Mise à jour : 2015

___ Les carnets de bord de Martine___

Année 2010

1ère partie : de Marmaris en Syrie Jordanie

carte

 

Vers 2ème partie : de la Syrie à Marmaris

Du 2 au 9 mai 2010 : MARMARIS - YACHT MARINE.
« Une ambiance Rentrée des Classes »

Au risque de décevoir ceux qui nous croient partis en vacances, le farniente c’était plutôt avant le départ, à « la maison ». Nous voici semblables à des pensionnaires à la veille de reprendre leurs cours. Tout commence au moment où les sacs sont chargés et où, au fur et à mesure, pour cause de poids excessif, il faut se délester de ses livres favoris et de sa garde-robe au profit de matériel dont, cette année, un nouveau panneau solaire qui nous permettra une autonomie plus grande (merci au personnel de Marmara qui, après quelques hésitations, a bien voulu l’embarquer dans l’avion en « très fragile »). Dès l’aéroport, vous commencez à rechercher des visages connus… Seul Bernard, du voilier Barra’k partagera notre voyage jusqu’à la marina. Logos nous y a attendus sagement, tout l’hiver, au ponton Fox Trot en compagnie de sa copine « La Fugueuse ». Erik l’a déjà préparée pour accueillir ses passagers.


  

   

Un grand voilier au nom de conquérant « El Cid » est encore endormi sur son bâbord. Surprise lorsqu’en face de nous, nous découvrons nos amis anglais que nous n’avions pas rencontrés depuis 4 ans sur leur nouveau « Noisette », un superbe Hallberg Rassy. Les sacs sont rapidement vidés, chaque chose trouve sa place, même nos plantes aromatiques embarquées de France, attendues par notre célèbre bac Riviera, un des signes distinctifs de Logos !

À la marina, règne vraiment cette atmosphère caractéristique « rentrée des classe », plaisir de retrouver les visages familiers : « Marchourêve », « Trésigny », « Autarcie » « Bégonia », curiosité vis-à-vis des nouveaux que nous ne tarderons pas à connaître à la cantine où l’on se réserve des tables entre copains ou au cours des apéritifs du soir sur nos voiliers.
La pause est bienvenue après une journée de « travail » mais pendant lesquels chacun expose ses problèmes, qu’ils soient mécaniques ou techniques, recueille les solutions proposées. Pour nous qui avons si longtemps vécu cela, c’est vraiment l’ambiance d’une classe studieuse, décidée à mettre tous les atouts de son côté.


podium

 

Sur Logos, peu de changements cette année, si ce n’est, en pied de mat, un beau « podium » tout blanc destiné à remplacer notre vieux panier percé dédié aux amarres supplémentaires, et à recouvrir le radeau de survie. Il nous permettra de décerner les prochains diplômes aux jeunes visiteurs. Que nos futures sirènes et dauphins se le disent, il y a bien trois marches sur le podium, mais c’est Julot, notre gorille qui sera toujours sur la plus haute car il suit un entrainement intensif, chaque année, depuis 8 ans !

Quant à notre navigation, grâce à notre talentueux Webmaster, elle pourra presque être suivie en live sur le site puisque la position de Logos s’affichera sur l’écran au fur et à mesure de sa progression. Une autre façon de voyager pour ceux qui ne peuvent pas partager notre expérience.
Pierre a maintenant son « Tamagoshi », le nouveau panneau solaire qu’il peut déplacer et orienter selon les rayons du soleil. Pour moi, moins matérialiste, c’est encore un petit rosier rouge qui va être l’objet de soins, espérant lui permettre, une fois la navigation achevée, de prospérer dans le sol breton.
Cette année, première destination : la Syrie où nous souhaitons ancrer Logos et faire un tourisme plus personnel, plus proche de la population syrienne. Certes, nous avons beaucoup apprécié le professionnalisme de Nabil, notre guide syrien de 2008 qui nous a permis de connaitre le maximum de sites, mais « faire » son propre circuit, choisir ses options, prendre le temps d’aller à la rencontre des gens, c’est faire un autre voyage, encore plus enrichissant.

Rendez-vous a été pris avec la Marina de Lattaquié (prononcez Lattakia), seule possibilité d’ancrage en Syrie, après de chaleureux échanges avec son responsable « Ammar ». Nous y resterons un mois pour pouvoir faire nos visites terrestres en Syrie et en Jordanie. Nos amis Clotilde et Yves sur « Bégonia » ont fait le même choix.

 

Lundi 10 mai 2010 : de MARMARIS à GOCEK « Ragged Bay »
« Navigation sous surveillance »

 

« Bégonia »étant retardé, nous allons commencer seuls notre descente vers le Sud. À chaque nouvelle saison, la toute première navigation est un moment de surveillance accrue car il nous faut tester moteur et gréement. Côté moteur, un départ sans problème depuis la marina, salués par les surveillants. Il est 8h30, la mer est encore presque déserte à part un Ketch britannique « MORA of HAMBLE ». Rapidement un petit vent clément nous permet de hisser les voiles « en papillon », autrement dit, voiles croisée sous vent arrière, cette fois-ci sous la surveillance toujours un peu inquiétante de 3 hélicoptères et de deux torpilleurs, présence due à la proximité d’une base de l’Otan. À tout hasard, la VHF est branchée, dès fois qu’ils soient en grande manœuvre. « Pas nous ! Pas nous ! »


Silence radio total qui nous permet de progresser doucement, tellement doucement que le capitaine, craignant de tangonner pour peu de temps, à la manière de « Marchourêve » utilise la gaffe en tangon, mais bien sûr en perfectionnant la technique… peu académique mais efficace, en attendant que le vent ne reprenne un peu de vigueur.

 

Bonne anticipation, bientôt, le vent forcit, mon skipper se met alors à la barre pour éviter les embardées. L’anémomètre monte régulièrement : 15Nd, 20Nd, 25Nd… jusqu’à 32Nd, faisant faire des pointes de vitesse entre 8 et 9Nd à Logos malgré sa carène encombrée d’une épaisse faune développée pendant l’hiver passé dans l’eau… Quelle belle reprise après une longue période de repos !


Nous finirons notre navigation sous génois seul, craignant les effets Venturi du dernier cap, et remonterons ainsi vers l’escale prévue dans la baie de Fethiye. Trois nouveaux navires militaires semblent en embuscade, mais nous laissent gagner notre crique derrière un îlot. Soulagement, elle n’attend que nous. Il est 16h24, nous avons parcouru 38Mn, l’eau est à 22° et nous permet une première mais courte baignade.

 

Mardi 11 mai 2010 : GOCEK : Ragged Bay »
« Pénurie d’oursins »


Nos petites chèvres sont au rendez-vous, le Muezzin de la petite mosquée de Capi Creek, de l’autre côté de la colline, aussi (mais, très discrètement, il n’appelle à la prière qu’une toute petite communauté de fidèles). Seuls les oursins font cruellement défaut ! La température de l’eau, malgré nos shorties, ne permet pas de longues investigations, peut-être avons-nous été un peu trop gourmands l’an passé !
Pierre courageusement va inspecter la coque laissée dans l’eau tout l’hiver. Pas d’algues mais une belle couche de concrétions animales. Il trouvera l’énergie, pendant plus de trois heures, pour effectuer un sérieux grattage, redonnant ainsi une belle glisse à Logos. L’exercice a-t-il réchauffé l’eau qui passe à 23°C ???
La chaleur nous fait apprécier la proximité de l’eau, ne serait-ce que pour une trempette.

 

Mercredi 12 mai 2010 : de GOCEK à CASTELLORIZO

« Le plein de cubis »
 

Les barcasses des pêcheurs sont déjà à l’œuvre à l’extérieur de notre crique. Au levant, la vision des montagnes qui, voilées, semblent sortir de la brume, a quelque chose d’infiniment romantique. Il est 7h30, nous poursuivons notre route vers le Sud avec, pour prochain objectif, la petite île grecque de Castellorizo où nous savons pouvoir faire provision de vin.

spi


Une grande pétole et une forte chaleur m’invitent à une navigation « tricot », jusqu’au moment où Pierre cède à la tentation du Spi ; alors plus question de rêvasser, un Spi cela ne se quitte pas des yeux ! Une heure à surveiller cette immense aile colorée qui cherche à pomper le moindre souffle d’air. Mais il faut bien se rendre à l’évidence… le vent est tombé et, sans vent, pas de voile !
Deux baignades rafraichissantes sont les bienvenues avant une grande manœuvre de pavillon… cela fait désordre d’entrer dans un port grec avec le pavillon turc, surtout si nous voulons être bien accueillis.

 Nous avons parcouru 49 Mn en 9h30, sous une chaleur de plus de 30°C.

castelorizo


Ce petit port d’opérette, aux maisons si joliment décorées, est quasiment désert. La saison commence à peine. C’est donc avec empressement que le propriétaire du restaurant le plus proche « Mavros Athena » prend nos amarres et nous convie au verre d’accueil…

 

Nous le lui règlerons bien entendu, avec le repas de poulpe et poisson pris en terrasse, mais, en échange, nous le solliciterons pour son code connexion Internet.

marchand de vin


Notre vieux marchand de vin accuse maintenant ses 80 ans et serait bien incapable de nous livrer les cubis en barque au mouillage. Nous sommes à quai, donc pas de problème, Logos est bien rempli pour faire face aux consommations futures.

Jeudi 13 mai 2010 : CASTELLORIZO

« Fonctionnaires grecs »

Nous entendons beaucoup parler en ce moment, aux informations françaises captées via l’Internet de Mavros, des horaires et durée de travail des fonctionnaires grecs. Il nous a semblé que la postière de Castellorizo avait la palme avec son bureau de poste bien caché à l’autre bout du port, son lit pour la sieste et sa semaine de 30 heures.

poste

Pour nous, une belle occasion de faire une longue promenade dans un cadre très pittoresque, mais une situation surement dissuasive pour une majorité de clients !
Seules, les allées et venues de quelques bateaux, et l’appontement du ferry en provenance de Rhodes animent ce port qui n’ajoute pas la sécurité à la beauté des lieux tant il est mal équipé et ouvert aux vents extérieurs. Quelle marina de rêve ils pourraient construire… Nous sommes en Grèce ! Pas d’eau, pas d’électricité… mais rien à payer… avantage surement non négligeable… et des commerçants accueillants qui empêchent les Coast Guards d’être pointilleux comme ils savent le faire parfois dans ces îles.

Vendredi 14 mai 2010 : de CASTELLORIZO à FINIKE
« L’équipage s’entraine aux virements de bord »


Nous devons tenir notre timing si nous voulons arriver en Syrie avant la flottille de 70 voiliers du célèbre rallye EMYR, tout en gardant une marge de sécurité mauvais temps. Donc, malgré le retard de nos amis sur « BEGONIA » nous poursuivons notre chemin vers la dernière marina, distante de 30Mn, avant l’embarquement pour Chypre. Une fois l’archipel de Kas passé, justifiant une navigation l’œil rivé sur le sondeur, les manœuvres de voile commencent. Tout y passera jusqu’à notre arrivée : Grand-Voile et Génois, Spi et Grand-Voile, Spi seul, à nouveau Grand-Voile et Génois, moteur et Génois, Génois seul avec virements de bord pour finir sous Grand-Voile seule juste à l’entrée de la marina. Du grand art et, tout cela, pour 4h30 sans moteur !
En prévision de notre prochaine longue traversée, le tank à gas-oil est rempli avant l’appontement. Nous aviserons demain pour l’approvisionnement au marché du samedi mais nous entamons les formalités de départ de Turquie puisque Chypre Nord, bien que d’obédience turque, est considéré comme un état indépendant. Ici, quel que soit le tonnage du bateau, pas question d’échapper à l’agent qui nous taxe de 25 Euros pour effectuer les démarches dans les différents bureaux à notre place. Le coût est raisonnable, la peine évitée non négligeable et les jeunes agents bien méritants. Nous aurons notre « clearance » demain.
Sur notre ponton, un gentil jeune homme danois se lamente d’avoir laissé tomber ses belles et chères lunettes de soleil dans l’eau… Mon Zorro, ému vole ou plutôt plonge à la recherche des lunettes sous le regard admiratif de l’infortuné… moi, je me contente de surveiller… S’il fallait que j’admire à chaque acte héroïque, mon skipper prendrait la grosse tête !!! À force de tâtonner dans une eau semblable à du pastis, triomphant, Pierre remonte de la dernière apnée en brandissant la paire de lunettes et nous regagnons Logos, lestés de deux bouteilles de vin en remerciement… C’est du savoir vivre !

