Mise à jour : 2015
___ Les carnets de bord de Martine___

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Carnet de bord 2002

La Tunisie du Nord


Mercredi 27 mars 2002 La Galite

De bien sympathiques coquins et 3 langoustes +1

Alors que le jour se lève, La Galite apparaît à l’horizon.

Tous deux, nous regardons cette île qui symbolise le départ de notre croisière. Un cachalot semble lui avoir donné sa forme. Elle est réellement née de la mer.
À son approche, trois chalutiers dont un nous fait signe qu’il peut nous régaler. 3 langoustes, une vieille et deux pageots sont vite échangés contre un peu de vin après un abordage toujours un peu angoissant pour moi.
Une fois de plus, Pierre a tenu bon et réussi… Quel spectacle que ces trois langoustes dans le soleil. Un vrai repas de fête qui se prépare… Nos premières langoustes depuis la Martinique.

En approchant du mouillage, rencontre malencontreuse avec un cordage qui relie deux casiers. Angoisse renouvelée mais le bateau est vite libéré. Quelle satisfaction lorsque nous jetons l’ancre et pouvons enfin jouir du paysage et d’une petite collation. Calme de courte durée, nous avons été vite repérés. Il faut dire qu’à part les pêcheurs, il y a peu de passages en cette saison. Nous sommes le 3ème bateau en 2002 à aborder la Galite. Questionnement d’usage par quatre contrôleurs de la Marine, permanents sur la Galite, collation (bière et cigarettes) d’usage, bavardages instructifs ou comment La Galite fut colonisée en 1610 par un condamné à mort italien en fuite. 4 ans seul sur ce caillou, à l’époque bien boisé, puis on ne sait comment, rejoint par son frère et sa famille. Nous avons aussi appris comment les chèvres étaient importée par les pirates pour leur servir de nourriture lors de leurs venues suivantes. Même l’histoire de cette bouteille jetée dans un fleuve en Allemagne par une fillette de 7 ans, Jennifer et récemment récupérée ici.

Repas de gala délicatement préparé au barbecue. Sieste réparatrice avant de répondre à l’invitation du « responsable de la Marine Nationale » qui nous a contrôlés. Nous allons enfin pouvoir mettre les pieds sur cette île interdite tant que les formalités de douanes n’ont pas été faites à Tabarka. Le soleil éclaire un tapis de fleurs jaunes. Quelques touffes d’iris blancs, sauvages, se dressent ; Logos trône fièrement dans cette très belle baie. En passant non loin du poste de la Garde Nationale, nous sommes appelés pour un contrôle et une réprimande à peine voilée, nous n’avons pas le droit de mettre les pieds sur l’île. 2 contrôles, cela fait beaucoup… Mais celui-ci est le vrai !!!

Nouveaux bavardages avec les quatre gardes devant une, puis deux, trois, quatre bouteilles de vin tunisien offertes par les gardes. Les faux contrôleurs se sont joints à nous et l’histoire s’est terminée par un grand éclat de rire.
Il n’y avait pas dix minutes que nous étions sur le bateau qu’un garde et un marin nous ont apporté une belle langouste (provenant des pêcheurs) en échange d’une bouteille de Ricard.

Soirée paisible.


28 mars Tabarka

« Rêve de couscous »

Le bateau a remué toute la nuit, faisant face au vent du nord et présentant son arrière à une houle du sud. Les violents coups de boutoir sur l’arrière se sont succédés toute la nuit, perturbant notre sommeil et nous inquiétant pour le chauffage. Allait-il supporter ces chocs ?
Il est sage de quitter la Galite. Le baromètre affiche ses vilains nuages. Les gardes enfin réveillés nous confirment à la VHF que la météo est mauvaise pour l’après midi 40 Nœuds prévus d’Est et qu’il est temps de partir. Ils nous ont suivis pendant toute notre traversée, nous demandant régulièrement de nos nouvelles. N’allait-on pas pouvoir nous poser tranquillement ? Oublier ces souvenirs un peu angoissants de la tempête subie ?

A 9 heures 30, le génois se gonfle. Par sécurité, nous ne nous embarrassons pas de la grand-voile. Nous voici une fois encore partis pour quelques heures de navigation sous la menace. Moi qui voudrait tant dormir ; dormir. Le bateau glisse gentiment sur une mer peu formée. Le vent se stabilise autour de 20 nœuds. Quand va-t-il monter ? Nous avons de telles références maintenant aux souvenirs de ces murs d’eau qui se dressaient autour de nous. Nous avançons à 6 nœuds avec, de temps à autre une petite douche salée sur les cirés, quelques bateaux croisés sur ce rail maritime, nous sommes sans doute le seul voilier à des milles à la ronde. La Galite s’inquiète de notre progression, Tabarka nous attend. Tout va bien mais 35 milles, c’est long sous cette menace confirmée à la VHF. Pierre veille, je m’assoupis. Le vent monte un peu, 30 nœuds mais la côte empêche les vagues de trop se former. Et nous pouvons enrouler un peu de génois.

Tabarka apparaît avec son fort imposant perché sur l’îlot qui protège le port. Le vent souffle avec une pointe à 25 nœuds dans le port. Appontement réussi du premier coup, très bien aidés par l’équipe du port. Formalités d’usages, paperasses et douane restreinte sous la promesse d’une bouteille de Porto. Nos bouteilles de Ricard d’un litre sont trop encombrantes pour être glissées dans la ceinture.
Enfin le grand calme que j’espérais… mais voilà que, maintenant, c’est le sol qui se dérobe sous nos pieds. Le mal de terre… Jamais contents !!!

Guidés par le gardien de nuit du port, nous partons à la recherche du bon couscous dont nous rêvions. Le soir c’est difficile à trouver mais nous finissons par nous attabler devant un bon couscous poulet qui nous réchauffe le cœur et nous rappelle le Tabarka d’il y a quatre ans. Des rumeurs et de la musique arabe sortent des cafés et témoignent d’une vie nocturne. Il est 20h30, nous regagnons Logos, prêts à une longue nuit réparatrice. C’est dans la nuit que la ,tempête s’est levée mais nous ne l’avons qu’à peine perçue.

29 mars Tabarka

Où est passé le gigot ?

Quelle douce nuit ! Pas un mouvement. Douze heures de sommeil profond brièvement interrompu par deux drisses excitées par la tempête et qui batifolaient contre le mat. Pierre sort pour les attacher dans la froidure de la nuit. Aussitôt le gardien de nuit s’approche pour lui venir en aide. Très rassurant.
Le ciel est très gris ; le vent souffle et nous sommes très heureux d’avoir quitté La Galite, d’être à l’abri sous la protection discrète et efficace de la Capitainerie, seuls touristes à chouchouter.
Le téléphone portable fonctionne bien avec la France et les connexions Internet sont faciles.
Les bicyclettes pliantes sortent de leur cabine, toutes contentes de pouvoir enfin se faire remarquer… ce qui ne manque pas d’arriver. Nous prenons rendez-vous pour le carénage. Achat d’une souris informatique, les deux anciennes ayant fait une allergie conjointe à l’eau de mer.

