Mise à jour : 2015

___ Les carnets de bord de Martine___

Année 2008

Année 2008 : 2ème partie : la SYRIE

Vendredi 23 mai 2008. De Larnaca(Chypre) à Damas (Syrie)
« Ne rien oublier »
Les sacs sont prêts, le frigidaire est presque vidé. Il ne nous reste qu’à attendre l’heure de départ de la marina pour l’aéroport, fixée à 19h30, par taxis individuels. Il nous tarde maintenant de poser le pied sur le sol syrien… Une heure d’attente supplémentaire à l’aéroport, décidemment Cyprus Airlines surtaxe, mais ne tient pas ses horaires.

23 heures, nous débarquons à Damas, sous haute surveillance… Des flics partout, en uniforme, en civil. Difficile d’échapper à leurs regards scrutateurs. Heureusement « Nabil » notre guide est là pour effectuer les démarches d’obtention de visa, favorisées par l’envoi via internet de photocopies de nos passeports.
Résultat, lorsque nous arrivons à notre hôtel, en sortie d’aéroport, « Ebla Sham », malgré la magnificence de cet hôtel, pas le diner prévu à cause d’une arrivée trop tardive… est-ce de notre faute ?... Nous devrons nous contenter d’un verre de jus de fruit et d’un biscuit !!! Et attendre le petit déjeuner du lendemain.


Samedi 24 mai 2008. SYRIE : Damas
« Sur le chemin de Damas »
Après une douce nuit et un petit déjeuner, que nous préférons continental, nous abordons Damas par les faubourgs miséreux habités par les kurdes. Les bagages déposés à l’hôtel Fardoss, bien central, la visite de Damas, dont le seul nom parle d’Orient et de Nouveau Testament, peut commencer. Damas, l’une des 4 villes saintes selon Mahomet avec Médine, La Mecque, et Jérusalem, le point de départ de l’Évangélisation.

C’est par un circuit en car que nous appréhendons Damas. Nabil dans son « langage » (70% d’anglais, 30% de français) nous présente les ambassades, les grands hôtels situés dans de vastes avenues arborées, une image de la Syrie tournée vers le futur, vers le progrès, une Syrie ouverte vers l’Occident. Damas n’a-t-elle pas sa Place de l’Etoile avec la Place Omeyade surnommée « Oh my God Square » tant la circulation y est dense et rapide. Toutes sortes de véhicules se pressent, de nombreux taxis jaunes, des taxis collectifs surnommés « rats », des « chicken vans », sorte de taxico aux décors farfelus et de nombreuses voitures de la marque Sham, fabriquées en Syrie avec l’aide de l’Iran.

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Nous commençons la découverte de la Syrie dans sa longue histoire par le Musée Archéologique (No photo ! mais Pierre, « déclic furtif », n’a pas pu résister, moyennant bakchich) : 33 civilisations, 3000 sites archéologiques recensés à ce jour et témoignant du rôle joué par ce pays, carrefour de grands courants. Une façade un peu kitch, reconstitution de la façade d’un château omeyade du VIIIe siècle, puis une belle visite dans le temps et l’espace. 2000 ans av. J.C : Ougarit avec les tablettes d’argile recouvertes d’une écriture cunéiforme représentant le premier alphabet connu et les premières notes de musique, des statues dont celle du dieu Baal et la tête en ivoire d’un prince; Mari, site sacré ayant offert de nombreux exvotos ; Palmyre avec sa mosaïque « Le mythe de Cassiopée » et son art funéraire : statues de femmes élégamment vêtues ornant des stèles, salle souterraine où un fragment de cimetière a été reconstitué, un mur à cases, un peu à la manière du cimetière d’Argelès mais joliment orné du buste de chaque défunt ; Doura Europos et ses peintures murales ; Ebla pour finir par l’art islamique illustré par la splendide statuette de céramique du cavalier Al Ragga aux traits asiatiques.
Second arrêt près de la statue équestre de Saladin, à l’entrée des Souks, pour nous permettre de gagner la Mosquée.

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Ommeyade… interdiction de flâner, « keep walking », le shopping sera pour plus tard. Il nous faudra apprendre à composer avec notre « dictateur démocratique », mais ne sommes nous pas venus pour « donner priorités aux priorités !» et voir « la Crème de la Crème ! » (Notre guide dixit.).

