Mise à jour : 2015
___ Les carnets de bord de Martine___

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Carnet de bord 2002

L'archipel maltais

 


Mercredi 24 Avril 2002 De Pantelleria à Malte

6h30 Un petit tapotement sur la coque. Eckhart et Sigrid, nos voisins allemands nous réveillent comme convenu. Ils partent vers la Sicile et ont le temps d’admirer Manon via la photo reçue par Internet. Le soleil se lève, un petit vent de Nord Ouest nous invite au départ.

Belle navigation. Poussés par le vent. Le génois tire Logos. Ils semblent s’entendre parfaitement depuis le début de notre longue croisière. Depuis que nous avons fait confectionner un élégant easy bag bleu marine pour recevoir « Mémère » (c’est ainsi que Pierre appelle très respectueusement la grand-voile), elle est devenue très casanière et « pépère » le moteur ne fonctionne que de temps en temps pour recharger les batteries et, plus spécialement, celle qui alimente le pilote. C’est donc le vaillant « gégène » (quelle famille !!!) qui se taille la part du lion et nous mène à vitesse presque constante (de 6,5 à 8 nœuds) d’escale en escale.

Le grand calme de cette traversée nous permet de lire pour commencer à nous imprégner de l’Esprit de Malte et aborder cette île nouvelle pour nous en connaissant son histoire un peu mythique. N’oublions pas le tricot. Entre ses deux grands-mères, Manon va pouvoir jouer les grandes élégantes en matière de layette.

Toujours cette impression d’immensité. S’il n’y avait pas tous ceux que la pensée et le cœur évoquent, nous aurions le sentiment d’être seuls au monde. Une seule vedette nous dépasse à vive allure vers 18h. Ils seront à Malte pour l’apéro. Nous y serons pour le petit déjeuner !!!

20h nous commençons à prendre nos quarts mais avec un drôle de sens des mathématiques. Un quart de Martine équivaut à deux quarts de Pierre. Mais quel quart !!! L’œil rivé sur l’horizon. Lui, il batifole, un œil sur l’ordinateur qui affiche notre route, l’autre sur le pilote pour rectifier de 1 ou 2 degrés notre trajectoire.

Jeudi 25 avril 2002 Malte

1 heure du matin : Les lumières de Gozo nous signalent la proximité de la terre. Dans la nuit, c’est rassurant.

6 heures : Le jour se lève pour nous permettre de mieux nous situer pour arriver à La Valette (Valletta en maltais). Nous entrons dans le port, guidés par la vedette de la marine qui a répondu à mon appel VHF. Il est vrai qu’avec mon Anglais, je dois inspirer confiance ! Pénétrer au petit jour dans ce port chargé d’histoire et encore sous ses lumières nocturnes est un instant magique.

6h 20. Nous appontons au quai d’attente de la douane. Contrairement aux bruits qui courent, les formalités seront très réduites et effectuées avec beaucoup de gentillesse. C’est même le « Berthing Master », déjà contacté depuis Saint-Cyprien qui nous indique notre ponton. Quel port ! Très chic, bien protégé, bien surveillé dans un très beau cadre où tout semble fait pour rendre notre séjour agréable. Même le fuel vous est porté à domicile sur le ponton par un camion citerne. Confort très apprécié qui nous évite un appontement parfois délicat auprès des stations de carburant.

Première approche de la ville à bicyclette, à la recherche d’une agence de voyages. Denrée rare. Les Maltais semblent si heureux dans leur archipel constitué de 5 îles dont seulement 3 habitées. L’île de Malte, la plus grande, a la superficie du Val de Marne. Qui donc aurait l’idée de ne jamais s’en échapper ???

Nous découvrons partout l’empreinte de l’Angleterre. Bien sur la langue, un régal pour moi, les enseignes et puis ces vieux autobus jaunes et blancs Leyland ou Bedford, tout droit sortis des années 50. Quelques barques très colorées aux allures de gondoles vénitiennes, les Luzzi, mettent une touche d’exotisme dans le port. Il n’y a pas que l’Anglais ici, il convient de se familiariser avec le Maltais, langue pleine de saveurs par son métissage linguistique avec une forte influence de l’Arabe, empreinte laissée par l’époque où Malte n’était qu’un repaire de corsaires Barbares.

Première dégustation de la bière maltaise « Cisk Lager » . Depuis Tabarka, c’est notre premier farniente malgré quelques gouttes de pluie à la terrasse d’un café.

Soirée paisible à bord pour préparer les visites de demain. Pierre pense à tous ces noms et ces visages familiers qui lui rappellent ceux rencontrés quotidiennement à Bône.


Vendredi 26 avril : VALLETTA

Nous changeons de ponton pour une place où Logos pourra nous attendre sagement pendant notre escapade parisienne. Il faut dire que tous les bateaux hivernés à terre retrouvent avec bonheur leur élément nautique et reprennent peu à peu vie pour la saison estivale. Nous voici donc au ponton F, bien enfoncés dans la Marina, à portée de cloches de l’église St Joseph. Inutile de rechercher un responsable pour gérer Logos en notre absence, Le big boss de la Marina avec une grande gentillesse nous propose de jouer ce rôle. Son bateau, un Bavaria Holiday est aussi sur le même ponton. Il n’était vraiment pas obligé de le faire.