Quelques achats au marché couvert qui sent bon les épices. Têtes de vaches et de moutons sont accrochées aux étals et témoignent de la fraîcheur de la viande. Le secteur du marché grouille de monde, petits producteurs proposent leurs salades ou autres légumes, acheteurs, curieux. Beaucoup d’hommes s’abritent parce qu’il tombe trois gouttes de pluie. Retour au bateau… Mais où est passé le gigot ??? Nul ne le saura jamais. Sûrement tombé du vélo. Mais où ? Il a du faire le bonheur de quelqu’un. (10 dinars -7,80 Euros le kilo). Pour midi, il nous reste la belle langouste de la Galite.

Encore une courte sieste. Nous avons tant à rattraper. De toutes façons, il pleut et le bateau est si douillet.

Promenade à pied. Nous commençons notre collection d’enseignes pittoresques et illustrons la suite du conte que nous allons bientôt mettre en forme.

Une voiture est retenue pour le premier jour de soleil à la recherche de ruines romaines.

Douce soirée avec, au menu, un nouveau gigot cuit au barbecue. Il est trop lourd, le barbecue s’incline un peu trop et plouf ? Dans l’eau. Première constatation, un gigot flotte. Merci l’épuisette !!! Deuxième remarque, c’est ainsi que nous avons mangé notre premier gigot à la recette du port de Tabarka en « pré salé ».
Les bicyclettes passent leur première nuit à terre, sur le quai et surveillées par le gardien. Pas question pour elles d’aller faire un tour en ville.


Samedi 30 mars Tabarka

« Un dromadaire pour chacun de nos enfants »

Les gouttes d’eau qui tombent sur le roof nous incitent à la paresse et nous ne nous faisons pas prier. Après l’agitation de ces dernières semaines, nous aspirons à nous caler un peu.
Les problèmes d’électricité du quai sont résolus et nous permettent de retrouver notre petit confort dans son intégralité. Le gardien de jour s’est bien démené et les électriciens, sous la pression ont fini par trouver la panne. Une bouteille de vin rouge discrètement cachée dans un journal scelle notre amitié et son attachement.
Nous retrouvons notre petit marché haut en pittoresque et commençons à prendre nos habitudes en retournant chez les mêmes commerçants. Au menu de ce soir, brochettes de rognons, foie et cœur. Le barbecue a bien renouvelé nos habitudes culinaires.

Mauvaise nouvelle, l’imprimante noyée (Epson 790) mise sur le marché l’an dernier et encore sous garantie ne se fait déjà plus et le stock de cartouches que nous avions fait est bon pour partir à la poubelle. La politique commerciale d’Epson est réellement scandaleuse. Plus aucune imprimante de la nouvelle gamme n’accepte ses cartouches. À Paris, les enfants se démènent pour trouver une solution et c’est de Tunis qu’arrive l’information. Une Epson 890 de fin de gamme est encore disponible. Nous signons. Paul et Aurélie vont nous faire parvenir l’autoradio et le téléphone. Le convertisseur 12V 220V devrait arriver lundi.

La météo est prometteuse pour demain. Le programme de ce soir sera consacré à la lecture et à l’écriture. Le Figaro Magazine est arrivé jusqu’ici. Martine surprend le libraire en lui réclamant des buvards. Pierre retrouve ses aises avec l’ordinateur et tape mes récits (NDRL : mais pas servilement).
Une promenade en ville sous parapluie. Un comble. Nous qui ne l’avons jamais sorti en plus de trois mois à Saint Cyprien. Un peu de lèche vitrine. Difficile ici car à part l’artisanat et les coiffeurs les commerces sont plutôt discrets. Je viens de découvrir deux merceries. Les commerces sont souvent regroupés pas spécificités. Mais difficile de ne pas se laisser tenter. Pierre a un Jean tout beau à 34 Dinars (26 Euros). Et une gargoulette où il compte mettre de l’eau à rafraîchir. Étrange, serait-il souffrant- ? Et moi, un joli sac à dos de ville dont je rêvais. Avec, en cadeau, trois dromadaires en peluche. Sans doute pour Pâques.

Une soirée brochettes barbecue… Un délice. C’est un achat que nous apprécions chaque jour.


Dimanche 31 mars Tabarka

« Tu es peut-être vélocipède, mais moi, je suis ingambe »

Enfin, le ciel commence à s’éclairer, le soleil va essayer de percer. Nous voici partis sur la plage à la recherche de bois flottés ou de quelque autre trésor.
Dans le sable fin, quelques petits coquillages sans grand pittoresque mais un seul morceau de bois ressemblant à un bel oiseau dans les tas de branchages apportés par l’oued voisin. Il nous est difficile de résister à certains morceaux de liège très décoratifs. Pierre façonne dans l’un d’eux un bouchon pour la gargoulette. Nous revenons par l’oued bordé de mimosas et nous promettons de revenir l’après-midi avec bicyclettes et appareils photo.
Ce qui fut dit fut fait et, après une courte sieste, nous voici repartis à bicyclette sur la route dite touristique qui longe la côte en direction de Bizerte et bordée d’hôtels grandioses encore peu investis à cette période de l’année. Hôtel Morjane, hôtel Montana … Le vent d’Est freine nos élans et je trouve parfois les petites pentes bien difficiles à gravir. Une fois de plus, avec nos vélos pliants hollandais au design très particulier, nous nous taillons un franc succès… de l’admiration à l’amusement « C’est quoi ça !!! ».

Heureusement, sur la route du retour, un arrêt bière « Celtia » locale à « La Maisonnette » nous redonne de l’énergie. Nous pourrons revenir chercher petits pois et fèves si nous le souhaitons dans la semaine. L’accueil est toujours empreint de gentillesse dans l’ensemble désintéressée. Parler avec des Français est, pour eux un réel plaisir.
Une grande journée excursion en voiture de location est prévue pour demain. Lecture instructive du guide.


Lundi 1er avril Les environs de Tabarka

« Voyage dans le temps ou comment Martine la douce romaine rencontre Petrus sur le forum »


7 heures, le réveil nous rappelle notre projet. Le ciel est clair. C’est engageant. Vite prêts. Guides et casse-croûte dans le sac. C’est finalement Europcar qui nous propose une Fiat Uno de 50000 km aux amortisseurs bien vétustes. Nous quittons Tabarka par la GP17 et nous nous retrouvons très vite sur une très belle route bordée d’eucalyptus qui nous élève très vite au-dessus de Tabarka. Puis les chênes lièges succèdent aux eucalyptus. Le paysage de montagne est très beau, verdoyant, boisé et fleuri. Les oueds parfois encaissés se succèdent, apportant beaucoup de fraîcheur aux vallons. AÏN DRAHAM nous apparaît plus comme un gros bourg de montagne, un peu particulier avec ses toits pentus de tuiles rouges que comme un village vosgien décrit dans un guide. En ce premier jour de classe après 2 semaines de vacances, il grouille d’enfants et de jeunes. Il en sera de même dans tout notre parcours dans la Kroumirie.

