spi

___ Tourisme de masse, leurre économique ___

 

 

COUP DE GUEULE



Tourisme béton? Tourisme moutons ?

Leurre économique ?

Et le tourisme de voileux ?


« Je suis allé en Turquie. Quel beau pays ! Nous avons visité Pamukkale, Ephèse…. L’hôtel était grandiose. Un vrai palace. Tout cela pour quelques Euros la semaine. Quelles vacances ! »

Cette phrase, nous l’entendons souvent et elle nous gène beaucoup. Peut-être parce que la voile nous oppose à ce type de «tourisme béton, tourisme mouton» auquel il est maintenant quasi impossible d’échapper.

Une série de clics sur Internet et un choix de vacances est offert par différents groupes dont les tarifs vols et séjour inclus sont effectivement raisonnables (bien que la France soit, en matière de prix, honteusement éloignée des tarifs proposés à nos voisins européens et surtout aux pays d’Europe de l’Est, chargés de remplir artificiellement les hôtels).

Assurance voyage, assurance annulation voyage, assurance soleil, assurance folklore (artificiel), assurance eau bleue (de la piscine), assurance service luxueux, assurance voisin de car, voisin de table, voisin de matelas pneumatique (ou voisine espérée), assurance aucune initiative, assurance assistance, assurance cohorte de visites préprogrammées, assurance bâillements pour cause de guide inaudible (trop de monde ou nuit trop courte) ! Tout est fourni, clé en main, packagé (sauf le maillot, l’appareil photo et le tapis acheté, pour plus de sécurité, au magasin de l’hôtel). Ce tourisme ne donne qu’une illusion du pays et, souvent, de vives désillusions : « Le café était régulièrement servi froid. Franchement, ma chère, leur pain est réellement mauvais ! Leurs ruines ne sont même pas entretenues ! Le bus qui nous a conduit de l’hôtel à l’aéroport n’était même pas climatisé. J’ai cru mourir ! Mais comment vivent-ils ? »
Pourtant, nous sommes persuadés qu’un pays sans ses hommes, c’est un pays dont on n’a pas découvert l’âme. Si, il y a très longtemps, il y eu les découvreurs, puis les explorateurs, où réside maintenant l’aventure lorsque vous arrivez en quelques heures dans l’aéroport du pays visité, vous retirez de la monnaie locale au distributeur, vous passez un coup de fil sur votre mobile pour rassurer la famille et vous prenez un bus ou un taxi pour vous amener à l’hôtel repéré sur votre guide préféré. Il n’y a plus d’aventure et, pourtant, votre appropriation du pays est bien tangible, réelle. Les initiatives que vous allez prendre vous permettront d’avoir des contacts avec tous les commerces de découverte, à savoir hôtels, pensions, gargotes, restaurants, épiciers, bouchers, marchands de légumes, souvenirs locaux, guides. Avoir le choix ! Être libre, libre de rencontrer des gens, de tenter d’établir un dialogue, d’échanger, libre d’être un touriste, libre de choisir vos visites, avec ou sans guide...

Mais, comme nos grandes surfaces qui furent la mort des petits commerces et ont même réussi à devenir le but de la sortie dominicale et culturelle de toute la famille, le tourisme béton devient incontournable. Le prix d’un vol sec, aller et retour est souvent de 3 à 10 fois plus cher qu’un vol avec prestation hôtelière. Essayez d’aller faire une semaine de plongée en Mer Rouge avec un vol sec puis de choisir sur place votre organisme de plongée ? Essayez d’aller passer deux semaines en Turquie seuls, le nez au vent, en choisissant votre lieu de résidence, vos visites ou votre gület. Inabordable ! Alors, nombreux sont ceux qui trichent, achètent un package, en profitent une semaine et prolongent ensuite leur séjour (supplément facturé bien sûr). Un comble !