 

Samedi 15 mai 2010 : FINIKE (Turquie)
« Un beau trio se forme »


Une bonne surprise au petit déjeuner, « BEGONIA » nous a rejoints après avoir effectué une route directe depuis Marmaris pour être au rendez-vous. Voici notre duo reformé, duo qui se transforme rapidement en trio puisqu’un voilier ami de Bégonia, « SWANSEA », va suivre la même route que nous jusqu’en Syrie.

trio

Nous profitons de cette journée de liberté pour nous replonger dans l’atmosphère authentiquement turque de cette petite ville de la côte.

finike colombe


Un bord de mer propret avec son beau parc et son avenue bordée de hauts immeubles, et pour nous, ce marché si riche, coloré et parfumé où sont réunis pour la journée tous les petits producteurs de la région. Notre avitaillement en « fraîcheurs »sera vite effectué, il n’y a que l’embarras du choix pour les melons, fraises, cerises, abricots, complété par le rituel gigot et un poulet cuit pour la navigation.
Un apéritif sur « BEGONIA » nous permettra de finaliser notre route sur Girne - prononcez Guirné -(Chypre Nord). Chacun partira à sa guise… peut-être nous retrouverons nous en mer ?

Dimanche 16 mai et lundi 17 mai 2010 : De FINIKE (Turquie) à GIRNE (Chypre)
« Sauve qui pleut… dans la cabine ! »

Un réveil un peu matinal pour un dimanche, puisqu’il n’est que 4h15 lorsque nous nous déhalons de l’appontement, devançant même l’Adhan (l’appel) du Muezzin. Tout le monde dort encore, à part Yves de « BEGONIA » dont l’appontement est déjà vide.

grisaille

Il est vrai que chacun est un peu anxieux de cette traversée un peu longue avec des prévisions météo incertaines, comme l’annonce la grisaille environnante au lever du jour, présageant d’un de ces matins gris où ciel et mer se confondent. Quelques barques de pêcheurs émergent de la brume.

Cap au 109 pour 160 Mn, direction Girne. Dès la pointe de la rade passée, une voile se dessine à l’horizon, c’est « SWANSEA » qui avait, lui, pris l’option d’un mouillage à l’abri du dernier cap pour s’avancer un peu. Nous nous apercevrons longtemps de loin, présence réconfortante dans ce monde de solitude. Nous apercevrons aussi quelques tankers au loin.

mer mer mer


Bien sûr, un impératif : faire de la voile au maximum. Grand-Voile et Génois sont à l’œuvre, quelquefois aidés par le moteur, tant la mer, tourmentée, offre à « LOGOS » une surface hachée qui ne lui permet pas de tracer sa route sans « enfourner »… Résultat, de hautes vagues s’abattent sur l’avant et balaient le pont.

pierre barre

Rien de bien grave, jusqu’au moment « tragique » où, ouvrant la porte de la cabine avant malencontreusement fermée, nous nous apercevons qu’un rideau de mer pénètre dans le bateau à chaque enfournement. Le capot a perdu de son étanchéité pendant l’hiver… Résister à la pluie c’est une chose, protéger de l’assaut des vagues c’est autre chose… Tout commence à baigner : literie, vêtements dans les coffres… Grimaces de la moussaillonne craignant pour ses livres (le linge cela se lave… mais les livres !!!) tandis que le skipper s’évertue à colmater la fuite, tout en recueillant dans un seau (et sur la figure) l’eau qui continue de se déverser à chaque vague enfournée. Une bonne cale sous la poignée de fermeture vient enfin à bout de cette avarie. Il ne reste plus qu’à vider les coffres à l’éponge et au seau. Estomac encombré et oreille interne déglinguée s’abstenir ! Maintenant, malgré les vagues, nous pouvons plus sereinement poursuivre notre route.
La nuit sera calme. Nous avons failli servir d’hôtel à des hirondelles et un moineau, mais leur stationnement sur « Logos » fut de courte durée, sans doute en raison de l’instabilité du bateau due au vent qui fraichit nettement en fin de parcours et aux vagues qui nous accompagneront jusqu’à l’entrée de la marina de Girne.

Les 30Nd de vent nous obligent à un appontement un peu sportif. Les « Sahils » (Garde-Côtes), l’œil inquiet pendant la manœuvre, sont bien heureux de ne pas avoir été dérangés pour ces farfelus de Français. Yves a bien failli les alerter, inquiet de notre retard sur lui mais nous avons privilégié l’usage de la voile et il était parti bien plus tôt ! Mais il faut avouer qu’il y avait de quoi se faire du souci. Même dans le port, le vent souffle toujours violemment. Heureusement, la place proposée est vaste. Malgré le vent, Logos est bien docile en marche arrière. L’assistance sur le ponton, nombreuse et efficace puisqu’Yves, à l’accueil, protège l’arrière de Logos, tandis que Pierre, une fois le bateau dans la place, joue de la pendille et moi des amarres. Nous sommes bien heureux d’être parvenus à bon port après 29 heures de navigation dont 11 à la voile.

marina marina


Le moment de prendre le repos espéré sera retardé par les obligations légales auxquelles il faut satisfaire : visite du douanier, puis du médecin qui me dicte les réponses à donner à un questionnaire (3 NON, 1 OUI… mais à quoi ???), ensuite visite accompagnée à la police du port pour nos passeports personnels, pour finir par notre enregistrement à la marina.
Il est enfin temps, après une rapide collation, de faire une vraie sieste avant de réparer les dégâts de la navigation. Pour l’instant, nous ventilons au maximum, tâche facilitée par Monsieur le Vent qui s’époumone sur nos matelas, soulevant aussi un franc clapot dans le port.
Nous rencontrerons plus tard « BEGONIA » et « SWANSEA » pour échanger nos impressions et projets de visites.

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Mardi 18 mai 2010 : GIRNE (Chypre)
« Pèlerinage au vieux port »


Quelle douce nuit dans une cabine restaurée, soleil et grand vent ayant rapidement séché nos coussins. La literie a été changée et le coffre vidé de ses vêtements (une bonne séance laverie et tout sera oublié). Nous nous retrouvons à Girne, 5 ans plus tard, mais cette fois-ci sans pouvoir jouir en voilier du vieux port historique, réservé maintenant aux locaux et bateaux pour touristes.

Nous nous empressons donc, pour faire ressurgir de belles images souvenir, d’y faire pèlerinage à pied.
Nous longeons le bord de mer où de luxueuses villas ont été construites et seront construites, si l’on en juge par les panneaux alléchants des promoteurs (« Luxury Flats ») assurément très avides de récupérer un jour les vastes terrains encore occupés par l’armée et les casernements. Un programme immobilier qui doit satisfaire Monsieur le Maire, rêvant d’une nouvelle Rome Antique dont le pôle sera ce vaste amphithéâtre bâti face à la mer, à la façon des théâtres antiques.

amphi

La cité de Girne nous apparait comme une ville en pleine expansion, riche de beaux magasins, très vivante. Seul le vieux port, gardé par sa citadelle et ses abords historiques, parle encore de ce lointain passé des galères et navires marchands.

citadelle fenetres

Aujourd’hui, pour cause de grand vent, tous les bateaux-promenade sont restés à quai et leurs patrons essayent désespérément d’appâter de futurs clients. Estomacs fragiles, s’abstenir.
Chypre Nord, c’est aussi le lieu où il faut faire provision de Raki détaxé. « Logos » sera donc alourdi de quelques bouteilles d’apéritif anisé.
L’ambiance à la marina est sympathique et le petit snack, frontière entre le port des ferries pour voyageurs et la marina, nous accueille pour y déguster de bons kébabs et, pour nous, le rituel café turc « Sade » traduisez « sans sucre ».
 Nous emporterons en souvenir la boite distributrice de serviettes, tant convoitée, avec, en plus,  une bouteille de vin et une de raki, cadeaux du patron … Sans doute a-t-il apprécié notre visite ?
En soirée, un apéritif sur « SWANSEA » nous permet de faire plus ample connaissance avec son équipage, pour le moins fort sympathique. Les échanges sont animés, enthousiastes, pleins d’humour et donnent à chacun l’envie de parcourir la Syrie ensemble.

Mercredi 19 mai 2010 : GIRNE (Chypre)
« Bégonia et Logos montent leur ménage ! »


Nous avons appris hier que, pour cause de fête nationale dite « fête de la jeunesse » instituée par Ataturk, toute demande de formalité et dérangement des autorités en dehors des heures de présence obligatoire serait taxée de 50 Euros par bateau…

Nous remettrons donc notre départ pour Lattaquié à demain et acceptons avec joie de partager la voiture louée par « BEGONIA » pour une nouvelle visite de « LEFKOSAS » (Nicosie), en passant par cette superbe abbaye, dite « Abbaye de la paix », refuge des Augustiniens lors de leur fuite de Jérusalem, toujours préservée et enrichie au cours des siècles. Sa situation dans ce cadre exceptionnel lui fait bien mériter ce nom de paisible par la sérénité qu’elle dégage.

abbaye abbaye abbaye abbaye


Une grand-route très fréquentée nous mène à Nicosie, mais la conduite à gauche ne semble pas avoir de secrets pour Yves.

Direction le centre historique qui reste le seul secteur différenciant une grande ville d’une autre. Tout y est : la Camii (Mosquée) Sofia, le Khan (caravansérail), le Bedestan (Hôpital), sauf cette belle cathédrale dont la façade rappelle celle de Reims que nous cherchons en vain… et pour cause, elle se dresse à Famagusta ! Toujours le plaisir de ces ruelles aux petits commerces dans lesquelles on a plaisir à se perdre, espérant s’y retrouver, ce qui n’est pas toujours vrai !

nicosie nicosie nicosie nicosie nicosie

Un arrêt déjeuner dans une gargote nous fait découvrir des tasses réclame pour un café chypriote, le café « CON » ; difficile de résister aux futures facéties bien de chez nous et tout aussi difficile de nous les procurer chez un commerçant. Solution vite trouvée, nous leur avons acheté leur stock (pour une misère) et l’épouse de l’aubergiste s’est empressée d’aller en acquérir de nouvelles « à fleurs » ! Comme quoi il n’est pas difficile de faire plaisir à chacun !

con con

Il sera beaucoup plus laborieux d’échapper au mur qui partage cette ville. Nous sommes à Lefkosas, secteur turc, de l’autre côté c’est Nicosie secteur grec. À l’extérieur de la vieille ville, nous retrouvons les hauts buildings, les imposantes villas, les monuments colossaux, signes de l’enrichissement d’une région. De retour à la marina la mer moutonne à l’extérieur, le vent hurle toujours et élève l’anémomètre à 28Nd, mais sa direction pourrait être favorable à notre navigation.
Les questionnements sont argumentés au diner du soir sur « BEGONIA », les bulletins météo sont analysés, comparés. Mon skipper a décidé que nous partirions demain… Nous partirons après avoir passé une belle soirée entre « amis ». Les amis de voile, ce sont ceux que l’on a croisés il y a quelques années et que l’on a toujours plaisir à retrouver et puis ceux que l’on découvre, par hasard, et avec lesquels l’entente est immédiate, comme si nous nous étions connus aussi depuis longtemps. Chacun a son vécu, ses problèmes, mais ce qui compte dans cette belle expérience, c’est ce que nous vivons ensemble, le moment présent.