Nous voici arrivés à BULLA REGIA, site archéologique romain dont l’état de conservation de certains édifices nous surprend. Et c’est avec beaucoup d’émotion que nous parcourons ces ruines, cherchant à reconstituer le bâtiment initial et pleins d’admiration pour les procédés utilisés. Les toits voûtés sont superbes. C’est rare de retrouver, sans même que les ruines aient réellement été fouillées, des toitures aussi bien conservées.

Après BULLA REGIA, nous irons jusqu’à DOUGGA en parcourant le plateau cultivé de la Medjerda – de vastes étendues vert tendre de futures céréales. Le long de la route alternent troupeaux de moutons, quelques vaches gardées souvent gardées par le couple, groupes d’élèves très disciplinés et, de temps en temps un âne, un bourricot qui attend son maître pour le véhiculer.

DOUGGA, un site magique dans un cadre plein de beauté paisible, dans un état de conservation étonnant. Capitole grandiose, théâtre (au son aussi bien amplifié), arcs, temples, même des latrines communes. Difficile de ne pas se retrouver plus de 20 ans en arrière en parcourant ces voies pavées. Nous allons avec étonnement et admiration d’un édifice à l’autre avec, dans nos yeux, mille images de l’Histoire.

Le chemin du retour nous fera traverser Béja, toujours aussi animé avec une étrange cohabitation de l’Hier, vieux arabes, mouquères drapées dans leur voile blanc, arabas et du Demain, étudiants modernes, voitures…

Bonheur, de nombreuses cigognes dans les champs et élevant leurs jeunes dans leurs grands nids perchés sur des pylônes électriques.

En rentrant, Pierre ne résiste pas à l’envie de prendre la route de La Calle (35Km) et de Annaba. Mais la frontière est là. Nous sommes très bien en Tunisie.

Mardi 2 avril Tabarka ville


Demain, nous sortirons le bateau pour le carénage. Cette journée va donc en partie être dédiée aux différentes démarches. Le bureau portuaire, nous donne un imprimé où nous nous déchargeons l’administration du port de toute responsabilité en cas de dommages subits par le bateau pendant les diverses manutentions. Signature à faire valider par la mairie. Obligation de prendre une assurance spéciale. Le courtier en assurances par ailleurs très agréable nous soutire tout de même l’équivalent de 250 Euros pour une période de 8 jours. Ceci grève considérablement le budget de cette opération sensée être beaucoup plus abordable qu’en France. Nos petits vélos nous permettent de nous rendre rapidement d’un lieu à un autre en faisant attention au trafic un peu désordonné des rues. Des piétons surgissent de partout et traversent sans vraiment se soucier, les taxis jaunes s’arrêtent à tout bout de champ.

Au marché les côtelettes de mouton prévues se transforment en côtelettes de chèvre… qui se révèleront, au barbecue d u soir, plus fermes et moins goûteuses.

Toujours pas de convertisseur 300X. Nous avons l’assurance d’en avoir un de 150W. La recherche continue. Nous prenons possession de notre nouvelle imprimante suite aux dommages causé par « LA VAGUE ». L’Epson 890 tire aussi les photos sur un rouleau de papier. Après installation, Pierre tire ses premières photos … comme au Studio Profil de Toulouse… le marchand de corail et les chalutiers du port. Belle qualité.


Cette journée ne serait pas complète sans une bonne séance de bricolage. Pierre installe une nouvelle pompe pour la douche. Achetée à St Cyprien, l’installation est beaucoup plus capricieuse que prévu, donc beaucoup plus longue mais tellement romantique. Les notes de Chopin faisant écho dans le carré. Oui, le piano vient de faire son inauguration bateau. Une très belle sonorité dans l’atmosphère de bois du carré.


Mercredi 3 avril TABARKA zone technique de carénage

« Un voilier très « Côté Ouest » ou comment harmoniser LOGOS et la méridienne de Grand Mère ».

Toutes les formalités ont été faites, le rendez-vous pris. C’est donc ce matin que nous sortons Logos de l’eau pour lui faire sa toilette de printemps et le préparer à de bonnes glisses pour sa saison estivale.

8h30. prêts à être soulevés par une gigantesque grue plus habituée aux gros chalutiers qu’aux fins voiliers de plaisance. Un peu de vent mais des auxiliaires précieux sur le quai pour les amarres. Des pécheurs algériens venus ici pour retaper leur chalutier. Si ce n’était cette pluie froide qui se met à tomber avec abondance et nous oblige à mettre nos cirés. Trop tard pour les bottes, les pieds sont trempés. Inutile dans les manœuvres … et inquiète rajoute Pierre… je préfère aller inspecter le chantier ; le chalutier algérien, un autre chalutier qui termine son carénage et va être remis à l’eau. Deux couvées de poussins noirs s’abritent sous un vieux bateau à l’abandon. Dans un coin, quelques poteries, sortes de vases destinés à piéger les poulpes, sont entassées, encore pleine de pittoresque. Étant donné les prévisions météo, Logos est posé derrière un haut mur et protégé par l’île de Tabarka. Six gros bastins de bois ajustés à la coque par des coins («doucement ! C’est fragile le polyester !!! ». Je préfère me réfugier dans le bateau pour ne pas voir le spectacle du bateau soutenir par ces bouts de bois (qui se révèleront néanmoins très efficaces).°Et encore, j’oublie de décrire ce qui doit nous servir d’échelle pour accéder au bateau. Une construction de fortune digne de Robinson Crusoë à la quelle il manque même un barreau. Pendant que un de nos deux gardiens, Tahar, prend vite en main le Karcher pour enlever les algues et quelques rares coquillages qui se sont déposés sur la coque (merci Michel Moleur de St Cyprien qui a traité la coque anti-osmose et a mis un excellent antifouling) Pierre se démène pour aller acheter peinture, rouleau, et même lune tresse spéciale qui va servir à recharger le presse étoupe (joint qui doit empêcher l’eau de s’infiltrer le long de l’arbre d’hélice). Que tout cela fait archaïque et auberge espagnole. L’antifouling tunisien est réputé pour son efficacité, avec des produits prohibés en France pour la plaisance seulement. Déception, ils ne font pas de couleur bleue. Ils ne produisent que celui destiné aux chalutiers rouille vieux rouge. Peut-être que sa destination initiale va améliorer notre pêche. Le produit semble très efficace et très couvrant. Pas cher (6Kg pour 40 Euros).

À la faveur d’une longue éclaircie, sous l’œil professionnel d’Ali, Tahar lui donne son nouveau look de magazine que ne désavouerait pas Aurélie et Paul, sous l’œil admiratif des autres. Ici, lorsqu’une personne travaille, trois la regardent et deux se promènent en devisant.

A l’intérieur, Pierre change une vanne, s’active à la pompe tandis que les aiguilles à tricoter vont bon train. Une longue nuit d’inquiétude nous attend avec la menace d’u, très mauvais temps.