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Au bout des Souks, de hautes colonnes antiques ayant appartenues à un ancien temple romain. Étrange vision avec, derrière, le vaste portail de la Mosquée Ommeyade, immense lieu de culte dans laquelle nous accéderons par le côté après avoir revêtu la galabieh beige, tenue obligatoire pour les femmes… Que pas un cheveu ne dépasse ! Cela me choque toujours un peu surtout lorsque je rencontre ensuite des hommes en short et tee-shirt nonchalamment étendus sur les tapis, à l’intérieur de la mosquée. Est-ce vraiment écrit dans le Coran ?

Heureusement, la Mosquée est une pure merveille avec une vaste cour à colonnade au milieu de laquelle trône une fontaine. De splendides mosaïques ornent la façade d’une porte. Tout y est grand, majestueux et harmonieux, une impression encore renforcée par la beauté de la salle de prière qui prend des airs de cathédrale avec ses rangées de colonnes superposées. Un mausolée est l’objet de dévotions de la part de musulmans mais aussi de chrétiens. Il s’agirait de la tombe de Saint Jean Baptiste.
Dans une ruelle proche, un discret et élégant restaurant nous accueille : « Al Rawali », ce qui veut dire « les jours heureux dont je me souviens ». Le cadre est superbe, style mauresque avec un vaste patio où est dressée une grande table. Nous découvrons notre premier repas « Mezzés » accompagné d’un rafraichissement citron-menthe… sympa. Nous avons cette fois-ci l’autorisation de flâner un peu dans le marché aux épices aux senteurs tellement prometteuses et évocatrices de voyages lointains.

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 Damas, c’est aussi la ville où Saul, aveugle, a retrouvé la vue grâce au chrétien Ananias qui, en le baptisant, en fit « Paul, l’Apôtre des Gentils » et le plus ardent propagateur de la foi chrétienne.
La visite de la Chapelle Saint-Ananias finira notre première approche de Damas. C’est une église souterraine, où, ce jour, est célébré un mariage. Nous nous faisons discrets dans la crypte, mais profitons pleinement de l’orchestre mexicain qui accueille les mariés dans la cour supérieure après la cérémonie.
Avant de regagner notre hôtel, une vue panoramique nous est offerte depuis la colline qui domine Damas, celle-là même où Caën aurait tué Abel. La plus vieille cité du monde s’étale à nos pieds… Des masures ont investi les pentes de la colline, domaine des réfugiés kurdes.


Dimanche 25 mai 2008. SYRIE : de Damas à Palmyre.
« En route pour le désert »
Nous voici partis pour 240km vers l’est pour rejoindre la mythique cité de Palmyre, bâtie dans le désert par la reine Xénobie. L’autoroute Damas - Alep nous permet un dégagement rapide de la capitale… rapide si l’on veut, puisque la vitesse est limitée à 70kmh pour un car, 90 pour un véhicule privé… Pierre aurait toutes les malchances de se retrouver en prison pour 3 mois ! Un embranchement à droite et après une zone industrielle très polluée par des cimenteries, le désert s’offre à nous, non pas ce désert de sable blond qui sollicite l’imaginaire mais un désert pierreux, une espèce de steppe caillouteuse grisâtre. Ça et là, des oasis artificiels, l’utilisation de pompes à eau facilitant l’implantation de palmiers. La création de ces espaces de verdure fait partie d’un grand plan pour la préservation d’un environnement dont commence à se préoccuper sérieusement le Gouvernement Syrien.

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 Peu à peu, le relief s’accentue, des collines se dessinent, nous voici parvenus à la halte de Bagdad Café, ainsi nommé d’après le film américain dans lequel le Café est situé sur la vraie route de Bagdad. Difficile d’imaginer que 2 mois auparavant la route était coupée pour cause de neige. Nous rencontrons nos premiers chameaux destinés au tourisme ou à l’alimentation, les caravanes pour le commerce ayant totalement disparu. Une ligne de chemin de fer suit la route et permet d’acheminer les phosphates extraits des gisements.
Quelques bédouins s’efforcent de vendre aux touristes de passage galabiehs, chèches ou fossiles de coquillages. Nous nous contenterons d’un thé à la menthe, piètre gain pour la communauté