Jeudi 20 mai et vendredi 21 mai 2010 : de GIRNE (Chypre) à LATTAQUIE (Syrie)
« Projets de voiles intégrales »

C’est bien décidé, nous quittons Girne aujourd’hui, espérant qu’un bon vent nous mènera jusqu’en Syrie, c'est-à-dire après avoir parcouru, non-stop, 121 Mn. Nulle possibilité de nous ancrer avant, la côte nord de Chypre n’offre pour l’instant, sur cette cote rectiligne, aucun mouillage. Une marina est bien prévue à plus de 40Mn, mais, pour le moment, elle est en travaux. Ce sera sans escale possible ! Rebelote pour les formalités de départ. Impatients s’abstenir. Fonctionnaires plus pro de la cigarette et du café que du clavier d’ordinateur !

9h : Mr. Perkins vrombit et nous permet de sortir juste avant l’arrivée des ferries qui semblent avoir repris leurs rotations… Signe encourageant, le bateau des Garde-côtes, resté au quai pendant trois jours, tempête oblige, sort aussi.

roro

Un bon vent latéral propulse Logos le long de la côte, assez peu investie, dominée par une barrière montagneuse. Nous dépassons allègrement les 6Nd pendant une bonne partie de la matinée sans trop souffrir d’une légère houle et nous hasardons à envoyer le Spi pendant 1 heure pour remplacer le Génois devenu inopérant. « SWANSEA » nous suit de loin.

 

Une nouvelle journée à jouer avec les voiles : GVG, GV-SPI, GV seule à la Mora Mora, Génois seul, allant jusqu’à empanner 5 fois au passage du dernier cap avant la traversée. Par vent insuffisant Perkins viendra assister Gégéne jusqu’au petit matin, mais réglages constants et lumières des tankers ne permettront pas à Pierre de dormir longtemps sur ses deux « écoutes ».

logos logos

 

C’est sous voiles que nous effectuerons la dernière partie du parcours, régatant avec SWANSEA qui, venu à notre hauteur (en s’aidant du moteur) pour échange de photos, n’aura pas le dernier mot.


drapeau

 

Qu’il est bon d’apercevoir le long enrochement qui abrite le port ! Beaucoup de tankers sont en attente, Lattaquié étant le seul port d’importation et d’exportation de toute la Syrie. Nos nombreux appels radios se confondent avec ceux des capitaines des tankers… Attention nous dit Hervé à la VHF, "Votre pavillon de courtoisie syrien est à l’envers !!!" Oh ! Mais les étoiles sont restées sur la bande blanche centrale. L’honneur est sauf ??? !!!

À qui répondent les autorités prévenues par VHF canal 16 ? Un impératif perçu dans la cacophonie des ondes : rejoindre le port des pêcheurs qui abrite la marina. À bâbord toute en entrant, c’est là qu’est le quai d’accueil du SYRIAN YACHT CLUB. « SWANSEA » nous suit sagement et attend que « LOGOS » soit bien amarré après avoir jeté l’ancre (ici pas de pendilles) pour se placer à côté de nous.

marina


Il est 8h30, nous avons parcourus 121 MN en 23 heures, dont 17 de « voile intégral ». Pari tenu ! Un accueil chaleureux d’Ammar, le responsable de la Marina, jeune cadre dynamique, mais une fois de plus, pas de repos avant la visite des autorités.

ammar


Interdiction de mettre pied à terre avant la visite du docteur. Il tamponne immédiatement la liste des passagers ; visite du douanier qui se contente de soupeser un pare-battage (chacun a son truc !) ; visite des policiers. Pas moyen de fermer l’œil, mais une courtoisie qui fait pardonner beaucoup de choses. « SWANSEA » et « BEGONIA » feront face aux mêmes semi-tracasseries réglementaires.

quai jaffa

drapeaux ali

maria

Abrité dans un vaste plan d’eau à l’écart du port, refuge des petites barques de pêche, le « SYRIAN YACHT CLUB » se compose d’un long quai, petit à petit investi par les yachts locaux de toute taille, bichonnés en permanence par leurs skippers : ponts lavés, inox astiqués. Nous voisinerons avec le plus imposant d’entre eux « MARIA VICTORIA » pour notre plus grand plaisir, appréciant les gâteries offertes et surtout les sourires avenants de son propriétaire et de son skipper « Jaffa ». Les voiliers de passage sont encore peu nombreux, mais il semble que beaucoup de voyageurs, encouragés par les échos positifs, s’enhardissent et souhaitent mettre la Syrie à leur programme. Qu’adviendra-t-il de ce petit havre de paix en dehors du temps dans quelques années ? N’y aura-t-il pas une vaste marina dans un ensemble touristique ?

En prévision de la saison, et surtout de la venue du Rallye EMYR, prévue début juin, les jardiniers s’affairent pour nettoyer les plates-bandes et effectuer de nouvelles plantations. Les tables sont dressées près de la future buvette - cafétéria sous les drapeaux des nationalités. La marina semble bien décidée à honorer ses hôtes, sous l’œil vigilant et bienveillant d’Ammar qui a à cœur de nous faire découvrir son pays - non pas seulement comme le cadre de sites prestigieux (Palmyre, Alep, Damas, qui depuis l’enfance ont nourri notre imaginaire), mais comme un pays en marche vers l’avenir, un pays où vivent des hommes… et des femmes bien sûr (quoique cela dépende beaucoup des lieux fréquentés !...).

apero

Nous avons fait l’expérience d’un tour–opérateur il y a 2 ans. Aussi talentueux fut-il, nous sommes alors restés « touristes dans un cocon ». Cette fois-ci, nous allons voyager en vrais syriens (mis à part la barrière de la langue et la demande du passeport à chaque achat de billet, que ce soit la gare ferroviaire ou la gare routière), avec l’accord enthousiaste de tout le clan, soit 8 personnes de bonne volonté !

 

Samedi 22 mai 2010 : LATTAQUIE (Syrie)
« Pas de Jackpot ! »

Ammar nous a bien prêté à chacun 500 SP (Syrian Pounds) soit sensiblement 8Euros, un budget qui nous permettrait de nous offrir 8 taxis pour le centre-ville, 3 billets de train pour Alep distante de 186Km, 2 pantalons légers, 1 repas au restaurant… donc pas de quoi faire face longtemps aux frais que nous allons engager pour nos visites, sachant, qu’ici, la carte bancaire n’est pas encore très prisée, pour ne pas dire refusée, même dans les établissements publics : hôtels et restaurants. Le centre-ville nous semble assez éloigné donc, première nécessité, partir à bicyclette à la recherche d’un distributeur. Sur le trajet, beaucoup de petites échoppes sont encore fermées ; au congé réglementaire du vendredi, s’ajoute celui du samedi, en tout cas pour tout ce qui est administratif. Point de banques ouvertes, à part un distributeur isolé n’approvisionnant que les cartes syriennes.
Après plusieurs tentatives infructueuses, nos cartes étant systématiquement refusées, il nous a fallu avoir recours à un bureau de change et nous délester de quelques Euros que nous gardons toujours en secours.

monnaie

Nous n’aurons, ce jour-là, qu’un vague aperçu de Lattaquié, grande ville portuaire et balnéaire de plus de 360 000 habitants.

Décision est prise de partir demain pour Alep, desservie le matin par un train express, puis par des trains omnibus. Tout le monde dans deux taxis pour aller réserver nos places, sur présentation de nos passeports. L’express est déjà complet, nous gagnerons ½ heure de sommeil.
Les sacs dont vite remplis, l’hôtel réservé, les guides prêts… À nous la grande aventure !

 

Dimanche 23 mai 2010 : de LATTAQUIE à ALEP (Syrie)
« Bout en trains »


6h30, tous sur le ponton, bien décidés à nous fondre dans la vie syrienne… Si l’on veut, car, quoique nous fassions, nous conservons un look touristes qui nous vaut de joyeux « Welcome ! ». Deux taxis nous embarquent pour la gare dite « de Bagdad ». La station est déjà très animée. Nos bagages scannés, nos passeports vérifiés, nous pouvons prendre place dans la voiture N°1 destinée aux voyageurs se rendant à Alep.

train


Comme il s’agit d’un train omnibus, la première voiture doit être réservée à ceux qui descendent en cours de trajet. Si l’extérieur du train est assez peu engageant, notre voiture est relativement confortable et le passage sera lavé, parfumé plusieurs fois pendant le trajet. Chacun a trouvé sa place et se prépare à un long voyage de 4 heures pendant lequel alterneront contemplation du paysage, dans l’ensemble très verdoyant et vallonné, lectures et prises de photographies.

train

Ce trajet est dit le plus pittoresque du réseau ferroviaire syrien. En effet, une fois les faubourgs traversés, ce sont des images champêtres qui apparaissent sous nos yeux : oliveraies où oliviers et vignes en treilles cohabitent, cultures de tabac, de maïs, de pommes de terre où s’affairent des hommes et des femmes, troupeaux de moutons surveillés par un berger bédouin. Parfois le train s’arrête au milieu de nulle part, devant quelques maisons réunies en village pour laisser descendre quelques  voyageurs.
À ces images bucoliques, aux collines verdoyantes que les genêts tachent de jaune, succèdent des images de grisaille. Nous voici parvenus à Alep, l’une des villes mythiques dont le seul nom évoque à chacun ces caravanes venues d’Extrême Orient, chargées de soieries et d’épices. Pour tout le monde, Alep, c’est une ville du passé, avec ses souks, sa citadelle, ses palais… certes, pour le touriste, tout ceci est un enchantement, mais Alep, c’est aussi la seconde ville de la Syrie, en constante compétition avec Damas qui lui a ravi la première place il y a quelques années, une ville tournée vers l’avenir avec sa belle université.
Nous avons retenu un hôtel, non loin de la gare et après avoir, avec un peu de mal, assuré notre retour pour le lendemain soir (certains fonctionnaires voient surement d’un mauvais œil le surcroit de travail que leur donne l’enregistrement de nos passeports) il ne nous reste plus qu’à nous orienter et essayer de nous faire comprendre, si besoin est, pour trouver l’hôtel.