A la faveur d’une petite promenade nocturne, Pierre fait souvenir avec une vielle poterie à poulpe.

Le vent souffle très fort, l’orage gronde. Logos tremble sur ses bastins qui résistent. Difficile de ne pas penser, difficile ne pas imaginer que l’assurance n’a peut-être pas été prise inutilement. Difficile de véritablement dormir. Vivement demain.

Jeudi 4 avril Tabarka le quai

" Ça ne nous regarde pas !!! »

Pour mémoire, bilan financier du carénage
Grutage : 102,26 Euros
Calage : 93,60 Euros
Assurance spécifique obligatoire : 250,00 Euros
Peinture (6Kg) : 40,56 Euros
Main d’œuvre : 23,40 Euros



Le baro chute toujours 1000, 997, 996 …


Que d’expériences ! Ce n’est donc pas le privilège de la jeunesse.

Après la tempête affrontée la semaine dernière, c’est maintenant une nuit perchés dans la zone technique avec pour voisins de gros chalutiers et une BMS annonçant un fort vent d’Ouest à 40 Nœuds que nous venons de vivre. Une très longue nuit à écouter les moindres bruits de LOGOS. Un grincement, un sifflement, un frémissement un peu prononcé. Nous essayons d’évaluer la force du vent (40, 45 Nœuds). Les rafales sont violentes et font vibrer le mat. Va-t-il falloir l’assurer au sol par une drisse ? Le boîtier électrique est-il suffisamment abrité ? Que de questions dans la nuit !!! La pluie torrentielle n’incite pas à sortir. Et voici que le ciel se fâche encore plus. Éclairs et tonnerre ajoutent à l’inquiétude ! Le raccordement électrique est à l’image du chantier et ce baromètre qui continue sa dégringolade. Le violent coup de vent du lever de soleil nous annonce encore de belles perspectives. Il ne dure jamais longtemps mais c’est un signe qui trompe rarement. Il est urgent de remettre LOGOS à l’eau, fermement amarré à son appontement officiel N°4.

9 heures. Le bateau est de nouveau soutenu par les sangles de la grue, les dernières retouches de peinture effectuées. Les formalités de règlement nous font découvrir ce qu’est la gestion de ce port. Le secteur portuaire pêche veut bien accueillir les plaisanciers pour tout ce qui est travaux, donc rapport, mais veut ignorer ce qui se passe à la capitainerie plaisance. Nous paierons donc deux fois eau et électricité pour ce même jour !!! Si encore j’étais sensible au prestige de l’uniforme !!!

Logos retrouve son élément naturel. Le vent ne s’est pas encore relevé. Le bateau en profite pour se glisser entre de gros chalutiers pour remplir son réservoir de gasoil. Décidément, depuis son approche du chalutier de La Galite pour récupérer langoustes et poissons, il a de drôles de fréquentations. Le gasoil n’est vraiment pas cher (0,32 Euros contre 0,80 en France).

Logos a maintenant retrouvé son appontement et, sous l’œil très vigilant de Tahar et d’Abderhamane, ses défenses s’écrasent contre le quai sous les rafales et les trombes d’eau. Encore une nuit à écouter les pare-battage qui s’écrasent contre le quai en grinçant. Tahar nous a rajouté un pneu pour nous tenir à quelques centimètres du béton du quai.

Martine transforme le plan de travail de la cuisine en table à repasser un petit ensemble pour Manon qu’elle vient de terminer.


Vendredi 5 avril Tabarka

Le vent d’ouest a soufflé toute la nuit avec violence en rafales intenses, plaquant Logos avec force contre le quai. Heureusement que Tahar avait renforcé nos protections avec un pneu emmailloté d’un filet de pêche pour ne pas salir la coque. Les pare-battages se compriment en gémissant, les haubans sifflent. Nous sommes au fond du port et pourtant des vagues désordonnées s’agitent autour de la coque. Tout espoir d’une accalmie est vidé déçu. Le vent ne s’est éloigné en apparence que pour revenir avec plus de rage. On peut l’entendre au loin prendre son élan et préparer ce souffle puissant qui asservira tout sur son passage. Mais de quel mal souffre-t- il , ce vent, pour que cette brise légère qui sait si bien gonfler nos voiles avec de belles promesses de voyage devienne parfois bourrasques pleines de haine, raidissant sur son passage les corps à en faire mal. Pourquoi cherche-t-il à prouver qu’il est le maître ?

Difficile de dormir. Nous guettons les rafales, nous écoutons le moindre bruit différent. Lorsque Pierre sort, il rencontre le regard de Tahar qui veille.

Le lever du jour ne ramène pas le calme, ni le beau temps bien que le baromètre affiche so icône soleil avec un bel optimisme.

Samedi 6 avril Tabarka

« C’est ça le rendez-vous Arabe ! 21h30 pour 21h !

Quelle nuit !!! Un calme Olympien ! Pas un bruit, pas un mouvement. Après l’ouragan, tout semble s’être figé dans la sérénité. C’est un rayon de soleil qui nous sort de notre profond sommeil comme pour nous inviter à profiter d’une bien belle journée. Le ciel a retrouvé ce bleu intense méditerranéen qui parle vraiment d’ailleurs.

Nos courses dan s la ville sont un réel plaisir. Les trottoirs sont à nouveau grouillants, les terrasses de café se sont regarnies. Les chaises ont été tirées sur le seuil des portes pour mieux profiter de cette lumière revenue et, surtout, pour échanger quelques mots avec les passants. À Tabarka, tout le monde connaît tout le monde. Dès que nous croisons notre regard avec un Tunisien nous avons droit immédiatement à un sourire et un mot gentil. Nous sommes déjà bien connus.

Au marché, les fraîcheurs sont tentantes ; nous découvrons même le marchand d’olives. Il faut dire qu’ici, à part quelques rares enseignes souvent en français, il est difficile de situer un commerce si l’on ne jette pas un coup d’œil par l’étroite porte… C’est ainsi que je n’avais même pas remarqué la marchande de laine. Depuis, je me rattrape. La laine est fabriquée en Tunisie. Les couleurs sont tellement belles et puis, acheter de la laine au poids et en écheveau, cela paraît tellement désuet. La cabine dite « d’Arthur » va s’orner d'un joli rideau pour l’isoler du rangement du matériel. Nous faisons l’acquisition d’un tringle extensible.

Notre envie de bricks nous tenaillant, c’est chez Slimane, une petite gargotte, que nous nous faisons plaisir. Il ne faut pas hésiter à pénétrer dans ces petits « restaurants ». Aucun luxe mais ils sont si fiers de recevoir de touristes, français qui plus est qu’ils nous soignent comme ce n’est pas possible. Salade Méchouia, sauce aux petits pois, brick au thon et à l’œuf, eau minérale. Un régal pour 10 dinars (7,8 Euros) pour deux.

