipserait Fès, n'hésitant pas à faire démolir ce qui existait, à faire piller des sites romains comme celui de Volubilis.
Effectivement, à Meknès, tout est vu grand, les remparts, les places dont l'une complètement déserte à cette heure chaude, baptisée « Place El-Hedim » ou Place des décombres, commémorant ainsi les destructions opérées par Moulay Ismaël, porte d'entrée du souk.
Tandis que de nombreux croyants commencent à se presser vers la mosquée, nous avons le temps de nous promener dans la Médina, plus aérée, aux ruelles plus larges que celles de Fès. Nous sommes maintenant familiarisés avec les Médersas, les Fondouks, anciens petits caravansérails, côté échoppes d'artisans, beaucoup sont déjà fermées mais nous avons eu notre comptant hier.
Seule une jolie boutique sur une petite place ombragée retiendra notre intérêt par les objets en fer damasquinés de fils d’argent. La fabrication nous est aimablement expliquée par son propriétaire ainsi que celle de tapis berbères. Certains, à l'imitation des tapis de mariage dont les motifs racontent une histoire, sont confectionnés par les futures mariées.
C'est dans un petit restaurant dominant la Place El Hedim, tenu par une jolie Mémé, que nous satisfaisons à la tradition du couscous du vendredi... tradition qui risque de nous offrir notre deuxième couscous pour le repas du soir !!!
Sur cette même place, le Musée Dar Jamai nous permet une belle approche des Arts marocains. La demeure est superbe, avec un patio à quatre colonnes de céramique, orné de zelliges et un jardin dit andalou, planté de cyprès, palmiers, bananiers... Les objets exposés sont intéressants et un garde nous ouvre même la grande salle d'apparat... en toute discrétion !!! (Petit bakchich assuré !).
Des calèches sont à l'attente près du musée, le coût pour un parcours en extérieur tout à fait raisonnable ; de plus nos jambes crient « pitié ». Nous voici embarqués sur la première de la file, calèche et rossinante ont assurément fait leur temps mais la promenade, bien que brinquebalante est agréable et le cocher guide très serviable.
Nous passons entre les deux hautes murailles de la ville impériale, destinées à protéger la ville en piégeant les envahisseurs.
Un premier arrêt au Mausolée de Moulay Ismaël, seule mosquée du Maroc accessible à tous, sauf pour la chambre funéraire où repose le sultan, édifice grandiose à l'image qu'il voulait donner.
Un coup d'œil au Palais Royal, opposé à la résidence des esclaves, en très grand nombre paraît-il sous le règne tyrannique de Moulay Ismaël, pour parvenir sur une vaste esplanade devant un énorme bâtiment. Il s'agit de la Maison de l'Eau ou Dar El Ma où l'eau était stockée et puisée par une noria, roue actionnée par des ânes. Ensuite viennent les silos à grain, pour finir par ces superbes écuries qui pouvaient accueillir jusqu'à 12.000 chevaux. Une grande partie est en ruine, ce qui en fait un lieu plein de romantisme mais nous bénéficions aujourd'hui d'une animation avec l'organisation des « Meknèstriales », festival destiné à perpétuer l'importance qu'avait le cheval dans la ville impériale.
Le bassin de l'Agdal, grande réserve d'eau pour les jardins du sultan termine notre belle visite de plus d'une heure sur les traces du Roi-Soleil marocain qui, faute de pouvoir devenir le gendre de Louis XIV, chercha à imiter sa grandeur.
Nous connaissons maintenant le chemin du gîte et allons apprécier son calme et l'accueil réservé.
Notre dîner est animé, partagé avec Carole, Kacem et Saïda qu'ils ont conviée à notre table. Tous deux enseignants, les sujets de conversation ne manquent pas entre nous. Nous apprécions leur sens de l'hospitalité, leur qualité d'écoute.
Le traditionnel couscous du vendredi nous est servi... nous ne nous en lassons pas !
Samedi 31 mai 2014 : de Meknès à Volubilis
« Pourvu qu'il n'ait pas tout pillé ! »
Nous avons souhaité une halte à Volubilis, important site archéologique romain mais, après la visite de Meknès et le fait que le sultan n'ait pas hésité à piller ce lieu ainsi que Marrakech pour faire construire SA ville, nous pouvons avoir quelque inquiétude.
Volubilis n'est qu'à une trentaine de kilomètres de Meknès, donc, pour aujourd'hui, une toute petite étape sur une route bordée de majestueux yuccas. Nous sommes en pleine nature, domaine des ânes et des moutons.