train train


Une fois le parc qui fait face à la gare traversé, la ville s’impose à nous avec ses bruits dominés par son animation, les coups de klaxons nerveux des automobilistes mais surtout par cette multitude d’insectes jaunes, les taxis. Soulagement lorsque nous nous retrouvons en face du TOURISM HOTEL tenu par Mrs Weda. L’aspect un peu vieillot et désuet nous surprend, tout comme nous surprendront les autres hôtels hors des circuits des grandes chaînes hôtelières prisées par les tours opérateurs. Tout semble parler de grandeur passée, avant le règne d’Internet, à l’époque pas si lointaine où il fallait se déplacer pour traiter une affaire et commercer. L’heure tardive nous fera préférer un mixed grill au restaurant de l’hôtel avant de nous lancer à l’assaut de la célèbre citadelle. Deux taxis pour Qalaat Halab. Notre chauffeur, bien que d’un âge avancé, semble passablement nerveux et peu désireux de céder en aucune façon son petit bout de bitume… petit choc de principe, klaxons, insultes. Il y a des moments où vous préférez marcher à pied… Quoi que ! Là aussi c’est du sport, la rareté des feux de croisement vous oblige à vous faufiler entre les voitures.

citadelle citadelle citadelle citadelle citadelle citadelle


La citadelle se dresse, imposante sur son tell entouré d’un vaste fossé que des ouvriers rénovent. Les images mémorisées lors de notre venue en 2008, ressurgissent : la longue rampe menant au bastion d’entrée, les écuries, les salles de garde, la vaste salle souterraine, autrefois citerne. Tout révèle un bel exemple de l’art militaire où puissance, efficacité et harmonie combinées  ont permis aux Mamelouks de repousser toutes les attaques des Croisés, donnant à ce lieu le qualificatif d’imprenable. Un Palais ayyoubide, richement décoré, nous parle d’un passé plus récent. Le chemin de ronde permet une belle découverte d’Alep puisque nous la dominons de plus de 50 mètres.

souks souks souks souks souks


À nous les souks si réputés pour leur authenticité, leurs épices et surtout le célèbre savon dont chacun va s’empresser de faire provision ! Pierre, pour sa consommation personnelle, ira jusqu’à en acheter 5… (et du 7 étoiles s’il vous plait !), plus un offert pour la modique somme de 20 Euros. Choisissons un savon à la tranche vert olive foncé bordée de doré de préférence dans les échoppes en extérieur, moins enclines à pratiquer des prix touristes. La réputée savonnerie Al Jaibaili n’est en activité qu’en période hivernale mais ils nous en ont tout de même vendu un (encore !) et de l’extrait de laurier, base de ce savon si réputé. 

souks souks souks

Dans les souks, il faut apprendre à se frayer un chemin entre les gens tout en surveillant les brouettes chargées de gros ballots de toile blanche et les mini-camionnettes qui circulent dans ces étroites ruelles pour l’approvisionnement des nombreuses échoppes. Vous êtes entrés dans un monde à part qui vous intègre malgré vos différences, qui continue à vivre sous vos yeux. Tout est chatoyant : les étoffes, les bijoux, et contraste avec ces silhouettes toutes de noir vêtues en arrêt devant les devantures ou circulant, visage caché ou semi révélé dans les allées.
Notre journée se terminera dans le quartier chrétien El Jdeidé où, derrière de hauts murs, se cachent de magnifiques palais du XVIIIe siècle.

sissi sissi

Havres de fraicheur et de calme maintenant transformés en restaurants, ils permettent aux dames de se prendre pour de distinguées princesses syriennes, le temps d’un repas.

Le célèbre « Sissi House » étant complet, nous découvrirons sa succursale toute aussi agréable : « Cantara » où nous dégusterons mezzés, viande ou poissons agrémentés d’un vin libanais du Château Ksara.

 

Lundi 24 mai 2010 : d’ALEP à LATTAQUIE (Syrie)
« No Photo !!! »

Chacun a décidé de flâner à sa guise. Pour nous, volonté de compléter notre précédente visite, c’est donc par le musée archéologique que nous commençons, accueillis par de gigantesques cariatides de basalte dressées sur des animaux symboliques tels le lion, le taureau et le tigre. Une invitation à un voyage à travers d’histoire de la Syrie de l’époque paléolithique à l’époque islamique. Nous apprécierons de remarquables statuettes dites de « femmes » dont les seins lourds qu’elles soutiennent presque toujours et le ventre rond symbolisent la déesse mère, commune à toutes les civilisations, symbole de fertilité, des idoles, d’autres statues plus imposantes dont les visages sont parés d’inquiétants yeux blancs, incrustations d’ivoire dans le basalte noir, de somptueux bijoux et des objets de la vie quotidienne comme ces moules à gâteaux ou à pain provenant du site de Mari.
Aussi émouvantes, ces tablettes gravées d’une écriture qui, une fois déchiffrée, ont permis de mieux connaitre la vie des habitants de cette cité. Les gardes sont féroces et surveillent les porteurs d’appareils photo avec une attention particulière.

musée musée musée

Berk ! Les illustrations vont manquer… Quoi que… !
Avant de finir cette journée alépine dans les souks, la proximité du restaurant « Sissi House » nous fait souhaiter une petite pause déjeuner, en amoureux, dans ce lieu prestigieux. De nombreux touristes sont attendus dans le patio. Nous serons donc reçus dans la galerie plus intime, meublée d’acajou où un violoniste nous honore de quelques mélodies.

sissi

 

Nous avions délaissé le « Bimaristan Arghoun », ancien hôpital psychiatrique du XIVe siècle. Une vaste cour sur laquelle ouvrent de petites pièces, sans doute cabinets de consultation où trônent maintenant les mannequins d’anciens docteurs de la science et des vitrines présentant des appareils médicaux.

hopital

Les étroits couloirs qui mènent à de petites cellules laissent imaginer la misère des internés, mais le cadre est beau !
Le retour en train (cette fois-ci l’express, un peu plus cher, mais plus « rapide » : 1 heure de moins) nous permettra de mettre de l’ordre dans nos souvenirs et de confronter nos sentiments. Toute l’équipe semble ravie de l’escapade à Alep et prête, dès demain, à prendre le chemin du Krack des Chevaliers.

herve

Après une soirée apéro sur Logos, les sacs sont rapidement chargés pour une virée de 6 jours. Ceux de Marie-Yvonne et Yvon qui vont nous quitter à Damas ont un petit air de départ.

 


Mardi 25 mai 2010 : de LATTAQUIE à HOMS (Syrie)
« Circuit sur mesure… »


Un circuit en van a été prévu pour gagner du temps et nous permettre de voir le maximum de sites, de Lattaquié à Homs où nous coucherons. Du « tout confort », placés sous la protection du Christ et de la Vierge (notre chauffeur est arménien) nous n’avons qu’à nous laisser porter.

vierge

Il serait inconvenant, en Syrie, de mépriser le site dont ils s’enorgueillissent : UGARIT, là où fut découvert en 1400 AV.JC le premier alphabet sans lequel nous serions peut-être aujourd’hui incapables d’écrire, une série de 30 signes dont l’évolution a conduit à notre propre alphabet.

ugarit ugarit

Du puissant royaume d’Ugarit, il ne reste que quelques ruines certes, mais il faut se souvenir que ce sont les premiers qui ont été capables d’associer un signe à un son, créant par la même occasion les premières notes de musique. Un immense progrès dans le sens de la communication !

APAMEE APAMEE APAMEE APAMEE APAMEE

À APAMEE (ou AFAMIA), nous voici transportés à l’époque romaine et nous prenons plaisir à marcher sur les pas de la belle Afamia, épouse du sénateur Séleucos Ier.

 La ville luxueuse et animée a peu à peu perdu de sa splendeur sous l’influence de nombreux séismes et invasions. Mais, l’image de la longue colonnade reste un enchantement. Quelle variété dans la forme des futs, dans les motifs sculptés !

vendeur

Seul point discordant, les vendeurs de fausses antiquités authentiques et les guides ont troqué le dromadaire contre la motocyclette… Les marchands du temple demeurent, l’exotisme se perd !

noria


Les norias de HAMA, hautes roues de bois qui tournent inlassablement, plongeant leurs godets dans le fleuve Oronte, si prisées par les poètes, offrent une halte pleine de fraîcheur dans cette petite ville provinciale. Pas le temps, dans ce périple, d’y flâner, mais au moins un arrêt sur le vieux pont pour entendre ces « grincements » (en arabe : noria). si caractéristiques.

C’est par le « KRAK des CHEVALIERS » ou « QALAAT’AT EL-HUSN, après avoir fait une pause restauration en haut de la colline sur laquelle fut bâtie cette impressionnante forteresse que nous terminerons nos visites de ce jour.

krack krack krack krack krack

Un sommet parmi les forteresses bâties par les croisés, heureusement préservé par leur vainqueur : le Sultan Baïbars, qui, au lieu de démolir, a su enrichir ou transformer, comme l’Église des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, devenue mosquée par le seul apport d’un minbar et la niche du mirhab. Une fois de plus, l’imaginaire travaille en parcourant ces vastes salles : plus de 2000 soldats, des chevaux, des magasins pour les réserves, pour les armes. Tout semble donner dans la démesure mais aussi l’élégance.

À HOMS, nœud routier, notre chauffeur nous laisse devant l’hôtel, puisque nous poursuivrons notre circuit en car pour nous rendre à PALMYRE. Homs, 3e ville de Syrie, dite industrielle (tout pour dissuader le touriste) mais qui s’est révélée pour nous être pleine de charme, même cet hôtel d’une époque révolue que nous avions réservé pour sa proximité des souks !

homs homs


« Raghdan Hotel » : avec ces hauts plafonds, ces vastes couloirs se terminant en salons au mobilier fatigué mais où nous avons eu plaisir à déguster les délicieuses pâtisseries locales.

hotel


 Une fois les sacs posés, vite une visite aux souks, tellement peu habitués aux touristes que les « Welcome ! » étaient  encore plus chaleureux.

souks  souks  souks  souks


Une seule surprise, un peu décevante, le restaurant en plein air que nous avions choisi, dont l’espace était partagé entre hommes et femmes - exception faite pour les touristes que nous étions, autorisés à nous regrouper du côté femmes !!! Étrange coutume qui nous fera choisir un établissement plus « ouvert »… mais sans alcool. Yaourt liquide en accompagnement !!!

Mercredi 27 mai 2010 : d’HOMS à PALMYRE (Syrie)
« À tombeaux ouverts !!! »

 

Première expérience de la gare routière syrienne, une institution, comme en Turquie, étant donné le peu de kilomètres de voies ferrées.

 

 gare gare gare gare

Dès l’arrivée dans le vaste hall, des rabatteurs des différentes compagnies se précipitent vers nous. Nous voulons « QUADMOUS » pour destination Palmyre !… Pas de problème : enregistrement des passeports, un prix « discount » de I05 SP (moins de 2 Euros) par personne pour un trajet de 160km avec, en prime, une petite bouteille d’eau fraîche par personne. Du surprenant quand on connait le prix des transports en France !

route route

L’autoroute fréquentée par de nombreux camions traverse des parcelles de culture, des zones champêtres où les bédouins souvent sédentarisés continuent à dresser des tentes près de leur maison de parpaings, nostalgiques peut-être du passé, des secteurs industrialisés, des casernements militaires pour finir par un paysage désertique à l’approche de Palmyre.

C’est le début du rêve lorsque l’on aperçoit l’antique cité aux colonnes ocre, rêve interrompu quelques instants puisqu’il nous faut traverser la nouvelle ville à l’importance insoupçonnée pour gagner la gare routière qui  se révèlera n’être qu’un arrêt devant un restaurant (en tout cas pour la compagnie Quadmous !!!).


hotel

L’hôtel Heliopolis en bordure d’oasis nous attend, 4 chambres avec vue sur le site… avantage donné par la connaissance préalable des lieux !