Une après-midi touristique nous attend. Il fait si beau. Montée au fort génois d’où on découvre le port et la côte. Promenade jusqu’aux aiguilles… On se croirait à Port Navalo avec tous ces promeneurs qui font le tour du phare. Ici, point de phare mais une longue promenade au bord du vieux port abandonné et partiellement ensablé, bordée de marchands de souvenirs. Aucune tentation ; même à la pensée des petits cadeaux que nous pourrions faire. Atroces !!!

Nous ne cédons à la tentation qu’au moment où nous passons devant une fabrique de cuirs. Notre élégant Arthur pourra frimer dans un beau blouson de daim (Antilope).

Le soir, un taxi jaune (uniquement intra muros) nous emmène à la discothèque « Le Pinn’s » sous l’hôtel Méhari pour l’ouverture d’un week-end Festival de Jazz. Rien à voir avec le véritable festival qui envahit la ville en été mais conforme à la tradition jazzy de Tabarka. Le retard de l’ouverture de la salle a justifié cette remarque de la part de deux jeunes étudiants très sympathiques (C’est un rendez-vous arabe ! Salle très confortable où se retrouve la « gentry » tabarcoise. C’est sûrement là qu’il fait être vu. Deux groupes de jazz très différents, l’un tunisio-algérien, très créatif, moderne maos très audible et un groupe arrivé directement de France et si traditionnels qu’ils sont restés scotchés à leurs partitions.

La noria de taxis nocturnes nous a permis de rentrer rapidement.

 

Dimanche 7 avril Tabarka

Promenade, farniente et petits bricolages.

Lundi 8 avril Tabarka

Le baromètre a à nouveau chuté. 1005 et affiche, menaçant, l’icône nuage pluie qui, dans son langage signifie mauvais vent. Il nous faut donc encore patienter un peu et peut-être prévoir l’excursion « Tunis Carthage depuis Tabarka. Et puis, il y a ce paquet que nous espérons, contenant le matériel endommagé par la vague que nous n’avons pas pu trouver sur place (téléphone de Martine et autoradio) déplorant les lenteurs de l’acheminement. Quelques courses en ville, renseignements pris auprès des taxi collectifs… Ici, beaucoup plus chic comme appellation puisque dits « taxi de louage ». 15 Dinars Tunisiens (11,7 Euros) pour tous les deux pour les 160 km qui nous séparent de Tunis. La compagnie d’autres passagers pourrait-être pittoresque et enrichissante !!!

Une nouvelle visite à la fabrique de vêtements de cuir pour récupérer le beau blouson d’Arthur. Pierre se laisse séduire par une belle peau (de bique ?) tannée. Elle va compléter notre décoration et orner nos coussins. Déjà quelques travaux couture aujourd’hui puisque la cabine d’Arthur s’est ornée d’un beau rideau cache matériel style bateau.

Mardi 9 avril : Vers Tunis

C’est Byzance à Carthage … Mais Didon, où est passé Enée ?

Fête nationale : Journée des Martyrs

8 heures du matin, sac au dos (de Pierre), avec K.Way, pique nique et le strict minimum pour une nuit à l’hôtel, nous voici en route pour la station des « louages » accompagnés de notre fidèle gardien, Tahar. Règle du jeu, le taxi ne part qu’avec ses 8 passagers. Nous n’attendons pas longtemps les 6 autres passagers. Jusqu’à Béja, la route est superbe, elle serpente entre les collines très verdoyantes en cette saison, enjambe les oueds bien alimentés en eau et passe au-dessus du nouveau lac de barrage, si récent que les arbres et les bâtiments noyés émergent encore. Il fera un magnifique plan d’eau qui complètera le potentiel touristique de la région. Après Béja, tout devient plus plat, ce qui permet à l’agriculture de s’intensifier, aux troupeaux de se densifier. Les oliveraies sont vastes et puis, peu à peu on commence à ressentir la proximité de la ville. Les échoppes le long de la route se spécialisent : boucheries, tôleries… Nous traversons « Saint Cyprien » (voisin de St Augustin). A 10h30 notre chauffeur qui avait su honorer notre présence à son bord par un programme musical et culturel français de Radio Tunis, nous débarque Place du 7 novembre 1987 (destitution du Président Habib Bourguiba trop vieux et très malade pour gouverner par M. Ben Ali), point de départ de la grande avenue qui porte son nom et aboutit à la Porte de France.

En taxi urbain jaune, nous partons immédiatement pour Carthage à quelques dizaines de kilomètres au nord pour 6 Dinars Tunisiens (4,7 Euros).

Comment imaginer que Carthage, ce haut lieu de la civilisation phénicienne construit sur la colline de Byrsa qui permet d’embrasser du regard toute la ville de Tunis en soit réduit à ces quelques ruines éparpillées ? Aucune vie ne leur a été redonnée. Décevant par rapport au site de Dougga. Il faut dire que Carthage n’est qu’une succession stratigraphique de destructions et de reconstructions par de nouveaux conquérants.

Le musée construit dans l’ancien couvent des Pères Blancs jouxtant les cathédrales de St Cyprien et de Saint Louis (très ressemblante à la basilique d’Hippone (Annaba ex Bône Algérie). Le Musée est cher et aussi décevant que les ruines environnantes. Il faudrait visiter tous les sites éparpillés dans Carthage mais le temps nous manque. Nous profitons du soleil pour déguster nos œufs durs aux allures d’ortolans. C’est Bysance…).

13h Gare du TGM rue « Augustin » (pas encore Saint) « Carthage Hannibal ». Train de banlieue rapide qui, pour 7OO millimes, va nous mener à Sidi Bousaïd.

Nous qui, depuis deux semaines vivons en dehors de toute foule, ignorant tout des groupes – pour ne pas dire troupeaux – de touristes, nous voici mêlés à cette faune très caractéristique pour la découverte de ce joli village si harmonieux dans l’harmonie de couleurs de tous les bâtiments : crépi blanc, volets, ferronneries, portes bleues, le bleu étant paraît-il la couleur qui repousse les mouches (ou tout au moins qui ne les attire pas, n’étant pas sensibles à cette couleur). Point de platanes ni de palmiers pour border la rue qui longe la grande rue mais des orangers en fleurs et en fruits. Quel parfum suave dans cette rue ! Comme cela semble être la coutume, un tunisien fait un brin de marche avec nous, plaisir de communiquer en langue française sans aucun doute.

Pierre n’a pas pu résister à l’appel du Ftaïr, beignet sucré dont il se régalait devant la Maison Tannières à Bône)

Une rue principale digne du Mont St Michel avec tous ces marchands du temple qui cherchent à nous attirer dans leur échoppe.

Très vite nous préférons des venelles plus désertes et admirons les belles portes cloutées et une vue sur le petit port, tout en contrebas. Il nous semble bien petit pour accueillir les 300 bateaux annoncés à moins qu’il ne s’agisse d’autant de barques de pécheurs ???

Une visite très intéressante de la maison Dar El Annabi (Dar = maison) nous fait pénétrer dans une demeure bourgeoise du XVIIIème siècle, avec ces pièces fraîches ouvrant sur un patio intérieur et la terrasse qui permet de profiter de la douceur du soir en devisant. Un thé à la menthe nous est offert et nous nous sentons pour un instant les hôtes de quelque Bey.

