Dernière mise à jour : 2008

___ Radio Ponton___
DOIT-ON CONFIER SON BATEAU À UN CORPS MORT ?

Ce jour là, en Turquie, après une remontée éprouvante d’environ 30 milles en luttant contre un vigoureux Meltem qui s’acharnait à nous souffler dans le nez, nous nous sommes dirigés vers une large anse bordée d’une belle plage où deux restaurants offraient des bouées sur corps-mort. Ne lésinons pas, assaillis par une grosse flemme pour prendre un mouillage, nous acceptons la bouée. Le premier examen est favorable, la bouée est très propre, la chaîne n’est pas recouverte de coquillages, n’est pas rouillée, l’anneau est fixé à la chaîne par une manille en inox. Confiance!!! Deux amarres sont attachées à deux endroits différents, l'une à l'anneau, l'autre à la manille. Un autre voilier, Marlin Blue de 18 mètres s’attache à la bouée voisine et nous nous retrouvons au restaurant pour la soirée. La plage n’est pas loin, le vent souffle très violemment dans sa direction jusqu’à 2 heures du matin. Nous dormons sur nos deux oreilles. Le lendemain matin, alors que Monsieur Meltem se réveillait et nous annonçait qu’il allait être de fort méchante humeur, nous vaquions tout de même à nos occupations. Vers 10 heures, Martine regardant par hasard la mer au travers d'un hublot couvert du sel des embruns de la veille me dit : « Regarde ! Marlin Blue a des soucis, il s’éloigne de nous et pourtant, il ne semble pas s’être détaché de sa bouée. » La relativité existe, nous l’avons rencontrée ! Non, ce n’était pas Marlin Blue qui s’en allait, bouée attachée au museau, c’était bien nous. Et nous étions, au gré des rafales, poussés vers la plage et les pieux d’un ponton de restaurant. Ce n’est qu’à quelques mètres de la zone dangereuse que le moteur nous a permis de nous éloigner de ce danger. Nous avons alors mouillé notre ancre pour nous libérer de ce corps mort. Monsieur Marlin Blue inquiet nous regarde et va s’assurer de son amarrage. Toujours cette relativité ! Je lui fais signe que tout est Ok pour lui et appelle par coups de klaxon répétitifs les restaurateurs. Leur barque est immédiatement à nos côtés pour nous aider à récupérer nos aussières et eux leur bouée. Nous constatons alors avec surprise que les cinq derniers maillons de la chaîne sont très usés, aussi fins que du fil de fer. C’est certainement le ragage de la chaîne contre le béton du corps-mort qui est responsable de cette usure, difficilement décelable lors d'une plongée de contrôle. Un de ces maillons n’a pas résisté aux coups de boutoirs encaissés lors des rafales du Meltem.

Tout est bien qui finit bien, Martine a eu le bon coup d'oeil au bon moment. Mais quelle leçon doit-on tirer de cette aventure ? Doit-on systématiquement plonger pour vérifier un corps mort même s’il semble bien entretenu ? Doit-on éviter les corps-morts avec chaîne et préférer ceux avec aussières ? Doit-on bouder cette facilité offerte et s’astreindre à faire confiance à son propre mouillage ? Qui détient la réponse ?