C’est d’un point de vue sur la route du château dit « arabe », que nous découvrons le site de Palmyre, ville légendaire qui évoque les caravanes chargées d’épices et de soie à l’orée d’une imposante palmeraie favorisée par une source abondante. De nombreuses colonnes sont dressées vers le ciel, près d’un gigantesque bâtiment.
Tout est couleur ocre et semble se fondre dans le désert. Il nous est difficile d’imaginer en ces lieux 200 000 palmyréniens et palmyréniennes habitant ces lieux figés dans l’éternité. Un restaurant dans un jardin arboré où coule un rideau d’eau nous a préparé les traditionnels Mezzés qui permettent de patienter en attendant le plat de résistance : un magnifique agneau.
Nous posons nos sacs à l’hôtel Héliopolis, en bordure du site antique et prenons un peu de repos avant la visite… chambre 304 avec vue sur le site de Palmyre et la palmeraie. Tous deux évoquent les hauts palmiers dattiers qui se dressent en ce lieu et font de Palmyre le principal site producteur de dattes en Syrie (Tadmor en arabe).

C’est à sa position privilégiée, cité tampon entre l’Empire perse et l’Empire romain, à la présence de nombreuses sources et à la chute de Pétra que Palmyre dut sa croissance jusqu’à l’apogée de sa splendeur au IIIème siècle avec la reine Zénobie, veuve du gouverneur Odenath. Déclarée zone franche par l’empereur Adrien, puis par Caracalla, les Palmyréniens pouvaient percevoir leurs propres taxes sur les marchandises en transit. C’est la trop grande ambition de Zénobie qui, en étendant son royaume jusqu’en Égypte et en Asie Mineure, faisant battre sa propre monnaie et allant jusqu’à se proclamer Auguste va susciter la colère de l’Empereur Adrien et causera la perte de « la plus noble de toutes les femmes de l’Orient et la plus belle ».

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C’est un émerveillement constant de découvrir ce site si riche et si grandiose. Que de splendeurs se dressent encore fièrement dans le ciel bleu, avec la volonté de résister à l’érosion du temps et aux cataclysmes naturels : le majestueux temple de Baal, le tétrapyle, le théâtre, les tombeaux et cette magnifique voie bordée de hautes colonnes que nous parcourons… à dos de dromadaires telle Zénobie il y a presque 18 siècles, Pierre sur « Romeo » caracole à côté de moi… mais est-ce que des dromadaires caracolent ? En tout cas, c’est assez magique…

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Le château arabe qui domine le site est célèbre, non pour la visite qu’il permet, mais pour la beauté du coucher de soleil qu’il offre. C’est tout en dégustant un petit verre de champagne offert par « Ouki » que nous attendons le coucher de l’astre… une très bonne idée pleine de délicatesse.
À l’hôtel, le buffet est de qualité, digne des 5 étoiles de l’établissement, nous le faisons suivre d’une courte promenade en ville, dont l’atmosphère, avec ses petits négoces nous rappelle Tabarka en Tunisie.

Lundi 26 mai 2008 .SYRIE : de Palmyre à Lattaquié 
« Chaque minute perdue est un château en moins ! »

Heureusement que le lever de soleil sur le site de Palmyre que nous pouvons admirer depuis la fenêtre de notre chambre nous oblige à un réveil matinal : 5h45, nous sommes déjà tout yeux ; 7h, nous prenons notre petit déjeuner sur la terrasse ; 8h, le moteur tourne direction le Krak des Chevaliers situé près de la mer. Il nous faut à nouveau traverser la zone désertique abritant malgré tout quelques villages bédouins dont les enfants sont regroupés pour être scolarisés dans une même école et nous offrent le spectacle de sages écoliers en tablier bleu.
La circulation est assez intense avec de nombreux camions destinés à la construction d’un gigantesque pipeline… Plus nous nous dirigeons vers le Nord, plus le paysage se fait verdoyant avec de nombreux pins, cupressus et plantations d’amandiers.
Nous traversons Homs, la 3ème plus grande ville de Syrie mais aussi la plus polluée par les raffineries et les usines chimiques. Une consolation pour cette ville austère, les plus belles femmes de Syrie seraient natives d’Homs. Est-ce pour cela que le Président Bachar El-Assad y a pris épouse ?