Le TGM nous ramène au centre de Tunis pour nous permettre de remonter l’Avenue Habib Bourguiba (ex Avenue Jules Ferry) avec le traditionnel arrêt à une terrasse de café. Déception Tunis n’étant pas considérée comme un site touristique, une bière ne peut qu’être consommée à l’intérieur, sans doute par respect religieux. C’est donc dans la fumée et le bruit que nous dégusterons notre Celtia. Notre chambre a été retenue à l’hôtel Transatlantique, rue de Yougoslavie, en plein centre, non loin de la Cathédrale St Louis, encore célèbre aujourd’hui pour le premier communiant qui gravit ses marches il y a quelques 70 ans (n’est-ce pas René ?).

La journée a été longue. Un bon couscous dans un petit restaurant de l’avenue H. Bourguiba et nous voici de retour à l’hôtel qui a appartenu à une chaîne célèbre du temps du Protectorat Français. Combien de travaux faudrait-il pour qu’il retrouve son lustre d’antan ? De belles faïences de Nabeul aux murs, un accueil agréable et une vaste chambre au 3ème étage.

Mercredi 10 avril Tunis

Ce matin, nous plongeons au cœur de la vie tunisienne en commençant notre journée par une visite au Marché Central qui pourrait ressembler aux anciennes Halles de Paris. Que de couleurs, d’odeurs subtiles. Les poissons à l’œil encore vif luisent sur les étals artistiquement présentés. Les légumes et les fruits forment des pyramides joliment colorées. Et puis, il y a ces sacs d’épices, d’olives et de graines qui forment comme un tableau plein de chaleur, flattant à la fois la vue par ses tons ocres et rouges et l’odorat qui s’enivre de tous ces arômes mêlés. Difficile de résister à la tentation.

Dans un autre secteur, des tas de fleurs d’oranger et de pétales de roses flattent nos narines. C’est surprenant de voir ces dames acheter ces fleurs au poids. Nous devons nous contenter de quelques pieds de basilic pour compléter notre jardinière de bateau. Nous apprécions de nouveau la gentillesse des tunisiens, le marchand de plantes partageant avec nous son morceau de Kesrah, galette à la semoule.

Nous voici maintenant Porte de France, prêts à pénétrer dans la Médina, dédale de ruelles étroites, certaines couvertes, ville en elle-même autrefois, aujourd’hui centre commercial plein de vie et de mystères. On pénètre dans le royaume des artisans, des authentiques commerçants, là où le terme Souk prend toute sa connotation touristique et n’est pas sans rappeler les échoppes du Moyen Age. Il y a le Souk des orfèvres, le Souk de la laine, le souk des Celliers, le Souk des femmes…, chacun groupé autour d’une Mosquée. Les noms des ruelles sont également très pittoresques et toujours ces minuscules boutiques pleines de couleurs et de marchandises variées. Une ruelle entraîne vers une autre et c’est un peu grisés que nous cherchons la porte qui nous ramènera vers la ville moderne. Au passage, nous sommes happés et entraînés dans la visite du palais d’Orient au 58 du Souk el Leffa, ancienne demeure de Bey qui vivait ici avec ses 4 femmes et partageait son lit style Roccoco avec les 4 à la fois. La favorite de la semaine plus près de lui et un rideau les séparant des trois autres… Drôles de mœurs, infinie soumission des femmes dont le seul soleil et regard ne pouvait être que celui de l’époux macho, entièrement livrées à son bon vouloir… Une terrasse en vielle faïence domine la ville et permettait de longues soirées dans la fraîcheur de la nuit.

Nous nous familiarisons avec l’art du tissage des tapis et les traditions liées aux motifs et couleurs de chaque tapis.

Le Kilim berbère tissé et réversible pour servir à la fois de tapis et de couverture.

Le Mergoum, tapis tissé, rebrodé et noué. Les motifs représentés sont autant de symboles. La main de fatma, porte bonheur, l’escalier symbolisant la montée au paradis, le signe de la femme mariée, personnel à chaque femme et ressemblant au signe tatoué sur son front.

Les couleurs sont autant symboliques, privilégiant le vert associé au paradis et le blanc, symbole de pureté et d’égalité dans le coran. Le rouge est destiné au tapis réalisé par une jeune fille pour son mariage.

Avant de quitter ce petit microcosme que forment les souks, une bonne brick à l’œuf et au thon dans un restaurant très propre du souk el Belat accompagné d’eau… Nous en sommes au 3ème repas sans une seule goutte de vin !!!

Découverte du métro de Tunis pour nous rendre au Musée du Bardo, en fait un tramway vert qui part de la station Barcelone nous emmène au Bardo pour 400 millimes. Trois longues voitures, quelques places assises. L’occasion de compléter notre aperçu de Tunis avec un voisin très serviable qui va nous accompagner jusqu’au musée.

Le musée du bardo, anciennement palais pour les chefs Hafsides, puis les Beys aujourd’hui siège du Parlement et du Musée.

Quelle collection de mosaïques, toutes d’une excessive richesse et récupérées dans les sites archéologiques de Tunisie.

Les murs sont recouverts d’autant de tableaux de pierre. Scènes mythologiques, scènes de la vie quotidienne et un étonnant bestiaire accordant une grande place à la mer. Quelques statues gigantesques ou fragments de statues (pieds et têtes) évoquent la démesure qui prévalait lorsqu’il s’agissait de représenter les Dieux Romains. Et c’est une étrange vision que d’imaginer le Capitole de Dougga flanqué de ce gigantesque Jupiter de 6m de haut. Nous nous familiarisons aussi avec l’antiquité punique et les dieux carthaginois, Baal Hammon, dieu protecteur et Tanit, déesse maternelle.

19h 30, le « louage » nous ramène « chez nous ».

Jeudi 11 avril Tabarka

Malgré un timide soleil et une chaleur que l’on pourrait associer au beau temps, le baromètre est très pessimiste et annonce une fois encore une dépression. Pas de départ aujourd’hui et l’attente de ce paquet. Le facteur a bien apporté le courrier réexpédié de St Cyprien mais toujours pas ce colis. Il faut savoir être patient. Quelques courses en ville. Il fait de plus en plus chaud. Un coup de sirocco qui entraîne avec lui une pluie de sable pulvérulent du Sahara et qui recouvre tout d’une fine couche de poussière ocre. Le ciel est plombé, uniformément gris jaune enveloppant tout d’une vague lumière blafarde. Le baromètre continue de descendre et la chaleur de monter.

16h30 31°, Baro : 987. Il va sûrement se passer quelque chose.

18h le vent tourne et vient du nord. Il souffle en courtes et vives rafales. Pierre et Tahar craignant l’amplitude du vent renforcent les amarres de Logos. Il est maintenant tenu en 4 points, 2 au quai, 2 à la bouée.