Au virage indiqué par Alexandra, un panneau nous invite à grimper dans la colline « Gîte Dhotes Caracalla », coloré de manière festive. La voie est peu engageante, tout juste une piste caillouteuse mais, rassurés par des passantes, nous poursuivons notre ascension jusqu'à une grande mosquée, celle de Volubilis.
Quelques flèches de couleurs nous indiquent le parcours entre des gourbis, sur une voie défoncée, essentiellement destinée aux piétons et aux ânes, jusqu'au moment où il nous faut garer notre voiture pour poursuivre à pied... assez inattendu mais somme toute assez divertissant. Une grimpette dans les cailloux et une dernière flèche à côté d'une porte très colorée, tout comme le panneau de route. C'est bien là !
Bouchra, avec Aïcha, sa fille de 18 mois, nous font les honneurs du gîte, en attendant le retour du maître de maison parti à la ville voisine avec Mohamed, leur jeune fils pour un approvisionnement.
Nous avons tout le loisir de regarder avec curiosité cette petite maison toute en couleurs, bâtie de guingois, comme dans un dessin d'enfant, autour d'un patio où trône un figuier. Ici, tout respire encore l'enfance et une certaine forme de fraîcheur : les couleurs vives, les murs où sont incrustées de naïves mosaïques, les objets hétéroclites entassés, souvenirs d'autant de découvertes dans la montagne, pierres aux formes animales, ammonites de toutes sortes, vieux moulins de pierre.
Ce lieu n'est pas sans nous rappeler notre étape en pays kurde où chaque rentrée d'argent permet d'agrandir la maison, soit en hauteur depuis la terrasse, soit en largeur comme ici, où deux pièces supplémentaires sont prévues.
Notre chambre avec vue sur la campagne et, au loin, sur les ruines, est proprette, elle aussi colorée et dotée d'une salle d'eau, avec douche eau chaude venant directement du réservoir de toit ou dans une belle amphore pour les commodités.
Bouchra nous fait part du problème de l'eau dans ce village, alimenté par la seule source déjà connue des Romains et les va et vient des ânes et des hommes pour véhiculer les bidons d'eau selon les besoins, c'est à dire entre 300 et 500 litres par jour. Ayant, avant son mariage, connu « l'eau courante », elle aspire à une prochaine adduction d'eau qui serait réalisée par les hommes du village, eux-mêmes.
À son retour, nous faisons, avec satisfaction, connaissance d'Hassan, un grand « jeune homme » au sourire bienveillant qui semble signifier « C'est bien ici qu'est le bonheur ! ». Il est semblable à l'environnement qu'il s'est construit, simple, paisible.
Il nous guidera en soirée pour la visite du site archéologique et de la petite ville proche de Moulay Idriss.
En attendant ce moment, c'est avec plaisir que nous partageons le repas d'un sympathique couple de touristes résidant, eux, au Maroc.
La visite de « Volubilis » (Walili en berbère), cette ancienne ville romaine au nom de fleur, en suivant Hassan procure un réel plaisir. C'est le terrain de jeux de son enfance, de son adolescence. Il connait presque chaque pierre, chaque maison, nous dévoile des mosaïques en grand nombre, bien cachées sous la poussière, comme celle d'Orphée, celle des Saisons ou des travaux d'Hercule. Hassan sait nous faire sortir des « chemins balisés » pour nous montrer quelque trésor, au risque d'y rencontrer serpent ou tortue.
Grâce à lui, rien ne nous échappe, les magnifiques feuilles d'Acanthe des colonnes, semblable à celles naturelles qui poussent dans le site, les étranges sièges - bains où pouvaient converser les citoyens, les vieux moulins à olive et pressoirs à huile, richesse de cette région.
Cette ville de Juba II, roi de Mauritanie, époux de la fille de Cléopâtre et Antoine, étonne par sa dimension de plus de 40 hectares dont seulement 20 ont été fouillés, laissant place aux rêves des futurs archéologues, la magnificence de ses monuments avec l'Arc de Triomphe de Caracalla, l'immense basilique, l'avenue centrale bordée de colonnes, la richesse de ses maisons et anciens commerces.
Cité romaine, si elle n'a pas les oies du Capitole, elle semble bien gardée par les cigognes qui ont niché en haut des colonnes.
Pas encore de réel musée ; statues et objets découverts lors des fouilles sont exposés au Musée de Rabat.
Hassan a prévu un circuit pour nous permettre de mieux connaître les environs de Volubilis puis la ville de Moulay Idriss, un beau circuit avec des oliveraies à perte de vue, des figuiers de barbarie, des gorges pour nous mener dans l'oued, près de la source sulfureuse dont le courant était utilisé par les Romains pour véhiculer les pierres destinées à la construction de Volubilis.