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Le Krak des Chevaliers se dresse devant nous sur une colline comme une gigantesque sentinelle, chef d’œuvre de l’architecture des Croisés, « trop beau pour être décrit » a dit Lawrence d’Arabie. Des Mille et une nuits de l’Orient, nous sommes passés à la grande aventure des Croisés sur le chemin de Jérusalem. Tancrède d’Antioche, l’ordre des Chevaliers Hospitaliers qui fera de cet ancien château kurde, une importante place forte avec plus de 2000 soldats, capable de repousser les attaques de Saladin. C’est l’échec de la 8e croisade et la mort de St Louis qui permettra à Baïbars, chef Mamelouk, de s’emparer de la forteresse et lui fera peu à peu perdre son rôle éminemment stratégique.
Majestueux sur son haut promontoire, le Krak des Chevaliers, puissant, nous offre une magnifique promenade pendant laquelle anciennes lectures et films prennent vie. On croirait presque entendre les sabots des chevaux et apercevoir quelque fier chevalier. Pauline et Raymond joueront le rôle du Grand Maître et de sa Dame à la croisée de la loggia du donjon.

 Un jeune chanteur nous fait apprécier sa voix mais aussi l’acoustique d’une vaste salle. La « chorale » du rallye essaie de la concurrencer en entonnant son hymne mais l’absence d’Elizabeth, notre chef de chœur se fait sentir.
Une maxime à méditer a été gravée sur un mur traduite ici pour les non latinistes « Grâce, sagesse et beauté tu peux avoir, mais attention la fierté peut ternir les trois ».

Une route étroite et sinueuse dans le djebel Andasarie nous mène au restaurant « Roast Chicken »… Un bel emplacement mais rien de très folichon… poulet sauce à l’ail… coïncidence ou pas, les premiers malaises apparaitront après… nous compterons jusqu’à neuf malades sur un groupe de vingt… un bon pourcentage ! Nous résisterons vaillamment jusqu’à la fin du voyage, évitant ail et eau trop froide !
Puis c’est la plaine côtière et le port de Tartous avec ses fortifications phéniciennes abritant encore d’élégantes demeures. Autrefois lieu de débarquement des Phéniciens puis des navigateurs occidentaux depuis Malte et Rhodes, Tartous est aujourd’hui une importante station balnéaire, vitrine touristique de la Syrie.

La cathédrale « Notre Dame de Tartous » témoigne du rôle important joué par Tartous (peut-être déformation de Tortosa ?) à l’époque des Croisés. Église gothique, bâtie sur un ancien édifice byzantin qui aurait abrité une icône de la Vierge Marie, peinte par Saint Luc, puis mosquée, Notre Dame de Tartous est maintenant un élégant musée où nous pouvons admirer de singuliers sarcophages hittites de terre cuite, des momies… NO PHOTO !!! Et cerbère vigilant.

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  Le thème de ce jour, « sur les traces des Croisés », nous conduit au « Château de Saône », rebaptisé en mémoire de sa conquête par Saladin en 1188 : « Qalaat Salahaddine » par le gouvernement syrien en 1957, effaçant ainsi la mémoire du Grand Maître Robert de Saône puis de son fils Guillaume. Impossible d’accéder à la forteresse en car, la route étant escarpée, très sinueuse et pentue, il nous faut nous répartir dans deux vans qui nous semblent avoir quelques heures de service… pourvu que les freins… !!!
Une forêt de chênes verts, un ravin impressionnant qu’il nous faudra traverser sur un pont étroit, des virages en lacet, un chauffeur qui d’une main tient son téléphone portable, de l’autre ponctue sa conversation de gestes expressifs. Vraiment ce château se mérite.
  À l’entrée d’un étroit ravin entre deux hauts pans de montagne, une haute pile de pierre, sorte d’obélisque, marque l’emplacement de l’ancien pont levis. La forteresse se dresse donc à plus de 25 mètres… entreprise pharaonique que le percement de ce fossé où nous nous engageons pour gagner la longue rampe à degrés menant au château : entièrement creusé à la main, 65000m3 de pierres utilisées pour la construction du château qui aurait dû être imprenable.
C’est avec soulagement que nous retrouvons notre car après une descente toute aussi périlleuse que la montée… téléphone en moins, Pierre ayant ostensiblement photographié le chauffeur à l’aller (toujours penser au rôle répressif que peut avoir une photographie).