Quel bonheur de retrouver ce site prestigieux, patrimoine mondial de l’Unesco, que nous avions déjà tant apprécié.

palmyre palmyre palmyre palmyre palmyre

Cette fois ci, promenade libre dans ces ruines évocatrices de la grandeur de cette cité sous le règne de l’ambitieuse reine Zénobie. Comment ne pas imaginer cette « ville libre » où les caravaniers faisaient halte sur leur route d’Orient en Occident, où les palmyréniens, riches commerçants, profitaient de ces richesses apportées d’ailleurs (leurs épouses aussi !). Le temple de Baal-Shamin, dieu de la fertilité, le théâtre, la longue colonnade desservant les bains, l’agora, pour finir aux pieds du sanctuaire de Bêl (Zeus ou Jupiter), dressé derrière de hauts murs protecteurs, témoignage imposant de l’importance des cultes en ces temps tourmentés. Tout y est démesuré à l’égal de la crainte de la colère divine.

Rendez-vous a été pris avec un chauffeur de taxi - qui nous véhicule façon TGV (Taxi Grande Vitesse) - pour faire la visite des Tombeaux dressés dans une vallée désertique qui semble conduire  vers l’au–delà. Nous pourrons monter en haut d’un tombeau « tour », grand caveau HLM pouvant contenir plus de 300 sépultures, descendre dans un tombeau « hypogée », en sous-sol, où subsistent encore quelques fresques et statues (difficiles à photographier pour cause de cerbère !).


tombes tompbes tombes  

Nous attendrons le coucher du soleil dans le Château Arabe de Fakhr-el-Din, dominant le site de Palmyre, dressé sur un piton rocheux isolé. Depuis son chemin de ronde, quel panorama enchanteur sur les ruines, sur la vallée des tombeaux et sur la palmeraie ! Toute la grandeur de Palmyre nous est révélée. Nous aurons une douce pensée pour Pauline et Raymond en attendant le coucher du soleil… Que les bulles pétillantes de leur champagne avaient été appréciées en 2008 !

chateau chateau chateau chateau


Le « Traditional Palmyra restaurant » de la grand ’rue nous recevra pour le diner… Lieu sympathique, pseudo bédouin, peut-être un peu trop prisé des touristes.

resto

 

Jeudi 27 mai 2010 : de PALMYRE à DAMAS (Syrie)
« Longue attente sur la route de Damas »

 

palmyre palmyre palmyre


Notre bus pour Damas, annoncé pour 13 heures, nous permet une belle promenade matinale dans la palmeraie où voisinent palmiers-dattiers et oliviers (il nous sera difficile de résister aux dattes blondes de Palmyre vendues en ville), puis un dernier coup d’œil jeté aux ruines, juste pour la mémoire et le plaisir. Le ciel voilé ne révèle plus la lumière de ces pierres ocre. Par commodité, nous avons prévu de déjeuner au snack de l’arrêt de bus, prêts à bondir pour regagner Damas au plus vite et permettre à nos amis de voir cette perle de l’Orient. C’était ne pas connaître les coutumes locales ! De 13h à 16h30 les bus se sont succédé mais aucun n’allait en direction de Damas, surprenant quand on connait l’importance de cette cité ! Nous aurions pu retourner à Homs, nous enfoncer dans le désert… mais Damas ! Certains compatissaient devant notre mine déconfite, d’autres demeuraient indifférents (y compris la caissière de la compagnie).

bus bus bus bus 

Heureusement, un jeune couple de syriens dont la beauté nous avait interpellés (no photo de la ravissante jeune femme, pourtant non voilée mais, subrepticement…) nous a aidés à supporter notre ennui et fait regretter de ne pouvoir vraiment nous comprendre. Que serait la visite à laquelle ils nous ont conviés ? Quel soulagement lorsque nous avons enfin pris place dans un car quasiment vide (effet du jeudi soir, veille de congé ?) pour 235 Km d’autoroute. Pour nous, une route familière bordée par les contreforts de l’Anti-Liban. Pas d’arrêt au Bagdad-Café 69, très menacé par les projets d’installation d’une vaste cimenterie… Dommage, ce lieu avait un certain charme.

La halte au Sultan Hôtel, situé non loin de l’ancienne gare du Hedjaz sera de courte durée. À nous Damas le soir, sous les lumières et la vie encore animée de son souk Hamidieh qui mène directement à la porte de Jupiter et à la place de la célèbre mosquée des Omeyyades.
Marie-Yvonne et Yvon qui sont sur le départ, dans la nuit, ouvrent grand leurs yeux et leurs oreilles pour s’emplir de ce lieu où frémit l’Orient.

dams damas dams damas  damas

Nous aurons même la possibilité de faire notre dernier diner tous ensemble chez Beit Jabri, une superbe maison damascène du 18e siècle, lieu de rendez-vous prisé pour un diner ou un café, tout en fumant le narguilé. Nous non !!!
Nous aurons même la gourmandise de déguster une de ces délicieuses glaces de chez Bakdash, crème au lait travaillée, roulée dans les amandes et la pistache, que tout visiteur à Damas se doit de consommer avec délectation.



damas damas damas damas


C’est l’heure des « au-revoir » avec les Morel-Lab. Merci de nous avoir fait partager votre gentillesse et votre curiosité.
Demain, vendredi, jour férié car jour saint (Syrien), nous poursuivrons notre voyage à six vers le Sud.

 

Vendredi 28 mai 2010 : DAMAS-BOSRA-DAMAS
« Quel théâtre ! »


Un van réservé par notre hôtel (il faut noter la serviabilité de tous les syriens sollicités qui nous assistent avec la même gentillesse que les turcs) nous attend pour un circuit de quelques 300 km, dans la région nommée le Hauran ou Djebel Druze, région fertile mais à grande activité volcanique, frontière avec la Jordanie. La route de l’aéroport, empruntée pour quitter Damas a été nettoyée des bidonvilles où s’entassaient les Kurdes (image peu engageante pour le touriste débarqué de l’avion). Cela explique surement l’expansion immobilière constatée autour des grandes villes.


lave

Nous quittons bientôt l’autoroute pour prendre la direction de Shahba et découvrir une région volcanique où de nombreux blocs de lave solidifiée parsèment le sol ou ont été érigés en murets, à la façon des murets bretons, pour récupérer un peu de terre à cultiver. Nous apprécions l’arrêt devant ce vaste cratère de la Ledja d’où s’élèvent de hautes orgues de basalte surmontées d’un village blanc, image d’une chora grecque.
La ville de Shabba, berceau de Philippe l’Arabe, seul empereur romain arabe, outre ses vestiges, s’enorgueillit de mosaïques abritées dans un petit musée. On y retrouve Orphée et ses animaux, Thétis régnant sur le monde marin, les 3 Grâces et les 4 Saisons… De belles mosaïques certes, mais un musée bien pauvre pour qui a pu admirer les mosaïques de Paphos à Chypre ou celles de Gaziantep en Turquie. Nous pourrons apprécier aussi le sérail de Qanawat, autrefois l’une des villes de la Décapole, comme Damas, mais aujourd’hui un village parmi les ruines.

 

ruines ruines ruines  ruines ruines ruines thetis

Notre chauffeur ménage ses effets en nous proposant de déjeuner avant d’aborder le must du voyage, c'est-à-dire BOSRA. Autrefois, capitale des Nabatéens, annexée par les Romains pour devenir la capitale de la Province d’Arabie dite « Sham » ou « Cham » (Syrie, Liban, Jordanie, « Palestine »). Aujourd’hui une petite ville construite de ses ruines prés de son fabuleux théâtre.
Nous sommes seuls dans ce vaste restaurant pour touristes, exposant artisanat et copies d’antique. Ici pas de problème de mosquée, nous pouvons déguster du vin syrien.

Bosra bosrabosra bosra bosra

 Puis c’est le choc enpénétrant dans l’enceinte du théâtre fortifié. Protégé pendant des siècles par le sable du désert, tout y est encore en parfait état : les gradins pouvant recevoir quelques 8000 spectateurs, le mur de scène de basalte où ne manquent que les statues qui ornaient les niches, les colonnes corinthiennes, les coulisses. Un cadre digne de nos « jeunes apprentis acteurs ». Qui ne rêverait pas de déclamer ici quelques vers de Racine ou d’assister au festival annuel ! (N.D.L.R : Je m’y suis essayé mais personne n’a applaudi, pas même Martine. Pourtant !)

Après cette révélation, il est sans doute difficile de trouver beaucoup de charme aux ruines de la ville antique parfois investies. Nous préférons garder cette vision pleine de grandeur et de puissance.

route


Notre retour s’effectue par l’autoroute qui longe la côte, bordé de vastes domaines agricoles et de cultures sous serres. Sur le bas-côté, des marchands proposent leur production sur de petits étals.


soir 

C’est bien sûr dans le quartier des Omeyyades que nous prolongeons cette journée. Un orchestre joue sur la vaste place « Music on the Road ». Nous tombons rapidement sous le charme de ce joueur de Nay (flute orientale), soutenu par guitare, oud, clavier et batteur. Nous chercherons en vain un CD de ce groupe… et pour cause, il ne s’agit pas du nom du groupe entendu, mais d’un formidable projet, impliquant de nombreux artistes : apporter la musique sur les lieux de vie, partager un moment privilégié avec « la rue ».

soir

Ce soir, encore une demeure damascène pour notre dîner, un palais XVIIIe avec son patio, sa fontaine, ses faïences dans le quartier chrétien de Bab Touma. C’est la princesse syrienne ELISSAR, fondatrice de Carthage qui reçoit !

 

Samedi 29 mai 2010 : DAMAS (Syrie)
« La tentation de l’Oud »

oud

Proche de notre hôtel, le Centre artisanal installé dans une ancienne madrasa (école coranique) nous offre une flânerie dans un cadre plein de fraîcheur et de calme. Ici, d’élégantes petites boutiques aux volets de bois proposent bijoux, tapis, foulards. Un artisanat de luxe pour connaisseurs.
Un luthier est en train d’accorder un OUD, ce luth oriental à la caisse ronde comme une calebasse ; curiosité, intérêt. Nous quitterons cette échoppe avec un bel Oud et le CD d’un joueur réputé. Pas très discret à transporter, surement pas facile à jouer… Il est des coups de cœur que l’on n’explique pas ! (N.D.L.R. : Moi non plus, mais j’aime).

verrier verrier verrier


Au fond d’une impasse, un verrier allume son four tandis que d’autres artisans peignent des verres déjà façonnés de motifs orientaux. Chaque pièce est unique, faite de verre recyclé (collecté puis cassé à la main avant d’être fondu). Rien de grandiose, mais de l’authentique ! Nous reviendrons demain pour voir l’élaboration d’objets : vases, verres, coupes car ce matin le four n’est pas encore chaud.

Puis c’est la course à l’argent liquide… que de distributeurs nous avons tentés infructueusement avant de pouvoir être approvisionnés par une banque privée, la banque "Audi" !

Une nouvelle visite à la mosquée des Omeyyades dont la beauté ne lasse pas.
Pierre en short aura droit à sa jupe longue… un grand moment et des sourires amicaux de visiteurs syriens, tous en pantalon ! Pour moi, je commence à m’empèleriner de bonne grâce !

 damas damas damas damasdamas dams dams


L’intérieur c’est une marée noire, de nombreux iraniens venant en pèlerinage en ce lieu, mais beaucoup de visages découverts sont souriants, comme pour nous inviter à les mieux connaître.
Le mausolée de Saint Jean Baptiste (prophète Yahya), contenant sa tête (?) est embrassé, frotté avec une infinie dévotion et l’on se surprend aussi à devenir religieux dans ce cadre empreint d’une grande force mystique.