Habitué à son âne, il semble s'amuser des ornières profondes creusées par les pluies qui malmènent notre pauvre voiture. Moi je pense à notre infortuné loueur, si fier de nous avoir fourni un véhicule quasiment neuf... bonjour les amortisseurs et la poussière.
Le point de vue sur Moulay Idriss est superbe avec ses maisons accrochées au piton rocheux, chaulées, aux portes bleues, comme le veut la tradition. Elles sont maintenant parsemées, au goût du jour, de maisons rouge foncé... un rouge un peu pompéien !
La descente sur la ville est encore plus scabreuse que celle vers la source. Elle est d’avantage le domaine des bourricots que celui des automobiles.
La ville de Moulay Idriss avec le Mausolée d'Idriss Ier, sanctifié car petit fils de Mahomet, mort empoisonné, est considérée comme « Ville Sainte » et lieu de pèlerinage pour les Musulmans qui ne peuvent pas se permettre le voyage à la Mecque. Pour nous, pas de visite autorisée. La ville s'articule autour d'une vaste place bordée de cafés près du souk. Hassan s'y octroie une pause tandis que nous vagabondons à notre guise. Nous sentons qu'il est ici « Chez lui ».
Nous sommes, ce soir, seuls au gîte et pouvons converser tout à loisir avec nos hôtes, sourire des facéties des jeunes enfants, tout en appréciant le tagine préparé par Bouchra.
Le coucher de soleil, annoncé par les guides, est au rendez-vous depuis la terrasse.
Ce soir nous nous endormirons bercés par les braiments des ânes, les aboiements des chiens, demain matin, le Muezzin rivalisera avec les coqs !
Dimanche Ier juin 2014 : de Volubilis à Chefchaouen (Brichka)
« Une belle ammonite »
C'est avec regrets que nous allons prendre congé de Bouchra et Hassan, il nous semble que, si notre plan de route n'avait pas été prévu, nous aurions prolongé notre séjour auprès de ce couple si attachant et tellement méritant. En dépit des difficultés de leur vie, ils ont su garder fraîcheur et innocence. Quels rêves ont-ils pour leurs enfants ? Nous n'avons pas osé poser la question.
Nous repartons avec de belles images, de l'huile de leur production, des olives et en cadeau une superbe ammonite, joli coquillage disparu en même temps que les dinosaures. Leur présence dans le Guide du Routard peut nous faire penser que nous n'avons pas été les seuls à être séduits. Nous leur souhaitons une belle réussite dans leurs projets.
Nous assistons de nouveau à la noria des bourricots autour de la fontaine, lieu de rencontres et d'échanges.
Notre route nous mène vers le Nord, plus précisément en direction, tout d'abord, de Ouezzane puis de Chefchaouen à travers de vastes zones agricoles où les meules entassées montrent que la moisson a été faite. Une très longue gouttière pour l'irrigation borde la route. Elle nous semble hors d'usage en ce moment mais témoigne de l'intérêt porté à ce grenier agricole. Les maisons sont vastes, clairsemées.
Ânes et machines agricoles rivalisent. Après le gros bourg d'Ouezzane, les gorges de l'Oued Loukkos rendent le paysage plus verdoyant.
Cette fois-ci notre gîte se trouve à environ 30 km de Chefchaouen, une maison rurale dans le Rif, au bout d'un kilomètre de piste : la « Maison d'Aïcha ». Malheureusement des Aïcha il y en a beaucoup, même dans un lieu aussi reculé et, bien renseignés par un villageois qui saisit la bonne aubaine pour se faire véhiculer puis nous laisse en chemin, nous grimpons dans la montagne : 3km, 4km sur cette voie étroite, toujours pas d'Aïcha et personne pour parler français. C'est le chauffeur d'un « Grand Taxi » monté charger des clients qui, finalement, nous guidera à notre gîte. La pluie ne facilite pas notre conduite, 4 km en descente, 2 km de route et enfin 1 km de piste pour parvenir à « El Belota », coquette maison rurale en pleine nature. Aïcha, c'est la maman et grand maman qui a l'œil à tout mais semble, ainsi que Salah, son mari, avoir passé la main à ses fils.
Le gîte s'articule autour d'une belle cour fleurie et offre cinq chambres très joliment décorées. Ici, salles d'eaux et toilettes sont communes mais bien tenues.... encore une autre ambiance, avec les banquettes recouvertes d'un tissage artisanal, disposées sur une estrade pour le repos ou les repas.
Deux touristes français, Fanta et Franck ont choisi ce lieu pour se reposer. Nous ferons table commune et partagerons leurs nombreux voyages...
Nous en sommes à notre quatrième couscous !