Nous attendions la découverte de Lattaquié avec un intérêt certain et surtout du port qui, par sa « dangerosité » affirmée, nous avait privé de l’escale nautique annoncée dans le projet initial du rallye…

Refus d’une halte devant la marina « indigne de nos voiliers », entêtement, gain de cause et rage… après avoir découvert que cette marina si décriée par les organisateurs du rallye était tout à fait satisfaisante et accueillante, équipée comme il se doit, gérée par un responsable désireux de faire de Lattaquié une escale privilégiée de l’Est méditerranéen. Photographies à l’appui … Cela sent la magouille et génère une certaine gêne car venant corroborer des soupçons que nous avions déjà depuis les excursions à Chypre.
À qui a profité le crime ? Pourquoi nous avoir obligés à venir en Syrie en avion, accroissant ainsi notre budget ?
Heureusement, l’arrivée dans un luxueux hôtel « Hôtel Côte d’Azur » situé en bordure de plage où nous attend l’habituel jus de fruit de bienvenue calme un peu l’atmosphère, les explications attendront notre retour à Chypre pour ne pas trop gâcher ce voyage.


Mardi 27 mai 2008. SYRIE : de Lattaquié à Alep
« Futurs archéologues… rassurez-vous, tout n’a pas encore été découvert ! »
Nous avions pu admirer au musée archéologique de Damas les pièces que l’archéologue français Claude Schaeffer avait découvertes à Ougarit au début du XXe siècle. Nous nous devions de faire une courte halte dans cette vénérable cité où furent trouvées les tablettes révélant la plus ancienne écriture alphabétique au monde destinée essentiellement aux échanges commerciaux.

Capitale du prospère royaume cananéen au IIème millénaire avant J.C, adoratrice du dieu Baal que nous avons côtoyé en Tunisie, cité cosmopolite où 8 langues étaient parlées, cité des arts et de la culture, Ougarit n’offre plus maintenant que des ruines aux murs imposants qui nous rappellent les sites hittites d’Anatolie (tsunami, la mer étant proche ? raid des peuples de la mer ?). Nous apprécions son atmosphère très romantique en cette saison où la nature reprend vie, coquelicots, chardons, lavatères, bouquets jaunes s’échappant des pierres.
Apamée, ancienne ville romaine construite au IIIe siècle avant J.C, nous maintient dans cette atmosphère bucolique. Après la traversée du Djebel Ansarié où alternent oliviers plantés en terrasses, buissons et rocaille avec de petites maisons de pierre disséminées, nous abordons une vaste campagne, le grenier de la Syrie, très riante en cette saison. Tabac, betterave, pomme de terre, blé, coton y sont cultivés par des ouvriers nomades bédouins. Nous pourrions nous croire revenus dans nos campagnes vers les années 1950.

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Apamée, ainsi nommée par l’un des généraux d’Alexandre le Grand, Séleucos Ier, en l’honneur de son épouse persane, n’a rien perdu malgré l’usure du temps et les tremblements de terre de sa majestueuse beauté. On se surprend à imaginer Antoine et Cléopâtre parcourant la grande colonnade, amoureusement enlacés et admirant au passage la variété des colonnes qui la composent: à fut lisse, cannelées, à torsades.
Une équipe d’archéologues a entrepris de dégager d’anciennes habitations, sans oublier de faire des croquis précis permettant sans doute de poursuivre les fouilles après déduction logique des lieux.

  Nous retrouvons un peu de la France à l’arrêt déjeuner au restaurant « Eiffel Tower » (bien sur Tour Eiffel pour emblème !)… rien de bien fameux, un style un peu cantine, loin de notre célèbre restaurant parisien. Seule curiosité, deux malheureux singes en cage devant le restaurant… comment ont-ils atterri là ?

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Une route dans l’environnement désertique d’un massif calcaire, nous conduit dans le domaine des villes dites mortes, ces villes byzantines désertées au VIIe siècle après avoir connu une période de faste : tremblement de terre (certains pans de murs montrent d’importantes fissures), sécheresse, peste bovine qui aurait décimé les troupeaux, invasions perses ?
Sergilla, dresse les imposants murs d’anciennes demeures, résidences secondaires des riches aleppins, au milieu de nulle part, dans une totale désolation et n’est plus qu’un champ de pierres où les tons ocre, rouge et gris se mêlent harmonieusement. Beaucoup d’émotion en parcourant ces ruines.