;Notre clan va encore s’amenuiser. Nous prenons notre dernier repas avec Ghislaine et Hervé qui vont reprendre la mer sur SWANSEA chez Jasmeen al Sham derrière la mosquée… pas d’alcool, mais un cadre reposant. Nous avons passé de très bons moments ensemble… à renouveler au hasard des navigations ou provoqués en France.

mosquée mosquée


La petite mais si esthétique mosquée Rouqayya, contenant le mausolée de l’arrière-petite-fille de Mahomet, sanctifiée dans sa mort prématurée, nous avait émus. Nous y retrouvons la même ferveur, la même puissance d’émotion.

Ensuite nous allons souker, nous ensouker jusqu’au soir. Tout y passe : les épices, les bijoux, les vêtements, les articles pour mariage, les ornements pour coiffure. C’est une quête infinie d’images, d’impressions, d’odeurs et de visages souriants, empreints d’une grande sagesse.

souks ous souks souks souks souks souks

 

Nous achèverons cette journée très orientale au restaurant Osman Bek, recommandé par notre hôtelier… du grand-touristes avec son open buffet, ses derviches tourneurs et sa danseuse orientale très décente, mœurs syriennes obligent, mais une fois encore dans un cadre magnifique.

derviches derviches derviches

 

Dimanche 30 mai 2010 : de DAMAS à LATTAQUIE(Syrie)
« Écume des Souks »


Une dernière fois, nos pas se dirigent vers le Souk Hamidieh, entrée dans « la ville dans la ville » tout comme la Via Recta. Le week-end syrien est terminé : les administrations sont assiégées, les rues sont embouteillées malgré les dynamiques policiers qui, en jouant du bâton et du sifflet,  essayent de remettre chacun dans le droit chemin. Il faut avouer que les feux sont peu respectés surtout par les très nombreux taxis jaunes.


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Quant au stationnement, il n’est pas certain que les sabots (pas ceux d’Hélène), disponibles immédiatement puisque accrochés aux arbres, pour les éventuels contrevenants seront assez dissuasifs. Faut-il regretter l’heureux temps des dromadaires ?

caftan caftan

C’est toujours avec envie que je contemple ces magnifiques caftans brodés de cette vaste avenue couverte. À qui sont destinées ces robes de princesses ottomanes, faites de brocard, d’argent ou or et pierreries ? Sans doute à de futures mariées ?... elles feront bien d’en profiter car, ensuite, quelle tristesse dans la mise, quelle monotonie… du noir, encore du noir.

femmes femmes femmes femmes

Nous rencontrerons, dans notre flânerie parmi les innombrables ruelles, le superbe Khan Assad-Pacha dont la monumentale porte ouverte nous invite à une visite. Un grandiose édifice de basalte et calcaire, digne du Palais Azem, construit par le même Pacha, caravansérail de luxe avec sa vaste cour surmontée de coupoles, son bassin d’où s’élève un puissant jet d’eau et de très nombreuses pièces en rez-de chaussée et en galerie.
Dans le souk des tissus et passementerie, tout n’est que couleurs chatoyantes...

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Ce rêve oriental serait total si, parfois, de gros cartons « made in China » ne nous ramenaient pas à la réalité. Certes il s’agit de l’Orient, mais nous sommes surement loin des soieries apportées par les caravanes. Ici, c’est aussi l’invasion de la production chinoise… même le car qui nous ramènera à Lattaquié en soirée sera de fabrication chinoise SUNLONG (Shangaï)… du meilleur marché mais du « bon marché » et surement pas un investissement dans la durée : un aquarium construit sur un châssis de camion des années 80 !

 

verre verre verre

Un nouveau détour pour voir notre souffleur de verre à l’œuvre… Un moment plein de magie lorsque, sous les gestes de l’artisan et l’effet de la chaleur, la pâte de verre prend forme, nouveau moment de rêve avant l’épreuve de la gare routière Harasta, surtout lorsque vous ne parlez, ni ne lisez l’arabe.

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Ici c’est du tout autochtone ! (Merci Mustafa Kemal d’avoir facilité notre compréhension en Turquie !). Comme tout finit par s’arranger avec de la patience et la bonne volonté des autres, nous nous retrouvons, bien installés dans un car pour Lattaquié où nous serons accueillis par Ammar et l’équipage de Swansea, prêt à quitter la Syrie demain matin.
Un petit temps « calme » s’impose avant de repartir pour de nouvelles découvertes en Jordanie, cette fois-ci en amoureux.

 


Du lundi 31 mai au mardi 8 juin 2010 : LATTAQUIE(Syrie)
« L’EMYR est là !»

LOGOS a été bien surveillé en notre absence. Placé sous le flanc protecteur de MARIA VICTORIA, notre très gros yacht voisin dont l’équipage et le propriétaire semblent constituer le pôle d’attraction de la marina, il a une place de choix qui facilite notre intégration à la vie de la marina, intégration renforcée après l’invasion des 70 voiliers de la flottille de l’EMYR.


marina marina marina marina marina

Nous sommes de plus en plus choyés, gâtés de douces attentions alimentaires : poissons frits, crudités, pâtisseries syriennes. Ammar, responsable de la Marina et Jaffa, skipper-plongeur de Maria-Victoria viennent avec plaisir faire une pause sur Logos. C’est pour nous toujours l’image d’une belle réussite que d’être acceptés non pas seulement en touriste mais aussi en amis..

patisserie

Seul l’avitaillement est un peu plus problématique puisqu’il faut se rendre en taxi ou en voiture privée au centre de la vieille ville et, plus particulièrement à un petit marché de primeurs bordé de quelques boucheries dont les devantures présentent d’énormes quartiers de viande... carcasses d’infortunés dromadaires, ici aussi prisés que le gigot. Nous opterons pour le gigot à 10 Euros le Kg… Cher en comparaison du pantalon (sans doute chinois !) payé 5 Euros ! Nos sacs seront rapidement chargés de fruits murs à point : cerises, pêches, abricots et de légumes. Pierre ne rechignera pas à jouer le dromadaire « Je bosse pour toi ! » aime-t-il à dire !


marina marina marina

 

La marina se prépare à héberger dignement la flottille de l’Emyr, sous l’œil inquiet de « Léon », le paon mascotte et sa paonne ! Des tables ont été dressées sur la pelouse sous les drapeaux, le bar a été décoré et orné de narguilés.
Les fours à pizza et autres mezzés sont prêts.

Aujourd’hui notre belle tranquillité est troublée, mais l’ambiance très bon enfant et le spectacle donné par ces 70 voiliers arborant leur grand pavois nous font oublier la gêne. Nous avons retrouvé avec plaisir d’autres voiliers connus de Marmaris, engagés dans cette belle aventure.

 

Mardi 8 juin 2010 : de LATTAQUIE à DAMAS

« Des serres, encore des serres »

Nous confions une fois de plus Logos à la bonne garde d’Ammar et de Jaffa. Nous voici partis pour une virée en Jordanie Nord. Un taxi nous attend à l’entrée de la marina. En route pour la gare routière.

billet

Nous sommes rapidement pris en charge, comme toujours, par d’efficaces rabatteurs, empressement dû aussi à nos chapeaux au look touriste. Visages surpris lorsqu’en vrais syriens, nous marchandons le coût du billet… sans doute majoré pour ceux qui ont des dollars plein les poches !... Réduction de 2 euros sur les 8,5 demandés pour nos billets et, ce, pour effectuer un parcours de 348 km…

Imbattable et, en plus, en car dit « VIP » : « I am VIP, I deserve VIP treatment », ce qui implique un autocar mieux suspendu (de préférence un Mercédès), eau minérale, biscuit et bonbon. Notre car jusqu’à Damas sera un VIP un peu défraichi, servant de l’eau du robinet en bouteille - eau que, par prudence, nous refuserons… Pas le moment d’attraper la tourista ! Quelle tranquillité d’esprit lorsqu’on se laisse transporter, sans souci des panneaux indicateurs écrits essentiellement en arabe et des multiples embuscades policières.

Nous traversons tout d’abord une zone de cultures où les serres abondent, une vraie mer de tunnels, avec des îlots d’oliviers et de vigne. Puis alternent de vastes étendues de céréales déjà moissonnées qui s’élèvent bientôt en blondes collines (tells) et des paysages de steppes incultes… Tout juste bonnes pour les troupeaux de moutons.

Un rapide repas de « mensaf » (riz et viande) pris au snack d’une halte routière. Depuis notre départ, pas d’autres touristes en vue !

Voici déjà Damas dont les abords nous sont familiers, la circulation et les bruits de klaxon aussi !

« Sultan Hôtel » près de l’ancienne gare du Hedjaz ! Toujours ce superbe accueil familial (rien que des hommes : 3 générations, plus le petit fils d’une dizaine d’année – et tous parlent français). Cette fois-ci, une vaste chambre sur cour à l’étage supérieur plus favorable à un repos paisible.

souffleur souffleur

L’art des souffleurs de verre nous avait subjugués, c’est avec plaisir et sans doute une arrière-pensée que nous leur rendons une nouvelle visite. Nous repartirons avec 12 verres ballons bleus pour Logos ! Heureusement que nous avions pris un deuxième sac vide ! Ils vont même résister aux voyages aller-retour Syrie-Jordanie-Syrie.

.taxis

Puis c’est l’affrontement de tous les dangers pour regagner le cœur de la cité, tant les véhicules grouillent de toute part, conduits par des chauffeurs assez nerveux. Eux encore ont de multiples grigris protecteurs accrochés aux rétroviseurs de leur voiture… amusant pour des gens imprégnés d’une religion fataliste ! Mais le pauvre piéton qui, en l’absence de passages protégés (un seul souterrain et quelques ponts), aura toutes les malchances de se faire renverser…

Il nous faut compter sur notre bonne étoile et nos jambes alertes jusqu’à l’entrée dans les souks où Pierre pourra tout à loisir se mettre en embuscade, l’appareil photo prêt à shooter, tandis que je contemplerai, en rêvant, ces robes des « Mille et une nuits ».

 glace

Nous céderons bien sûr à la tentation d’une bonne crème glacée chez Bakdash, il n’y a que le premier pas qui compte. !

glace

 

La première fois, nous avons regardé les Syriens et Syriennes se régaler ; la deuxième fois nous avons, nous aussi, dégusté notre cornet, debout dans la rue. Eh bien, aujourd’hui, c’est à l’intérieur de l’établissement que nous savourons notre glace en observant les gens autour de nous : des hommes seuls, des couples, de nombreuses femmes tout de noir vêtues… obligées de lever leur voile (la gourmandise justifie-t-elle cette entorse à la bonne conduite ?) pour manger leur glace.

 

personnage

Toujours ce réel plaisir que procure l’observation des gens, de leurs comportements, en spectateurs attentifs d’une pièce de théâtre… comme l’a si bien dit Shakespeare !

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Mercredi 9 juin 2010 : de DAMAS (Syrie) à AMMAN (Jordanie)

«  À nous l’antique Philadelphia ! » 

Notre hôtelier a aimablement réservé nos places dans le car pour Amman depuis la gare routière (ici « garaj ») de Somariye située en extérieur de la ville. À cette heure, la circulation est fluide, nous sommes promptement déposés devant l’enceinte où se parquent les « Pullmans ». Nos bagages sont scannés (pratique assez bâclée) et, d’autorité, saisis par un porteur avide d’un bakchich. Cette fois-ci nous avons droit à un vrai bus VIP de la Compagnie Challenge et un « steward » très prévenant qui se révèlera très utile aux passages de frontières. Première expérience, la sortie de Syrie taxée de 500 SP (environ 9 euros) pour chacun.