Ce tourisme rapporte-t-il au moins au pays ? Certains économistes prétendront que le pays y trouve bien son intérêt :

- Intérêt de façade ! Les pays qui ont la chance d’être naturellement dotés d’une vocation touristique sont équipés de beaux complexes hôteliers. Seulement, leur implantation est même généralement une insulte à de si jolis paysages. Les prospectus présentent toujours un bel hôtel faisant face à une mer d’un bleu azur. Champ contre champ : Vue de la mer toujours d’un bleu azur mais un peu mazouté, la côte est ravagée par une vérole de béton sans aucun respect pour l’esthétique de l’environnement.

- Emploi ! Certes, beaucoup d’emplois sont laissés aux autochtones mais il faut être rassurant et on préfèrera employer des cadres issus directement de Grande Bretagne. Ils parlent tout de même mieux l’Anglais !

- Activités dynamisées pour l’industrie du tourisme ! Tous les commerçants d’un secteur touristique vous diront leur dépit de voir les cohortes de touristes défiler devant leur magasin sans rien acheter. Cette année, en Turquie, ils ont même reçu une consigne de leur gouvernement de ne pas être accrocheur vis-à-vis de l’étranger pour donner ainsi une belle image de marque du pays. Le gouvernement va certainement devoir très vite employer des fonctionnaires pour décorer les rues et les bazars de faux tapis, employer de faux marchands de produits artisanaux puisque l’essentiel des acquisitions se font dans les résidences hôtelières.

Mais alors direz vous, « Vous êtes des voileux retraités, avec la facilité qui vous est offerte d’aller ou bon vous semble (si la météo le permet et si le bateau n’a pas absorbé tout notre pécule), quand bon vous semble et votre dénonciation semble facile et ne tient pas compte des réalités globalement économiques ! » Certes ! Pour nous, le voilier est principalement un moyen de locomotion avec ses joies, ses émotions, ses angoisses et ses difficultés mais, pour l’essentiel, nous restons des touristes terrestres, nous voyageons aussi en avion, bus ou autres moyens offerts pour visiter, connaître et comprendre les sites touristiques et, par extension, le pays. Nous savons bien que nous sommes des marginaux, que peu de gens peuvent pratiquer ce tourisme de mer. Mais nous avons le temps d’observer et de méditer sur ce système de tourisme que nous dénonçons. Il est malheureusement devenu incontournable, directement programmé en fonction des réalités du monde du travail, à savoir des congés relativement courts échelonnés tout au long de l’année qui imposent un déplacement isolé ou familial efficace, bien ficelé, bien ciblé où dépaysement rime avec assistance. Nous savons que ces vacanciers sont aussi les otages des tarifs en hausse exponentielle en « haute saison », des last minutes totalement illusoires, des full included… Oui, nous plaignons tous ceux qui cherchent encore à se dégager de cette tendance imposée mais qui n’auront le pouvoir de devenir des citoyens de la terre, totalement libres, qu’au bout de longues années de travail, au moment où leur corps leur rappellera qu’ils l’ont usé à mal se reposer. Mais, au fait, quelles seront leurs conditions de retraités à ce moment là ? Et que seront alors devenus tous ces indépendants de l’accueil touristique, tous ces isolés, tous ces gens pour qui ce métier est certes un gagne pain mais qui sont empreints de l’envie de bien faire aimer leur pays, de considérer le touriste comme un hôte, un ami, un membre de la famille reçu avec élégance et respect et non comme faisant partie d’un troupeau déguisé… en touristes.

En guise de provocation à vocation thérapeutique, avec une totale méchanceté, cette citation d’un certain Jean Mistler : « Le tourisme est l'industrie qui consiste à transporter des gens qui seraient mieux chez eux dans des endroits qui seraient mieux sans eux. »

Une prière aux avionneurs, transporteurs, tour opérateurs, agences de voyage, moteurs de recherche... : « Prévoyez dans vos avions quelques petites places pas chères et proposez les aux touristes libres. Vous permettrez ainsi à beaucoup dont le métier est orienté vers le tourisme individuel de survivre... sinon de vivre ».

Pierre et Martine sur voilier LOGOS