Ebla, sans aucun doute la découverte archéologique la plus importante du XXe siècle au Moyen Orient, une ville florissante du IIIe millénaire avant J.C dressée sur un tertre artificiel au milieu d’une plaine fertile, comme l’ont révélé les 17OOO tablettes d’argile découvertes sur le site. Il semblerait que l’hypothèse d’une ville biblique liée au monde d’Abraham ne puisse être retenue, ces tablettes datant de plus de 1000 ans avant la Bible.
Point d’édifices grandioses dans cette ville fortifiée, mais la découverte d’une multitude d’objets et des célèbres tablettes qui témoignent de la richesse d’Ebla et de ses relations commerciales privilégiées avec l’Égypte. Beaucoup de métaux et pierres précieuses comme le lapis-lazuli, du bois, des parfums transitaient par Ebla. De nombreux tells dans la campagne environnante laissent présager de futures fouilles aussi productives.

Notre journée s’achève à Alep, cité orientale par excellence, où nul ne serait étonné de croiser Jasmine et Aladin sur un tapis volant.
Dans une étroite ruelle que notre car ne peut atteindre, se cache l’hôtel Dar Zamaria, un ancien palais XVIIIe siècle, très discret de l’extérieur, mais révélant un superbe patio mauresque dès l’entrée. Un étroit escalier nous permet d’accéder à notre chambre N°27… du grand beau, l’envie de jouer au prince et à la princesse pendant deux jours.

Le diner nous est servi près d’une fontaine, derrière laquelle a pris place un violoniste qui malicieusement nous joue des airs connus de notre enfance… « If you are happy and you know it… »… bien sûr que nous sommes heureux dans un tel cadre !


Mercredi 28 mai 2008. SYRIE : Alep
« Le charme de l’Orient »

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Alep, tout le charme de l’Orient dans cette ville dont le ciel est comme déchiré par les appels des Muezzins, les vibrations de la vie dans ses rues animées, avec ses souks tellement pittoresques et vrais que l’on s’en voudrait presque d’être vêtu à l’occidental, comme protégée par la citadelle arabe qui la domine.
Nous aurons quartier libre cet après-midi et pourrons tout à loisir flâner, mais il nous faut d’abord satisfaire au programme de ce jour et faire un pèlerinage à la cathédrale Saint Siméon au nord ouest d’Alep en traversant l’élégante banlieue d’Alep. Rien à voir avec l’impression de grisaille et saleté donnée par les faubourgs de Damas, les demeures sont cossues, leur architecture attrayante. Puis ce sont les terres agricoles où d’étranges murs de parpaings cernent un lopin de terre, indiquant que, plus tard, lorsque les finances seront florissantes, une maison sera construite (cela rappelle ces maisons de parpaings kurdes dont l’étage ne sera monté que lorsque les parpaings pourront être achetés).
Sur une colline se dressent les ruines d’une imposante basilique construite à la demande de l’Empereur Constantin sur le site où Siméon dit Siméon le Stylite passa 36 années, juché sur une colonne qu’il faisait régulièrement élever jusqu’à se retrouver perché à 21 mètres de hauteur, en constante mortification pour ne penser qu’à la prière et à la propagation de la parole divine.

À sa mort, à la fin du IVe siècle, son corps fut transporté à Sainte Sophie à Constantinople, mais le lieu où était érigée sa colonne continua à générer curiosité et foi, jusqu’à devenir un haut lieu religieux accueillant tous les pèlerins qui voulaient recevoir le baptême.Depuis longtemps la colonne a été très amputée par les pèlerins qui voulaient emporter un pieux souvenir.

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De retour à Alep, nous gravissons d’un pas alerte la longue rampe qui nous permet d’accéder à la citadelle, une imposante forteresse, dressée sur une haute colline qui domine Alep et nous offre un très vaste point de vue sur la ville. Ici pas de Croisés, nous sommes en domaine mamelouk et nous ne serions pas étonnés d’y rencontrer les fantômes de Nourrédine ou Ibrahim Pacha en prière dans la mosquée, au hammam ou dans le palais ayyoubide dont la salle du trône est dominée par un riche plafond en bois de cèdre du Liban.

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Après notre déjeuner dans une autre demeure très bourgeoise d’Alep, au nom évocateur, « Sissi restaurant », nous pouvons nous échapper en amoureux dans les souks à la recherche du célèbre savon que Pierre affectionne tout particulièrement… et collectionne (nous en avons cinq d’avance… et en plus un savon d’Alep c’est inusable !). Je craque pour un foulard et une robe syrienne.

Notre hôtel se trouvant dans le quartier chrétien du Jdeidé, nous pouvons faire une courte halte à l’Église Maronite (de Saint Maron… qui avec un nom pareil n’a pas donné beaucoup de petits Marons… !) Beaucoup de clarté et une ambiance très familiale.
Le diner buffet nous est servi sur la terrasse avec vue sur Alep éclairé… L’appel des muezzins réalise un Son et Lumières du plus bel effet.