Un peu de détente, le soleil revenu après une forte averse, nous voici répartis pour la visite de la petite ville de Chefchaouen, dite aussi ville sainte et, à ce titre, longtemps interdite aux Chrétiens. La route emprunte les gorges de l'oued et nous fait passer au « Pont du Loukkos », un ancien poste frontière entre le Protectorat espagnol et le Protectorat français. La route s'élève en lacets successifs jusqu'à la découverte soudaine de la « Ville bleue », ville céleste adossée à la montagne.
À l'intérieur, un dédale de ruelles bleues et blanches où il fait bon flâner, un peu comme dans un village grec des Cyclades.
Malheureusement, cette ville est devenue par trop touristique et les marchands du temple y sont nombreux.
On y vend de tout, du faux artisanat, des babioles mais rien que l'on ait vraiment envie d'acheter. Néanmoins, Pierre tombe en arrêt devant un petit tabouret, tout en liège, destiné au hammam. Idéal pour les navigations de nuit, confortablement assis dans la descente, le nez dans le coussin réalisé en vieux spi et la tête protégée pas le pare-brise. 5€ sans marchander et plus authentique qu’un tabouret en plastique chinois.
La soirée à la « Maison rurale de Belota » est reposante.
Il s'agit de notre dernière étape programmée, c'est à notre tour de nous prendre en main.
Demain, changement de style, un élégant Riad à Tétouan signalé par le Guide du Routard. Réservation est faite par téléphone.
Lundi 2 juin 2014 : de Chefchaouen à Tétouan
« Un palais du XVIIIe »
Avant notre départ, nous faisons provision de confiture, miel et huile d'olive de la production de cette famille... nous en sommes à 7 litres d'huile d'olive, nous devrions être parés pour la saison mais il me semble que nous prenons de gros risques pendant le trajet en voiture !
Abdennour nous fait admirer les travaux d'aiguille de son épouse Saïda : des nappes, des jetés de lit, superbement brodés. Malheureusement, considérant les heures passées, le budget est très conséquent et nous devons nous contenter d'admirer.
Nous allons poursuivre notre traversée de la chaîne du Rif par une route souvent bordée de lauriers fleuris, à travers de grandes pinèdes puis toute une zone de cultures bien irriguée par des lacs artificiels et des barrages. Les villages traversés sont riants avec de coquettes maisons aux arêtes soulignées, ici, de vert pâle (le bleu est d'avantage la coutume).
Ensuite, par une vaste plaine, nous abordons la descente vers la mer. La ville de Tétouan nous apparaît alors, adossée à une colline, immaculée derrière ses remparts.
Nous abordons la ville nouvelle par de belles avenues arborées, espérant pouvoir atteindre la « Place Hassan II » ou Place du Palais Royal, proche de l'entrée de la Médina et de notre hôtel. Déception ! Une fois de plus, notre GPS TomTom Maroc nous conduit en plein marché, coincés par les charrettes des vendeurs, les piétons plus soucieux de leur propre trajectoire que de celle des conducteurs isolés. Il y a bien un grand parking mais un appel à notre hôtel nous confirme que nous sommes loin et devons rallier le Palais Royal. Une fois de plus, recours à l'instinct... mais voilà... sécurité oblige... la place est interdite à toute circulation... nouvel appel téléphonique... sauvés !
L'hôtel nous envoie un guide qui, après nous avoir fait garer notre véhicule à l'abri dans un parking, nous mène à travers le dédale des ruelles de la Médina, grouillantes de monde en cette fin de matinée. Nous commençons à avoir l'habitude de ces pittoresques trajets qu’il faut mémoriser, entre bourricots, charrettes, vendeurs et acheteurs mais cela nous paraît à chaque fois une expérience. Une ruelle en réfection, une haute porte et le choc.
Nous entrons dans un superbe patio à 4 colonnes, ouvert sur deux étages, les murs recouverts de belles et fines céramiques. Nous sommes dans l'ancienne résidence du Consul des Pays Bas transformé en Riad Dalia. Si le prix n'avait pas été fixé, nous aurions été inquiets... Notre chambre au premier étage est stupéfiante. Seul, comme d'habitude, le sanitaire privé ne nous semble pas à la hauteur, les murs barbouillés de chaux bleuie, comme dans les douars mais la porte d'accès est tellement belle ! Depuis la terrasse, la Médina s'étend à nos pieds.