Vendredi 12 avril Tabarka

Hélène fête son demi-siècle

Notre baromètre est au beau, la pression remonte, l’icône soleil s’est affichée et pourtant le ciel est pesant, d’un gris menaçant. Le baromètre, tout comme son horloge radio commandée se serait-il mis au temps de la France ? Nous allons encore attendre et effectuer quelques bricolages. Le néon du carré a donné des signes de faiblesse. Un de ses composants électroniques a fumé. Et nous avons pu enfin isoler la présence constante d’eau douce dans les soutes. Un réservoir donne des signes de vieillissement et suinte doucement. Tentative de réparation à compléter ultérieurement. Le vent du nord vient montrer au vent du sud qu’il est le plus fort. Le linge lavé flotte au vent mais il pourrait bien s’envoler tant le souffle est puissant. Il commence à me fatiguer ce vent !

Le Muezzin, ou plutôt le haut-parleur d’en haut du minaret de la mosquée débite ses litanies du vendredi. Cela paraît étrange ces journées ponctuées à cinq reprises par les appels à la prière. C’est comme une longue plainte. Il semble souffrir.

Moi je préfère les accords mélodieux de Chopin ou Debussy. Quel bonheur qu’Aurélie ait préservé les partitions de ma jeunesse que je retrouve avec infiniment de plaisir (NDLR et que j’écoute avec beaucoup de bonheur). Et puis, Rameau au clavecin, quelle élégance !


Samedi 13 avril de Tabarka à Bizerte


Ce matin, nous quittons Tabarka. Notre « télévision » (non, pas cet engin qui ne nous manque pas mais notre baromètre avec ses indications animées) a un programme engageant. Nous sommes passés de 993 à 1009. Nous venons d’apprendre que le paquet est retenu à Tunis depuis deux jours parce qu’il contient un téléphone GSM destiné à remplacer celui qui a été noyé par La Vague. Seuls les douaniers de Tunis sont habilités à le dédouaner. Pays paperassier, héritage malheureux de la France !!!

Depuis 2 semaines, nous commencions dans ce petit port à prendre des habitudes de sédentaires avec nos petits commerçants favoris qu’il fallait mériter tant leurs échoppes sont discrètes. Ce n’est que tardivement que nous avons découvert le pâtissier vendant pour pas cher d’excellents makrouds et baklawas.

Abderhamane et Tahar qui se sont si bien occupés de Logos sont tristes de nous voir partir. Nous avons même droit à une belle chorba (soupe) que nous mangerons plus tard. Ils ont bien mérité un remerciement en dinars. Ne pas oublier la discrète et efficace Sihem qui gère la capitainerie. Elle fut une présence élégante et rassurante tout au long de notre séjour. Nous avons pu converser avec Monsieur le Directeur du port de plaisance. Notre constat se rapproche en tout points du sien en ce qui concerne la protection indispensable de la jeunesse de ce pays. Il sait que le concept de valeur morale et d’honnêteté n’a d’efficacité que si elle est inculquée et maintenue dans une relation parentale dominant les méfaits de la contamination médiatique. C’est véritablement un Honnête homme et un Humaniste que nous avons découvert trop tardivement.

L’accueil fut si bon à Tabarka que nous ne sommes pas sans songer à une autre visite possible.

Poussé par un petit vent d’ouest, Logos s’éloigne de Tabarka. Son génois se gonfle, peu à peu sa vitesse s’accroît. 7 nœuds, 8 nœuds. Nous ferons même une pointe à 9,6 nœuds. Il semble heureux d’avoir retrouvé son élément et de bénéficier de ce nouveau carénage fait à Tabarka. L’antifouling trouvé sur place semble remarquable d’efficacité. Le bateau glisse fièrement, écarte les vagues sur son passage. La surface de la mer est encore très tourmentée. Les vagues s’animent dans un désordre que l’on voudrait parfois un peu réprimer. Nous longeons la côte bordée de hautes dunes recouvertes d’une épaisse végétation sur les sommets. De longues plages invitent au farniente mais la mer est encore trop froide (18°) et trop agitée. Nous doublons le Cap Nègre, le Cap Serrat. À part une petite accalmie qui nous a obligé à remettre le moteur, le vent (force 7) dans le génois nous propulse à vive allure. Nous avons connu pire. Pierre se plait à surfer sur ces vagues. Nous serons à Bizerte ce soir après 65 milles parcourus en un temps record (tout est relatif à la voile !!!) et sans rencontrer âme qui vive. Nous imaginons les gardiens des sémaphores se signalant le passage de ce voilier français.

19h30 : Les lumières de Bizerte. Il faut déjà être arrivé dans un port inconnu ou presque pour avoir conscience des difficultés de repérage des lieux, les éclats rouges et verts se mêlant aux lumières de la ville. Deux éclats verts, dix secondes d’extinction et à nouveau deux éclats. Nous sommes dans la bonne direction mais il vaut mieux éviter une longue digue qui barre l’entrée du port pour accroître sa protection. Un appel à la VHF a prévenu la capitainerie de notre arrivée. Des lampes électriques s’agitent pour nous diriger. Le vent souffle toujours très fort, même dans le port et c’est solidement amarrés que nous pouvons profiter de la bonne chorba donnée par Abderhamane et des rognons achetés au marché mais cuisinés au Madère chocs et complémentarité des cultures.

Dimanche 14 : Bizerte

Vite, au réveil, un coup d’œil à ce port dont nous avions l’image en mémoire depuis 4 ans mais que nous n’avons pu que recréer cette nuit. Une large avenue bordée de palmiers avec, en arrière plan, les élégants bâtiments blancs et bleus, vestiges bien entretenus du temps oùBizerte était une très importante base maritime française, devenus sièges administratifs.

Le port de plaisance a conservé toute l’élégance passée. Plusieurs voiliers sont encore en hivernage, d’autres de passage dont deux bretons, appontés à la bretonne, le nez contre le ponton qui arborent fièrement le pavillon breton. Première mauvaise surprise, la pompe à eau de mer fait des caprices. Un excès de peinture a-t-il obstrué son orifice ? Pierre plonge pour son premier bain dans une eau à 18°. Tout va bien de ce côté, le problème est interne. Un tuyau qui, avec les ans s’est trop aplati. Deuxième mauvaise surprise, le ponton n’a ni eau ni électricité. Aux manœuvres dès le réveil. Nous voici maintenant juste à côté d’une imposante et rutilante vedette de la garde nationale. Serons-nous bien gardés en ce lieu qui fût autrefois un repaire de pirate, s’appropriant bateaux, équipage et passagers. Il flotte néanmoins dans l’air un côté flibustier qui nous change de Tabarka. Nos chevaux à pédale nous mènent rapidement au marché. Il nous tardait de revoir ce marché aux poissons avec ses magnifiques « dentis » qui nous avaient impressionnés lors de notre première visite. L’heure est un peu avancée, les étals clairsemés. Nous reviendrons plus tôt. Un petit tour dans les ruelles étroite de la kasbah qui, exception, ne comporte pas de commerces. Les souks, après l’opulence de ceux de Tunis nous paraissent pauvres mais il reste la beauté du vieux port abritant de belles barques colorées au pied des remparts. Quelques « arabas », plateaux sur essieux de voiture tirés par un bourricot circulant parmi les voitures et illustrant une fois de plus la juxtaposition de deux mondes, de deux époques tout comme ces jeunes filles en jean moulant croisant de vielles femmes drapées dans leur grand voile blanc (haïk). Après midi et soirée paisible sur le bateau.