Jeudi 29 mai 2008. SYRIE : d’Alep à Damas
« Il y a de l’orage dans l’air »

Nous avons repris la direction du Sud pour retrouver Damas d’où nous nous envolerons samedi matin. Tout d’abord, une halte rafraîchissante à Hama, ville provinciale au bord de l’Oronte (celui-là même que nous avons longé à Antioche), célèbre pour ses gigantesques Norias de bois qui alimentaient en eau, par le biais de godets déversés dans un aqueduc, les cultures avoisinantes. Les norias ne tournent plus que pour perpétuer une tradition et satisfaire le touriste.
Puis, après une longue route dans la montagne, le village de Maaloula, accroché dans une gorge à 1600 mètres d’altitude dont les habitants savent encore parler l’Araméen, langue parlée par le Christ. C’est donc avec une certaine émotion que nous avons pu entendre un prêtre de l’Église Saint Serge et Bacchus (rien à voir avec Dionysos, il s’agit d’un officier romain, qui refusant les idoles, se convertit et fut donc mis à mort…) réciter le Notre Père en Araméen.
Il s’agirait de la plus vieille église au monde où le culte chrétien est encore régulièrement célébré, des morceaux de bois inclus entre les pierres ayant permis de la dater.

Coup de tonnerre dans le car au retour sur Damas, lorsque Nabil, notre guide, nous apprend que nous devons débourser 75 dollars par personne pour participer aux visites du lendemain… chacun croit tout d’abord à une blague, le ton monte lorsque nous nous rendons compte qu’il n’est rien de plus sérieux et que cette journée était parait-il dite « optionnelle ». Pas de chance, nous avons le programme initial sur nous et pouvons prouver de notre bonne foi… étrangement une modification avait parait-il été apportée avant le départ, mais oralement et vu notre âge avancé nous pouvions ne pas avoir entendu !!! (vu le nombre de mails adressés… il est surprenant que cette communication ait pu échapper à une notification écrite).

Après des échanges assez violents avec les organisateurs et le guide, seules 10 personnes acceptent de régler ce supplément. La guerre est déclarée et ce n’est pas le diner spectacle avec danseuse du ventre du Royal Princess Palace, parait-il offert par l’agence de  tourisme syrienne, qui arrange les relations… C’est décidé, à notre retour à Chypre, nous quittons le rallye.
Nous retrouvons « Fardoss Tower Hôtel ».


Vendredi 30 mai 2008. SYRIE : Damas
« Promenade en amoureux dans Damas »
C’est étrange, mais nous sommes comme soulagés, heureux de retrouver notre liberté et notre autonomie et d’arpenter une ville comme nous l’avons toujours fait, une carte en main mais toujours prêts à saisir une opportunité, à profiter d’un spectacle de rue, à échanger quelques mots avec un passant.

Notre hôtel étant bien situé dans la ville, nous retrouvons aisément nos marques et nous dirigeons à pied vers les souks… dont les échoppes sont presque toutes fermées en ce vendredi. C’est surprenant mais pas sans charme d’arpenter ces longs couloirs déserts.

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Au programme, la petite mosquée Roqayya, joliment décrite par notre guide Néos, située dit-il derrière la grande mosquée Omeyade. Difficile à trouver, même avec l’aide des autochtones incapables de nous comprendre, ni de lire notre plan écrit en français (se souvenir de toujours utiliser un plan bilingue) mais quel ravissement une fois découverte ; un modèle de fraîcheur et de grâce avec une salle de prière au décor champêtre, de superbes faïences bleues et des miroirs scintillants. Dans une salle, de nombreuses femmes sont recueillies auprès du mausolée de Sayyeda Roqayya, arrière petite fille du Prophète Mahomet décédée à l’âge de 4 ans en voyant la tête de son père, l’Imam Hussein, au bout d’une pique. Son mausolée est devenu un haut lieu de pèlerinage pour les Shiites. Certes, malgré la longue cape noire que j’ai revêtue, je peux paraître singulière en ce lieu, mais ne suscite nulle curiosité, ni animosité. Au contraire, Pierre et moi sommes considérés avec beaucoup de gentillesse.