Un peu las, nous décidons, avant d'aller explorer la Médina, de prendre notre déjeuner dans la superbe salle à manger où, seuls clients, nous sommes servis « royalement »... chorba, tagine à l'espadon (un régal), pâtisseries orientales et pastèque... Il n'y manque qu'un bon verre de vin ; de hauts verres à vin, avec de l'eau dedans, cela fait un peu ridicule !!! Tout cela pour dix euros chacun... Bien entendu, nous réitérons pour le dîner avec tagine de bœuf aux amandes et pruneaux... nuitée et repas pour moins de 80 Euros dans ce cadre grandiose... à recommander !
La partie de la Médina que nous découvrons a un petit air Marché de Saint-Ouen avec une débauche de bric à brac, de marchandises, certaines de provenance chinoises... comment peuvent-elles toutes trouver preneur ? Certes les gens semblent animés par une certaine fièvre acheteuse mais leurs revenus sont tellement bas. Côté architecture, si l'on peut parler d'architecture en ce qui concerne les petites échoppes, une certaine influence andalouse avec les balcons ornés de fer forgé se fait sentir, de même que certaines appellations, rappelant que Tétouan fut lieu de refuge pour les espagnols en exil, puis protectorat espagnol jusqu'à l'Indépendance en 1956. Ici, d'ailleurs, il est préférable de communiquer en espagnol. Le quartier du Mellah ou ancien quartier juif est plus aéré, les ruelles plus larges, pas de labyrinthe inextricable mais un quadrillage régulier. Nous sommes dans le domaine des bijoutiers, des tisserands... La visite du Musée archéologique ne nous a pas été possible pour cause de soi-disant fermeture, nous avons donc dû nous contenter du jardin !
Si Tétouan a longtemps été une ville de sinistre renom, fief des pirates, puis des voleurs, nous découvrons aujourd'hui une belle ville, pleine de vie, aux habitants accueillants, peut-être seulement un peu plus réservés.
Notre soirée dans « notre » palais nous enchante... toujours pas de clients concurrents, nous sommes choyés.
Mardi 3 juin 2014 : de Tétouan à Al Hoceima
« Une route à couper le souffle ! »
La Médina est encore endormie, tous les commerces sont fermés. Les « Petits taxis », ici tous bleus et jaunes attendent sagement les futurs clients.
Une fois notre petite Hyundai récupérée... 50 centimes d'Euros pour une nuit dans un parking gardé - Vinci ferait bien de revoir ses tarifs à la baisse..., une sortie aisée de la ville, nous voici partis pour une longue étape de quelques 214 km, sur la route côtière (Rocade Méditerranée), une voie toute nouvelle, destinée à favoriser l'accès au port d'Al Hoceima, puis ensuite à tout l'Est Méditerranéen.
Il s'agit d'une magnifique route en corniche qui épouse les contours des montagnes du Rif. Les couleurs camaïeu de bruns et ocres sont superbes, dignes de la palette d'une peintre, les points de vue sur la mer qui souvent prend une belle couleur émeraude font rêver avec de belles barques de pêche tirées sur la plage. Côté terre, le paysage est souvent bucolique, avec troupeaux de chèvres, nombreux petits chevaux qui semblent ici supplanter les ânes et d’étranges meules de foin en forme de champignons.
Seule la haute paroi, entaillée pour la route peut parfois inquiéter, il semble difficile de stabiliser les roches mêlées de terre qui la compose... les nombreux panneaux « Chute de pierres » ne sont pas là pour rassurer... Sans doute les fortes pluies favorisent-elles un important ravinement ? Aujourd'hui, sous ce beau soleil, nous pouvons ignorer les alertes « Brouillards fréquents ».
Nous nous régalons de cette route, aux paysages dignes des premiers films en cinémascope.
Le vaste golfe d'Al Hoceima étale ses eaux émeraude, notre dernière étape avant le retour à Saïdia.
Ce port de pêche réputé prend de plus en plus des allures de station touristique avec de beaux hôtels de bord de mer bien balisés mais, une fois de plus, nous avons fait confiance au guide du Routard et avons sélectionné un petit hôtel en pleine ville.
Nouvelle épreuve, Sygic ne connaît pas. Nous tournons en rond, victimes des sens interdits, jusqu'au moment où un conducteur compatissant se propose de nous guider jusqu'à une petite place aux airs de place de province, toute proche de l'hôtel retenu par téléphone.
Hôtel Nekor, style hôtel pour voyageurs de commerce, sur le déclin, beaucoup trop concurrencé mais aux chambres vastes, tout confort au budget Routard.
La gargote d’en face nous est recommandée par l'hôtelier, rendez-vous des commerçants du marché tout proche... un peu style cantine mais d'excellentes sardines grillées, une belle salade, du melon, une bouteille d'eau minérale... pour 5 euros à deux... Un record, bientôt on va nous donner de l'argent ! Le marché est grisant, tellement riche que nous songeons à y faire nos achats alimentaires avant de partir, demain.