Roi

Notre visa syrien est à entrées multiples donc pas de problèmes pour le retour. Pour l’entrée en Jordanie, c’est plus simple et cela facilite surement la venue des touristes, il suffit d’acheter son visa à la frontière : 10 JD (Jordan dinar) soit 12 Euros par personne (contre 24 Euros pour le visa syrien une seule entrée)… Encore faut-il avoir 24 JD dans sa bourse… Bonne affaire du bureau de change qui prend une confortable commission !

Nous voici admis en Jordanie et, tout de suite, salués amicalement par le Roi Abdallah dont nous croiserons des portraits (parfois avec son fils) dans des tenues adaptées à la circonstance de l’affichage (sites, rues, magasins).

passeport

Il est le 4ème de la dynastie hachémite, digne héritier de son père le Roi Hussein qui a si bien œuvré pour pacifier son pays et le tourner vers l’avenir.

Un avenir qui devient rapidement réalité. De ce côté de la frontière, les dunes du désert se couvrent  de villas et de petits immeubles élégants, groupés en plans harmonieux. Une belle impression de fini, pas de parpaings superposés d’où sortent des piliers en béton armé en vue d’une éventuelle surélévation. Ici, par un décret du Roi, il y a obligation d’achever une construction et de recouvrir les disgracieux parpaings de parements. Pas de nouvelle construction anarchique et la volonté de rénover rapidement les anciens quartiers des villes. Des universités, étrangement bâties au milieu de nulle part, vastes campus à l’américaine, mais coupées de la vie de la ville, tellement loin de ce quartier latin cher à ma mémoire !

Puis l’autoroute serpente entre des collines couvertes de petits immeubles aux parements ocre, une impression de déjà vu, réminiscence de la Jérusalem de la « West Bank » puisque c’est ainsi qu’ils appellent Israël pour ne pas le nommer expressément ! Nous voici parvenus à Amman, capitale de la Jordanie.

En vrais VIP, nous n’aurons pas droit à l’arrêt en gare routière située traditionnellement en banlieue éloignée mais à un arrêt privilégié dans le quartier d’Abdali, en cours de complète rénovation, devant un bureau ultra moderne.

Nous avons retenu un hôtel dans le centre-ville, « Downtown » comme il se doit d’être nommé dans une ville qui veut se donner des airs de ville américaine, avec de hauts buildings et de larges avenues. Pour nous, séjourner au cœur de la vieille ville, c’est être à pied d’œuvre pour nos visites, c’est participer au grouillement de la vie.

 

palace hotel palace hotel

C’est au « Palace Hôtel », dans une impasse, que nous posons nos sacs. Il est surprenant de constater que tous ces vieux hôtels ont gardé pompeusement le titre de Palace. Aujourd’hui il s’agit d’un hôtel pour routards jeunes… et moins jeunes, de toutes nationalités (surement bien noté aussi dans le guide Lonely Planet), proposant des circuits organisés, une batterie de PC pour les internautes et un salon où chacun prend plaisir à se poser.

Pour finir cette journée, nous partons immédiatement à la découverte des sites de la vieille cité et commençons par escalader la colline toute proche (djebel al Qalaa) où se dresse la citadelle, en nous faufilant entre les maisons, certaines bien délabrées, et en empruntant d’étroits escaliers qui nous font parvenir au site, non par l’entrée principale comme des touristes, mais par la « petite porte » comme d’authentiques jordaniens.

Amman Amman Amman

Depuis la vaste esplanade où se dressent encore quelques hautes colonnes du temple dit d’Hercule à cause de l’importance de la main de marbre trouvée là et les vestiges d’un important palais Omeyyade, le panorama offert sur la ville est saisissant, surtout lorsqu’au plaisir des yeux s’ajoute celui de l’oreille au moment de l’appel à la prière. C’est alors un chœur plein de ferveur qui monte vers le ciel depuis les nombreuses mosquées. Nous sommes loin de nos cloches que les insomniaques et la justice font taire les unes après les autres. Ici, pas question de bâillonner les muezzins, même en pleine nuit, ni d’atténuer les watts des hauts parleurs.

 Musée musée musée musée musée musée musée

Bien que démunis de tickets d’entrée, nous sommes admis dans le musée archéologique, avec le sourire et la permission de photographier sans le flash. Cela nous change de certains cerbères ! Quel plaisir de se promener librement en admirant ces étranges statues de chaux plaquée sur une armature de roseaux dont les immenses yeux blancs bordés de bitume semblent vous fixer à la manière des statues égyptiennes. Ces vénérables dames ont plus de 7000 ans et ont rejoint, en ce lieu, un bel Apollon androgyne et une femme tenant un masque du dieu Pan.

D’étranges sarcophages en terre cuite se dressent le long d’un mur, munis d’anses pour le transport, et, pour les plus riches, fermés d’une ébauche de visage. Ils ne sont pas sans rappeler aussi les momies égyptiennes, mais en toute simplicité ! Nous retrouvons ici d’autres fragments des manuscrits de la Mer Morte que nous avions  pu admirer à Qumran (en Israël), lieu de leur découverte dans les années 1950 et les rouleaux de cuivre qui ont servi à les protéger.

Et, plus récentes, de belles verreries soufflées byzantines.

theatre theatre

C’est par la route « légale » que nous redescendons vers l’antique théâtre romain bâti dans le djebel opposé, un bel amphithéâtre qui permet toujours des animations en période estivale. Aujourd’hui, pour seule animation… quelques vers d’Athalie de Racine (c’est mon ancien professeur de français qui serait surprise !). Puis, en longeant d’autres ruines qui rappellent la splendeur passée de Philadelphia au temps de Ptolémée et des caravanes remontant de Petra, nous regagnons les souks et, surtout, un petit marché de fruits et légumes, tout proche de la grande mosquée « Al-Husseini » qui résonne des appels joyeux de chaque commerçant (cela change du muezzin !).

souks souks souks

Notre diner chez « Jabri » n’aura rien de commun avec le repas pris à « Jabri House » de Damas. Une vilaine tambouille pour un prix prohibitif dans un cadre ordinaire. S’abstenir !

Nous avons retenu le circuit des Cités de la Décapole pour demain. Il est temps d’essayer de prendre un peu de repos malgré le bruit de la rue, un peu trop présente sous nos fenêtres (ici la clim fonctionne mais pas de double vitrage !).

 

 

Jeudi 10 juin 2010 : LES CITES DE LA DECAPOLE

« Préservée par le sable »

La Décapole était une confédération de dix opulentes cités libres, de l’époque gréco-romaine, leur permettant de préserver leur richesse et d’entretenir mutuellement des relations privilégiées. Si Philadelphia et Damas en faisaient partie, c’est surtout à Jérash et Gadara (l’actuelle Umm Qais) que l’on se réfère maintenant.

Umm Umm  Umm

Notre circuit de 287 km dans cette région qui fut fertile en tout temps, irriguée par le Jourdain et l’eau du Lac de Tibériade, commencera par la ville d’Umm Quais.

Umm

Carrefour stratégique entre la Jordanie, la Syrie et Israël, trois pays que l’on peut embrasser du regard depuis la colline où se dressait l’antique Gadara, sorte de poste frontière alliant richesse commerciale et richesse intellectuelle. Opulente ville-romaine sous Pompée comme en témoignent le théâtre de basalte, les vestiges des thermes et les larges « avenues » (decumanus) bordées d’anciennes échoppes, Gadara garde le souvenir du passage de Jésus.

Umm

 

C’est ici que, croisant deux possédés du démon, Jésus les exorcisa en transférant les esprits malins dans un troupeau de près de 2000 porcs qui se trouvaient là. Que pensez-vous qu’il arriva ?..Les porcs se précipitèrent du haut de la falaise dans le lac de Tibériade… Si musulmans et israélites bannissent le porc, heureusement que les chrétiens ne se sont pas sentis concernés par ce miracle. Les porcs se seraient alors considérés comme bien inutiles sur terre ! Anéantie par deux tremblements de terre, c’est des ruines que renaitra Gadara, sous les Mamelouks qui n’hésiteront pas à utiliser les blocs de basalte d’un autre théâtre pour construire leurs maisons, Ce village ottoman, abandonné à son tour, dégage quelque chose de romantique.

chateau chateau

Sur notre route, en descendant sur Jerash, Qalaat Rabadh se dresse sur une colline boisée, forteresse musulmane appartenant à la petite ville d’Ajlun. Nous voici transportés au temps des Croisades et de Saladin. Ici, il s’agit d’un neveu de Saladin, désireux de freiner l’ardeur conquérante des Croisés. Un emplacement stratégique, une puissante bâtisse capable de résister aux plus violents assauts, et de soutenir un long siège.Un système de rigoles permettait de filtrer puis conserver, dans un vaste bassin intérieur, l’eau de pluie. De très belles salles sont éclairées par des puits de lumière et des spots intégrés au sol et, une fois encore, un gigantesque panorama sur la vallée du Jourdain s’offre à nous.

Et puis, comme disait Nabil : « la crème de la crème ! » : Jerash, cité dont l’importance égale celle de Palmyre, magiquement préservée par le sable pendant des siècles jusqu’à sa découverte au XIXe siècle.

Ici, c’est du grandiose, et ce dès l’entrée, par l’arc de triomphe d’Hadrien, élevé ici pour honorer le seul séjour hivernal de l’Empereur ! L’hippodrome nous est interdit pour cause de spectacle de course de chars… Pour le prix d’entrée sur le site, le spectacle aurait pu être offert. Bien sûr, pas question de s’approcher, ni de prendre des photos, des cerbères grimaçants veillent, mais il en aurait fallu plus pour dissuader le reporter…

 

 jerash jerash jerash

Une rapide montée jusqu’au temple de Zeus, en visitant au passage une longue salle voutée où sont présentés de superbes chapiteaux de colonnes, des parements de murs encore colorés d’origine et quelques mosaïques. Une longue pause en haut de l’escalier monumental pour admirer, en contrebas, l’élégance de la « Place ovale » et de la longue avenue au pavage d’origine « Cardo maximus ».

Pas de ville digne de ce nom sans théâtre, nous nous contenterons du théâtre sud où des joueurs de « Nay » (flute de roseau) et de tambours tentent de glaner quelques dinars en faisant vibrer l’acoustique du lieu.

 

musee theatre musee musee

La place ovale ou forum est une pure merveille architecturale par l’élégance des colonnes en arrondi et la perspective donnée par le dallage. Après une brève visite au petit musée archéologique, nous n’irons guère plus loin, tant la forte chaleur a eu raison de notre belle ardeur et nous contenterons, assis à l’ombre (rare) de quelques arbustes, de contempler ce site exceptionnel. Une visite à faire à la fraîche, tôt le matin…mais qu’aurions-nous alors pensé des autres sites, tant celui-ci est remarquable ?

Jerashjerash jerash jerash jerash jerash jerash jerash

Le jeune routard, médecin urgentiste croate avec lequel nous avons partagé le tour, nous a recommandé une gargote proche de l’hôtel : chez «  Hachem ». Du tout local : menu de falafels (beignets) et frites, et une clientèle toute aussi locale ! 5 euros pour deux, y compris les deux bouteilles d’eau (pas question ici de boire du vin… une belle cure de désintoxication !).