Lundi 15 avril : Bizerte Tunis Bizerte

Ce matin, une épreuve de force nous attend, nous allons tenter de récupérer le paquet expédié 2 semaines plus tôt par Paul.

Il était bloqué à la douane du centre de tri postal principal de Tunis. Un GSM est une denrée très surveillée et très taxée en Tunisie. 140 km, une très belle campagne traversée avec 2 voitures de louage, puis 2 taxis urbains, 21 Dinars Tunisiens (19 Euros) - heureusement, les transports sont peu onéreux - une matinée complète, 5 bureaux, 10 signatures, 10 présentations du passeport, il aurait fallu en plus une autorisation spéciale du Ministère des Communications tunisiennes, moyennant taxes et délais, puis payer la douane. Une demi-heure de palabres avec le grand chef des douaniers (3 étoiles), une argumentation à l'orientale concernant la qualité de l'accueil tunisien mise en défaut sur ce coup là et bien d'autres arguments encore, le chef a finalement accepté d’enfreindre la sacro-sainte bureaucratie et de ne faire seulement mention sur le passeport de Pierre (normal, c'est l'homme) de ce matériel.

Nous comprenons mieux pourquoi le GSM de Pierre faisait autant d'envieux. Tabarka, c'était ne pas songer aux tracasseries administratives. Nous imaginons aussi la tête des douaniers devant les deux modèles de layette joints par Aurélie dans le paquet. Quels codes secrets se cachent derrière ces indications... Peut-être qu'ils ont fini par le lire et le comprendre avec le cœur, ce dont ils sont néanmoins capables.

Paul est rassuré et nous ne nous attardons pas à Tunis, satisfaits d’avoir rempli notre objectif. Au retour, nous avons plus de loisir pour admirer la campagne, malheureusement trop sèche dans cette région. Les blés sont brûlés. Le manque de tourisme se fait sentir. L’année va être difficile pour la Tunisie. Nous longeons le lac de Bizerte, vaste plan d’eau jadis ouvert sur la mer et qui abrite des élevages d’huîtres, assez chères par comparaison à la France.

Nul besoin de dire que notre après midi fut consacré à nos retrouvailles avec nos appareils. The Entertainer a remplacé la Bamba pour la sonnerie du téléphone et nous pouvons à nouveau faire notre programme musical. Nous pensons partir demain mais pas question de faire les formalités ce soir… cool cool à la capitainerie. Nous verrons demain !

Mardi 16 avril : Bizerte

Un léger crépitement sur le roof. C’est étrange, d’habitude c’est la coque qui crépite par un phénomène d’électrolyse disent les scientifiques.

En fait, il s’agit de gouttes d’eau sur les hublots ? Nous retardons notre départ à demain et nous nous octroyons une journée de farniente. Une visite au marché. L’étal des poissonniers est décevant et le poisson est très cher. Que s’est-il passé en 4 ans ? Subissent-ils le contre coup des ravages faits par les pêcheurs italiens.

Nous rendons alors visite au boucher. Le courrier à poster me fait découvrir la goujaterie de certains hommes ici qui, sans vergogne et surtout sans aucun respect, passent devant les femmes qui attendent sagement devant les guichets. Pierre, resté dehors pour garder les bicyclettes qui font vraiment beaucoup d’envieux ici m’aurait conseillé sur la conduite à tenir. Dans l’ignorance, je laisse faire mais il me serait difficile d’être aussi docile si je vivais ici. Nous rencontrons un couple de Hollandais d’un voilier voisin. Eux aussi attendent un vent favorable pour aller passer quelques temps en Espagne après avoir hiverné à Bizerte. Étrange chassé-croisé.

 

 

Mardi 16 avril 2002 Bizerte

Un léger crépitement sur le roof. C’est étrange, d’habitude c’est la coque qui crépite par un phénomène d’électrolyse disent les scientifiques. En fait, il s’agit de gouttes d’eau sur les hublots ! Nous retardons notre départ à demain et nous nous octroyons une journée de farniente. Une visite au marché. L’étal des poissonniers est décevant, le poisson est très cher. Que s’est-il passé en 4 ans ? Subissent-ils le contre coup des ravages faits par les pêcheurs italiens. Dépités, nous rendons visite au boucher. Le courrier à poster me fait découvrir la goujaterie de certains hommes ici qui, sans vergogne et surtout sans aucun respect, passent devant les femmes qui attendent sagement devant les guichets. Pierre, resté dehors pour garder les bicyclettes qui font vraiment beaucoup d’envieux m’aurait conseillé sur la conduite à tenir. Dans l’ignorance, je laisse faire mais il me serait difficile d’être aussi docile si je vivais ici. Nous rencontrons un couple de Hollandais d’un voilier voisin. Eux aussi attendent un vent favorable pour aller passer quelques temps en Espagne après avoir hiverné à Bizerte. Étrange chassé-croisé. Ils apprécient Bizerte, nous pas. Ici, beaucoup d’indifférence, un je m’enfoutisme ambiant qui nous change de Tabarka. Chacun s’efforce d’en faire le moins possible et nous restons étrangers dans ce port qui rappelle les heures de gloire du protectorat français.


Mercredi 17 avril 2002 De Bizerte au Cap Bon

Escale à l’île de Zembra

8 heures. Nous sommes prêts à partir. C’était méconnaître la précision horaire des policiers. Pierre a attendu une heure l’arrivée d’un policier soit disant occupé à contrôler un Ferry pour lui présenter tous les papiers… et le téléphone.

Après une lecture attentive dans les deux sens des deux passeports, les fameux cachets sont enfin apposés. L’odyssée d’un GSM Siemens va peut-être bientôt se terminer.

9h30 Désappontement homérique. Le gardien a fait ce qu’il a pu pour nous aider et nous avons failli nous scotcher contre la belle vedette de la Garde Nationale. Ce qui nous a valu de frôler les cordages des bateaux de pêche. En marche arrière ça aurait pu faire du mal à notre arbre de transmission. Ne pas forcément faire confiance à ceux qui nous aident.

Vent ¾ arrière pour ne pas changer, mer roulante. Le génois se gonfle et nous filons à vive allure.

18h Nous jetons l’ancre dans l’île de Zembra à 10 milles du Cap Bon. Un très beau site où nous aurions aimé plonger. Nous sentions bien que les langoustes avaient les antennes frémissantes. C’était oublier que nous étions encore en Tunisie. À peine arrivés, visite à bord des gardes de la Marine cette fois. Ils sont repartis bredouilles malgré une deuxième tentative de participation à l’apéritif. Malgré l’interdiction qui est faite de mouiller, ils nous ont tout de même autorisés à passer la nuit.