Le port d'Al Hoceima se divise en trois darses, l'une militaire, donc interdite, l' autre pour la gare maritime des ferries dont le nombre semble réduit. C'est d'ailleurs là que peuvent être accueillis les plaisanciers de passage, accostés à un quai sans aucun confort... et ce pour la « modique » somme de 25 euros, en plus loin de tout !!! Il paraît que c'est le tarif gouvernemental appliqué dans tous les ports... à moins de nécessité s'abstenir. La darse réservée aux pêcheurs est plus pittoresque avec ses chalutiers colorés et ses filets rouges étalés sur le quai pour être remaillés avant d'être chargés.
Des marins sont à l'œuvre mais rebelles aux photographies, à moins que Pierre ne soit à côté d'eux, comme un ami... susceptibilité, crainte d'être bêtes curieuses ? Pour nous, tout simplement de belles images et des visages croisés.
Notre cheminement à travers le souk nous mène vers la mosquée qui domine le port et nous offre un beau point de vue. Nous sommes au cœur de la vieille ville mise en danger par la falaise qui s'érode. Encore une fois, nombre de petits marchands ambulants le long de la voie, un bric à brac hétéroclite et le spectacle d'une certaine misère.
Un coquet restaurant de la Place du Rif, proche de notre hôtel, nous propose de belles crevettes juste sorties du filet... une aubaine.
Mercredi 4 juin 2014 : d'Al Hoceima à Saïdia
« Poulets tués à la demande ! »
De beaux fruits et légumes, des épices, des figues et un beau gigot remplissent nos sacs mais il ne nous est pas possible de nous soumettre à la tradition de ce grand marché qui consiste à choisir un poulet bien vivant en cage et d'assister en direct à sa mise à mort...quelle cruauté ! Nous avions bien vu quelques cages de poulets mais, ici, le nombre en est impressionnant!
La grandiose gare routière, les larges avenues, les constructions neuves, témoignent de l'expansion programmée d'Al Hoceima.
Nous retrouvons notre route de montagne avec ses couleurs chaudes, ses beaux points de vue. Aux longues étendues semi-désertiques, succèdent de belles anses avec des plages prometteuses mais aucune ne permettant un mouillage forain sûr, d'ailleurs interdit au Maroc.
Au passage, une visite du port de Nador s'impose, limitrophe du port espagnol de Melilla, un tout petit port occupé par les barcasses de pêcheurs. Le vrai port est celui de Bni Ansar, port pratiquement vide, isolé, un quai encore plus haut que celui d'Heraklion en Crète, sans confort... même budget qu'à Al Hoceima mais un commandant de port très accueillant qui n'attend que les plaisanciers !
Nador est aussi une grande ville balnéaire en devenir, avec cette magnifique lagune fermée par un très long cordon de sable qui la borde et l'exploitation de ses possibilités dans un vaste projet touristique de luxe... « La Cité des deux mers » ! Ce méga projet baptisé « Marchica Med » (Marchica voulant, tout comme Morbihan, dire petite mer), offrira, sur 4000 hectares, des résidences hôtelières, des résidences privés, des golfs, plusieurs ports de plaisance mais nous pouvons nous inquiéter du devenir de cette belle lagune, nature encore préservée et des milliards de Dirhams engloutis. Seul l'avenir le dira, tout comme celui de « Saïdia-Med » où nous résidons.
Depuis notre départ, Saïdia s'est encore plus parée de drapeaux, banderoles, affiches à l'effigie du Roi Mohamed VI. Tout semble annoncer une visite prochaine... Viendra-t-il relancer ce projet de Rocade Méditerranéenne qui lui tient à cœur ou tout simplement profiter des plaisirs de la mer ?
Logos attend sagement, seul notre jardin aromatique, pourtant bien irrigué, fait un peu grise mine.
Nous avons parcouru un peu plus de 1500 kilomètres, ramené de beaux souvenirs, apprécié de très beaux sites, rencontré des gens ouverts, avenants. Une petite pause au calme de cette marina sera la bienvenue.