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Sur le chemin d’une ancienne demeure : le palais Azem, du nom d’un pacha du 18e, un portail entrouvert nous invite à la visite, il s’agit de l’ancienne école de Médecine, maintenant transformée en musée.
Le palais Azem  abritant le Musée des Arts Populaires, permet d’imaginer ce que pouvait être la résidence d’un gouverneur ottoman, un peu mégalo et n’ayant pas hésité, pour faire construire sa demeure, à faire prélever ce qui l’intéressait sur des bâtiments existants. Dans de superbes salles, aux murs revêtus de boiseries en cèdre du Liban, des mannequins de cire font vivre quelques évènements de la vie ottomane : préparation au mariage avec la présence d’une belle-mère encombrante, enseignement avec un gramophone...

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C’est l’heure de la prière du vendredi à la Grande Mosquée, le discret restaurant « Jasmine al-Sham » n’attend que nous et nous permet de constater que les nombreux mezzés huileux, sans doute cause de nombreux embarras gastriques, ne sont réservés qu’aux seuls groupes de touristes. Nous bénéficierons d’un vrai repas avec un vrai café turc !
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À notre sortie de table, la place devant la mosquée se remplit de monde. C’est l’heure de la sortie de la prière du vendredi. Il est impressionnant de voir cette foule qui se presse sous les colonnades de l’ancientemple dédié à Jupiter et s’engouffre dans la ruelle principale du souk… dont les rideaux de fer sont baissés… Sauf UN… celui du marchand de glaces Bakdache qui a du mal à satisfaire les demandes.

Nous aurons encore le temps de nous arrêter à l’ancienne gare de l’Orient Express devant laquelle trône une ancienne locomotive… en évoquant Agatha Christie.

 

Le départ est fixé à 4heures demain matin. Encore une nuit qui va être courte.


Samedi 31 mai : SYRIE : de Damas à Larnaca
« 4 rebelles ! »


Réveil 3h30… un petit déjeuner « sucré », ajouté à la journée d’hier et au premier diner, c’est tout bénéfice pour les organisateurs.
Cyprus Airlines nous ramène vers Logos qui nous a sagement attendus, même nos plantes n’ont pas souffert de notre absence.
À peine le temps de défaire nos bagages qu’un E.mail infamant du responsable du rallye vis-à-vis d’un couple australien contestant lui aussi, à juste titre, le non-respect du contrat… nous fait immédiatement retirer notre bannière, suivis par deux autres voiliers français et le voilier australien… Il y a de l’ambiance !!! Certains essaient de nous calmer, espérant préserver ce qu’ils croient être l’esprit du rallye… peine perdue, nous ne cautionnerons pas ce que nous jugeons être incompétence et malhonnêteté et serons bientôt surnommés les 4 rebelles, finalement un titre qui nous convient assez bien !
Nous exposons nos griefs (accumulés presque depuis le début du rallye) Pierre en français, moi traduisant … et sommes applaudis, de même que les autres équipages français. Lâches comme à leur habitude, les responsables ont préféré quitter la salle avant d’écouter les interventions… Comment suivre encore de tels leaders ? Nous sommes malgré tout très heureux d’avoir pu visiter la Syrie, mais tellement déçus de ne pas y avoir mené Logos, comme nous pensions pouvoir le faire dans un rallye nautique, de port en port.
Nous allons pouvoir prendre nos propres options et surtout nous rendre au Liban, ayant reçu des nouvelles encourageantes d’un navigateur libanais en escale à Larnaca qui se propose d’être notre intermédiaire auprès de la marina de Jounieh au Liban.

Du Ier au 4 juin 2008 : CHYPRE : Larnaca
« Préparatifs pour notre navigation vers le Liban »
L’ambiance de ces 4 journées est un peu étrange. Chacun sait (bruits de pontons car notre VHF, radio de bord, est enfin éteinte), y compris « Soleil sans Fin », que les quatre rebelles ont décidé de naviguer vers le Liban, mais fait semblant de l’ignorer. Nous continuons même à recevoir les mails indiquant le plan de navigation destiné aux participants au rallye… LARNACA-HERZLIYA D I R E C T ! (le Rallye était invité par le Yacht Club d’Haïfa et a même négligé cet accueil !!!)
Pour nous, la préparation de cette navigation, météo, route, formalités nécessaires pour l’entrée au Liban par mer, avitaillement des voiliers est un réel plaisir. Nous avons retrouvé notre autonomie.