 

Vendredi 11 juin 2010 : LES CHATEAUX DU DESERT

« Sur la route de l’Irak »

Nous nous serrons un peu dans la voiture puisque Jonathan, jeune étudiant « New Yorkais »(ne pas se tromper, un New Yorkais, n’est pas un américain lambda), spécialiste en religions comparées s’est joint à notre trio pour un périple de 260km dans le désert jordanien nord en direction de l’Irak et de l’Arabie Saoudite.

panneau

Un étrange sentiment nous saisit en lisant les panneaux routiers. On aurait presqu’envie d’aller voir plus loin… Mais là, pas question de visa délivrés à la frontière… Seules des permissions exceptionnelles sont accordées par les Ambassades.

Il faudra nous contenter de parcourir ce désert pierreux, couleur de grisaille, jalonné, dans les environs d’Amman, par d’importantes exploitations minières. La route rectiligne, parcourue par de nombreux camions est jonchée de gros pneus éclatés.

Émerveillement lorsqu’on aperçoit un groupe de dromadaires ou un troupeau de moutons à la recherche d’une maigre touffe de végétation - même les campements bédouins semblent avoir disparu

chateau.chateau 

Tout à coup, alors que le désert prend des tons mêlant le gris, le beige et le blanc, se dresse une étrange construction de pierre ocre, une élégante bâtisse construite pour le plaisir de Walid Ier, calife Omeyyade.

Il s’agit du Qasr al-Kharaneh, résidence occasionnelle, comme tous les autres châteaux du désert de cette puissante dynastie des Omeyyades installés à Damas. Il y en aurait eu un tous les 15km ! S’agissait-il, comme au temps de Louis XIII, d’échapper à l’étiquette trop stricte du Palais en allant se réfugier dans un pavillon de chasse des marécages de Versailles. Ici bien sûr, point d’eau courante, mais d’astucieux moyens de conserver l’eau de pluie ou de creuser des puits profonds.

Peut-être était-ce aussi un moyen de se rapprocher des chefs des tribus bédouines et de les honorer, pour mieux les asservir, permettant ainsi aux caravanes de trouver quelque abri.

 peinture peinture einture peinture

Le Quaayr Amram, réduit aujourd’hui à son seul hammam, évoque plutôt des lieux de plaisir où tout était permis, loin des rigueurs de l’Islam, comme en témoignent de magnifiques fresques classées au Patrimoine Mondial de l’Unesco, à la gloire du corps féminin. Ici, pas d’iconoclastes qui auraient pu détruire un témoignage vivant de la vie au VIIIe siècle, et nous priver de ces visages dignes de nos peintres « modernes »du XXe siècle.

chateau chateau

Nous poursuivrons notre incursion dans le désert jusqu’à l’oasis d’Arzaq rendu célèbre par sa forteresse où séjourna Laurence d’Arabie en 1917, peu avant de lancer une offensive victorieuse sur Damas. Ici, c’est du tout militaire, un bastion pour soldats et chevaux, une place forte dans un oasis bienveillant. La petite ville d’Arzaq vit des transporteurs routiers qui relient commercialement l’Irak aux autres pays arabes, mais pourra-t-elle survivre au tarissement des sources voisines ?

Sur le chemin du retour vers Amman, deux autres « châteaux » nous sont offerts… Nous n’aurons pas été privés de désert !

Une nouvelle gargote très animée pour le diner : turkisk pizza pour moi et kébab pour le chef (N.D.L.R : le « chef » qui, pour honorer la Jordanie, a tout de même réussi à passer une nuit sur … « le trône »)… Il m’a fallu venir ici pour connaître ces délicieuses pizzas fourrées de viande hachée ! Une belle ambiance familiale et encore un lieu prisé des habitués et des routards… Toujours 5 euros, mais avec, en plus, un bon yaourt !

Une belle animation à l’hôtel… devant l’écran de télévision… Match : France / Uruguay. Oh là, là ! Va-t-on encore pouvoir décliner notre nationalité demain ?

 

Samedi 12 juin 2010 : CIRCUIT DE LA MER MORTE

« Une mine d’or bien exploitée »

C’est en compagnie d’un sympathique couple de jeunes russes : Irina et Serguei que nous allons effectuer ce dernier circuit. Heureusement que nous avons tous l’anglais pour nous exprimer et nous comprendre… avec plus ou moins d’aisance !!! (N.D.L.R. : Qui doit se sentir visé ici ?).

Direction le Sud-Est d’Amman, proche du Jourdain, de ses sites bibliques et de la Mer Morte. Notre première étape, Madaba, nous permet de découvrir une petite bourgade très touristique si l’on en juge par les nombreuses boutiques  proposant artisanat et mosaïques de tout genre. Ici, en matière de mosaïques, on restaure, on crée et on enseigne depuis l’époque byzantine où Madaba était déjà célèbre pour son école de mosaïstes. Créer une mosaïque, c’était une façon de raconter une histoire, de fixer un paysage, des visages presque pour l’éternité.

C’est ce que semblent avoir voulu faire les artistes qui, au VIe siècle, ont dessiné à l’aide de milliers de tesselles, la mosaïque de la carte de la Terre Sainte, alors pavement d’une basilique byzantine. Elle était destinée aux pèlerins qui se rendaient aux Lieux Saints. La basilique en ruine a été remplacée par l’Église Orthodoxe St. Georges.

mosaique 

La mosaïque initiale, longue de 16 mètres dit-on, a été réduite des ¾ (méfaits du temps et des ouvriers) mais nous découvrons ici un document géographique précieux.

mosaique

Quelques autres mosaïques ont été regroupées près des ruines d’anciennes églises, telle l’église de la Vierge et celle du Prophète Elie. Rien de très transcendant pour celui qui a connu les mosaïques du Bardo ou, plus près d’ici, celles de Gaziantep (Turquie).

Madaba, situé sur la Route des Rois, route qui n’a de royal que le fait qu’elle suit l’itinéraire emprunté par les Hébreux de l’Exode pour gagner la Terre Promise, nous mène tout naturellement au site du Mont Nebo.

nebo nebo nebo

C’est là que Moïse rendit son bâton de pèlerin et son âme aussi puisqu’il avait accompli sa mission, non sans avoir, comme nous l’avons fait, contemplé le vaste panorama sur la Terre Promise. Pas de recueillement possible, le succès de ce lieu devenu important lieu de pèlerinage et sa consécration par le Pape Jean-Paul II, entrainant la construction d’une gigantesque basilique : chantier interdit ! Tant pis pour les autres, nous au moins nous avons connu le Mont Moïse, dans le Sinaï !!!

Une pause détente et repas nous avait été annoncée au bord de la mer Morte. Une descente vertigineuse de 1200 mètres (800 jusqu’au niveau de la mer théorique et 400 de plus pour être au bord de la Mer Morte) dans un paysage aride vers cette grande étendue bleue dénuée de toute vie.

Un seul accès possible : « Amman Tourist Beach » dont l’entrée vous coûte déjà, par personne non jordanienne 15JD (soit 18 euros) contre 10JD pour les jordaniens. Une discrimination déjà notée dans les musées jordaniens et syriens. Agit-on de la même façon en Europe ? De toute façon une augmentation constatée de 50 % en un an !

Une belle arnaque favorisée par le fait que vous ne pouvez accéder à la Mer Morte nulle part  ailleurs, les autres accès étant réservés aux grands hôtels qui poussent comme des champignons. Quand nous pensons que la plage du côté Israélien était gratuite !

mer morte ermorte mer morte mer merte mer morte mer morte

Heureusement, nous nous consolons par un bon bain régénérateur dans cette mer de sel et jouons les bouchons en prenant bien garde de ne pas éclabousser nos yeux, ni boire la tasse. Monsieur Jordanien en fait de même mais Madame ne fait que tremper ses doigts, dégantés pour l’occasion.

Une vaste piscine d’eau douce nous permet d’effectuer quelques brasses, prémices de nos futures baignades. Mais nous piquons une colère en constatant qu’aucun moyen de restauration n’est offert, sauf un vaste restaurant pour groupes de touristes pratiquant des prix élevés (exclusivité oblige !) pour un banal buffet !

Si encore nous avions pris nos œufs durs, régulièrement négligés aux petits déjeuners. Il nous faudra, à contre cœur débourser nos 30 euros !

casqu

Nous aurons quelque succès pendant notre promenade du soir et les habituels « Welcome ! Where from ? » Lorsque Pierre à cette rituelle question répondra : France : 0/0 (tout le monde sourira de ce piètre score en ajoutant, le pouce dirigé vers le bas : « Football, France : very bad ! ». Mais pas question de parler de ces contrariétés aux policiers coiffés d’un casque paratonnerre, trop occupés à verbaliser les contrevenants.

 

Dimanche 13 juin 2010 : d’AMMAN (Jordanie) à LATTAQUIE(Syrie)

« Logos, nous revoici »

beurre

Dernier petit déjeuner jordanien dont nous apprécions le carré de beurre « Vache de Paris »… Est-ce un signe de qualité, tout comme ce café appelé « Librairie de Paris ». Nous avons un peu fait vétérans dans ce monde de jeunes routards, mais l’ambiance et l’accueil ont été superbes.

Un lieu à recommander pour qui ne craint pas les bruits de la rue et les haut-parleurs des Mosquées !

Nous allons regagner Lattaquié en emportant de la Jordanie, outre les sourires accueillants des gens croisés, l’image d’un pays en progrès. Grâce aux relations pacifiques entretenues avec les pays voisins et la continuité politique, la Jordanie peut miser sur l’avenir et donner la belle apparence d’une occidentalisation prometteuse et rassurante pour les étrangers.

depart depart depart

Une fois de plus, notre présence semble un peu anachronique parmi ces nombreuses femmes voilées, dont seuls les yeux nous sourient qui, avec leurs enfants, ont pris place dans le bus VIP pour Alep. Nous les quitterons à Homs pour notre correspondance sur Lattaquié.

Une belle route de désert jusqu’à Dana’a, frontière  avec la Syrie. Pas de contrariétés, des formalités simplifiées et une visite à la boutique Duty Free Shop grand luxe du côté jordanien pour y dépenser nos derniers dinars, précautionneusement mis de côté pour acquitter la taxe de sortie…Bonne nouvelle, elle a été supprimée.

Fort judicieusement cette fois-ci, nous avons emporté les rituels œufs durs et fromages style vache qui rit. Aucun arrêt jusqu’à Homs ne nous permettra de nous restaurer. 260 km à somnoler, observer et essayer de comprendre l’éternelle série télévisée projetée dans tous les Pullmans. Nous avons beaucoup de progrès à faire dans la compréhension de la langue arabe !

14h55 : Homs. Nous ne serons que trois à descendre. Pas le temps de flâner, le bus pour Lattaquié part à 15h. C’est du vite embarqués . Pas du grand luxe mais un environnement rassurant de militaires plus ou moins étoilés et un nouvel épisode du sitcom !

17h30, nous retrouvons Logos dans une marina vidée de tous les voiliers de l’Emyr, accueillis par les saluts des Syriens, habitués de la Marina. Dommage que nous ne puissions converser, car pour eux nous faisons partie de leurs familiers. Coupe du Monde oblige, un écran géant a été installé sur la pelouse du restaurant.

Nous avons parcouru 1770 kilomètres et allons pouvoir songer à regagner les côtes turques pour la saison estivale en emportant de beaux souvenirs de notre séjour. Nous nous sentons enrichis de la rencontre de gens à la culture autre, ouverts, avenants et infiniment sensibles à l’intérêt que nous avons porté à leur pays et à eux mêmes. C’est toujours une belle expérience que d’ouvrir tout grand sa fenêtre.

>>> Vers 2ème partie : de la Syrie à Marmaris

 

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