Mais, désagréable surprise en ouvrant le bateau, une odeur d'acide nous alerte... la séquence batteries continue ! Il faut dire que le parc sur Logos est constitué de 6 batteries. Cette fois-ci, Il s'agit d'anciennes batteries achetées en Turquie. Bénéficiant encore de l'assistance de la voiture, nous allons nous mettre en quête de deux batteries neuves, non pas à Saïdia, dépourvue de tout revendeur, mais à Berkhane, gros bourg commerçant à 18km. Peu d'informations, un vague croquis avec de succinctes explications d'Abdullah... « Tu suis une avenue avec des palmiers, quand il n'y a plus de palmiers, il y a le dernier feu, tu tournes à gauche, sur ta droite il y a un magasin ».... Le problème est, qu'à Berkhane, il y a plusieurs avenues bordées de palmiers et que le magasin en question est, en fait, sur la gauche ! Il n'y a que le résultat qui compte, peu importent les demi-tours effectués, nous revenons à la marina avec deux belles batteries neuves, pour un coût moitié moindre de celui de l'Espagne. Abdullah fait semblant d'être admiratif devant tant de débrouillardise, expérience acquise pendant nos voyages !
Nouveau problème, insoupçonné : les anciens branchements ne conviennent pas.
Nous devons rendre notre sympathique Hyundai, c'est donc Abdullah qui, en allant à Berkhane demain matin, nous rapportera les dites cosses.
Jeudi 5 juin 2014 : Saïdia-Med
« Cosse quand tu nous tiens ! »
Confiants, nous flânons tout en évoquant les belles étapes de notre voyage.
Nous attendons sagement les cosses pour pouvoir ranger la cabine et notre loueur qui doit récupérer son bien.
Chou blanc pour les deux ! Abdullah a mangé la commission, quant au loueur, trop occupé, il ne viendra reprendre la voiture que le lendemain et nous la laisse une journée supplémentaire, gracieusement.
Décidément, nous allons connaître la route de Berkhane si joliment pavoisée, elle aussi, de drapeaux royaux, de guirlandes et de policiers. Cette route est, à cette heure avancée, fréquentée par de nombreuses camionnettes, camions, tracteurs aux vastes remorques où sont entassés, debout, des travailleurs et travailleuses agricoles, à l'image des camionnettes pour bestiaux. Berkhane, c'est aussi un grand domaine de production agricole et la capitale des agrumes.
Les cosses sont au rendez-vous chez le marchand de pièces détachées.
Un arrêt au retour au souk de Saïdia où nous avons repéré plusieurs petits tailleurs... 2 euros le changement d'une fermeture éclair de jeans, fermeture comprise, avec le sourire en plus et la volonté d'un travail bien fait...
Curieux de voir l'effet Noël avec toutes ces guirlandes lumineuses, tout comme à St. Cyp pendant les fêtes, nous projetons un sortie nocturne et un dîner dans l'un de ces bouibouis qui bordent le marché et grillent de belles sardines. Une amusante expérience et un bon repas.
Vendredi 6 juin 2014: Saïdia-Med
« Coup de Sirocco !!! »
Cela peut surprendre, mais cette belle et moderne marina est dépourvue de toute commodité pour la ménagère. Pas la moindre machine à laver, ni de lingère, comme en Turquie. Il faut avouer que cette pauvre femme, vu le nombre de plaisanciers, ne gagnerait pas sa vie. Donc, après avoir paradé dans les Riads, il me faut manier les seaux et « ritaliser » Logos, ce que j'exècre !!!
Imaginons que le Roi fasse sa visite aujourd'hui... What a shame !
Une baisse un peu rapide de « mon » baromètre, de ces baromètres de maison qui parlent de la pluie et du beau temps, m'alerte ! Le Capitaine est confiant, de toute façon, nous sommes à quai et s'il fallait qu'il s'alarme à chacune de mes inquiétudes, il serait en tension permanente. Tout à coup, la chaleur se fait plus oppressante, la température monte, un violent souffle chaud s'abat sur Logos. C'est un coup de sirocco, comme dit le Capitaine expérimenté. La pendille est retendue, une longue garde installée, T-shirts et autres linges sont vite rentrés de peur de les voir finir dans l'eau salée ou plein de sable ocre.
C'est maintenant le carré qui se retrouve déguisé en attendant la fin de la colère de Monsieur Vent du Sud. Soudain, changement de direction, un vent plus frais souffle de l'arrière, le linge peut être ressorti mais la chaleur a aussi incommodé l'ordinateur qui se refuse à nous permettre de travailler les photographies du voyage. Que de caprices ! Toujours pas de Roi ! Il faut mettre en place un autre disque dur - heureusement cloné avant le départ - et l’actualiser.
Samedi 7 et dimanche 8 juin 2014: Saïdia Med
« Bien sanglés ! »
Une rapide inspection de Logos, nous avons rendez-vous aujourd'hui pour être liftés, pas les rides mais le bateau. Logos est prêt pour être sanglé et passer son week-end avec ses passagers, accroché au travel-lift, pour subir les bons soins de Pierre, transformé en peinturlureur !
9h30, heure du rendez-vous... personne... 10h... personne ! Reporté à lundi nous annonce Abdullah. Jusqu’au moment où Simo, le responsable technique de la marina et du lift, vient nous chercher, éprouvant la réactivité d'un équipage bien rodé. Après avoir fait son plein de gas-oil au passage, Logos s'élève hors de l'eau. Simo est précis dans ses gestes et très concentré.
Quelques cales de bois, une succincte échelle, nous voici prêts à passer notre week-end de Pentecôte en altitude, bénéficiant d'une vue superbe sur les vagues en rouleaux qui déferlent sur la longue plage.
Pierre se saisit du Karcher, Logos se libère de sa gangue de boue au profit de Pierre qui, à la façon du Carnaval Antillais, se transforme en « Nègre sirop ». Pourvu que l'antifouling noir qu'il passera après soit moins vagabond.
Peu à peu, la carène reprend belle allure, les 5 pots d'antifouling ramenés du Crouesty sont utilisés. Nous voici parés pour la suite de la saison.
Lundi 9 juin 2014: Saïdia Med
« Un jeune marié »
Un dernier coup de peinture à l'emplacement des sangles, il est l'heure pour Logos d'être remis à l'eau et, pour moi, de vivre une nouvelle expérience, celle d'être descendue dans l'eau en même temps que le voilier. Quand je songe aux exigences de notre marina turque. Ici, tout se fait, dans la bonne humeur et une apparente décontraction.
Simo est seul aux commandes de son engin, le geste précis, l'œil rivé sur Logos. Pierre, à terre lui, me regarde lentement descendre dans la darse. Simo me compare à une mariée que les invités portent en procession sur une sorte de trône doré comme celui que nous avons vu dans le souk de Fès.
Il me parle de son propre mariage, très récent, avec Asma « celle qui a un beau visage » (les prénoms arabes témoignent d'une qualité) auquel il aurait eu grand plaisir à nous inviter pour nous faire vivre cette belle expérience. Une cérémonie traditionnelle à laquelle il est difficile de se soustraire, même lorsque l'on est très européanisé... De cinq à sept caftans (ou robes) richement brodés pour la jeune mariée, un habit digne de celui d'un prince des mille et une nuits pour le marié, beaucoup d'argent investi dans un marché très lucratif comme nous avons pu en juger dans le souk de Fès.
Pierre me rejoint à bord, nous regagnons notre appontement N° 267, non loin du voilier Altea et de son sympathique propriétaire espagnol, Alonso.
Nous apprécions notre confort retrouvé. Il ne restera plus à Pierre qu'à nettoyer la partie émergée de Logos.
Mardi 10 juin 2014 : Saïdia Med
« Jargon, style salade méchouia »
Aujourd'hui, passage de la coque à l'acide oxalique, Pierre frotte, encouragé par notre voisin de ponton « Musculos ! Musculos ! ». Il faut dire qu'en bon espagnol, il ne parle que sa langue ! Ce matin nous avons eu droit au récit de son premier voyage avec son voilier acheté à la Société Sunsail à Dubrovnik et ramené seul, sans aucune expérience de la navigation à la voile, sans pilote automatique : non-stop de Dubrovnik à Rome. Parfois il faut savoir croire en sa propre « baraka ».
L'écouter et le comprendre est à notre portée, mais dès qu'il s'agit de s'exprimer, c'est autre chose, il n'y a que Pierre qui sache faire cela, un mélange d'italien, de français, d'anglais, le tout accompagné de gestes évocateurs, une vraie salade méchouia, l'ail excepté naturellement !!!
La coque de Logos retrouve une belle couleur blanche, le voici prêt à poursuivre sa croisière.
Du mercredi 12 au 16 juin 2014 : Saïdia Med
« Crevettes au kilo… »
Nous commençons à prendre des habitudes de sédentaires. Les pêcheurs nous ravitaillent en magnifiques gambas, soles et rougets, le petit centre commercial s'anime, plusieurs boutiques se sont ouvertes pour les futurs touristes : restaurants, marchands de souvenirs. Il va être temps de reprendre notre vagabondage pour découvrir de nouveaux horizons espagnols avant la saison des mouillages-baignades aux Baléares. Dernière nouvelle ! En allant payer la marina, nous apprenons que le Roi a décommandé son séjour ici. Toutes ces banderoles et drapeaux pour rien !
Sa résidence d’été à Saïdia Plage et ses sept camions d’engins nautiques (c'est un fan de jet ski), basés sur un quai de la marina, derrière les pêcheurs, attendront. Rendez-vous est pris avec les autorités, lundi matin, pour les formalités de sortie, vers 9 heures, nous l’espérons pas trop « heure marocaine ». Direction Melilla, l’enclave espagnole.