Le restant de la journée sera occupé à rechercher un vol pour Paris ; Air Malta ne propose des vols qu’en fin de semaine. Ce sera donc pour demain. Pas question en effet d’attendre une semaine de plus pour connaître Manon.

Samedi 27 avril de VALLETTA à PARIS

5h30 réveil. 6h15 : un taxi nous charge à la grille du ponton. Quel confort. Et nous voici en route pour Luga International Airport où un Boeing 731 va nous emporter vers Paris. Le survol de l’Archipel nous fait découvrir une île fortement urbanisée, de petites maisons carrées sans toitures mais dont l’unité de couleur pierre génère une harmonie agréable à l’œil. Il n’en sera pas de même à l’approche d’Orly.

12h. Jacky est là pour nous accueillir.


De CHAMPIGNY (France) A VALLETTA (Malte)

Derniers regards attendris posés sur Manon que nous trouverons bien changée à notre prochaine venue, elle que nous avons déjà vue s’éveiller en 3 semaines. Heureusement qu’il y aura les photos. Nous savons Lili et Paul si heureux et dans un cadre très agréable où il fait bon vivre. Nous pouvons en témoigner. La voiture est chargée. Tiens nos bagages ne se sont pas allégés !

Du matériel pour le bateau, des guides pour moi et même des plaques de bois pour que Pierre transforme des penderies en placard à étagères. Le bateau est toujours en aménagements. Son adaptabilité à nos besoins est remarquable. Paul nous laisse à l’aéroport avec une marge horaire appréciable et 60 kg à enregistrer. Air Malta est tolérante avec la surcharge. Merci à tous de ces quelques jours pleins de tendresse. Certes, nous repartons mais avec le sentiment que, pour le cœur, l’absence ne se chiffre pas… Un regard, quelques mots et nous avons l’impression qu’il s’agissait d’hier.

Envol 12h50. Sur le ponton à 16h30. Mais où est Logos ? Il a simplement changé de côté. De tribord, il est passé à bâbord. La menthe et le basilic commençaient à s’impatienter, ils avaient très soif. Seule une épaisse poussière rouge témoigne d’un fort vent de sable en notre absence. Logos aura mérité un bon lavage avant de partir vers de nouvelles explorations. Le port de Msida présente toujours le même charme.

Les bateaux se sont animés et préparés à reprendre leurs courses folles avec, à leur bord, de bien sympathiques retraités avides de découvrir des horizons nouveaux. Les uns vogueront vers la Grèce, d’autres vers la Sicile, la Sardaigne. Origine London, Capetown… Apparemment, nous devons être les seuls français.

Vendredi 17 mai : MSIDA MARINA VALLETTA

Paisible journée passée à bord. Rangements, installation du nouveau matériel, bricolages et préparation de notre escapade routière de demain.

Samedi 18 mai Découverte de l’île de Malte

« À la découverte de la spiritualité maltaise, l’angoisse au ventre »

Quelle journée ! Découvrir l’île de Malte en voiture relève véritablement de l’exploit tant allier conduite à gauche, commandes à droite, maltais roulant … au centre, étroitesse et mauvaise qualité des routes… est chose difficile et épuisante pour le novice. Quiconque connaît l’attirance de Pierre, en France, pour la file de gauche et son adaptabilité à toute situation peut être surpris et pourtant, c’est avec un profond soulagement qu’il a restitué la voiture de location en bon état… et nous aussi ! Heureusement, l’Esprit Saint de la Pentecôte devait veiller sur nous sur cette île où le spirituel est partout présent depuis les sites Mégalithiques qui jalonnent l’île : TARXIEN, HAGÄR QIM, MNAJDARA…

Il se dégage de ces lieux une spiritualité puissante, écrasante. On se sent tout petits, très humbles au milieu de ces énormes pierres dressées pour l’éternité en un savant ordonnancement par des hommes qui ne possédaient même pas encore la technique du métal. Quel savoir ils avaient déjà acquis ! S’il avait pu nous être transmis ! Les sites bretons semblent bien petits en comparaison.

Et puis ces églises baroques, toutes plus riches les unes que les autres, richesse parfois émouvante, souvent trop exubérante pour réellement élever le cœur et l’esprit : l’église Ste Catherine de Zeiftun, la Cathédrale St Paul de Mdina, St Jean de Valletta. Que d’or, de décors somptueux cherchant à exprimer la force d’une foi soutenue par l’empreinte des Chevaliers de l’Ordre de Malte. Leurs pierres tombales en marbre polychrome, semblables à d’immenses cloisonnés, forment, par l’harmonie de leurs couleurs orangées et noires, un magnifique tapis.

Sans oublier les statuettes religieuses qui ornent de nombreux coins de rues et maisons et les images pieuses exposées dans chaque boutique… et même parfois dans des lieux surprenants (WC publics par exemple). Il faut dire aussi qu’à Malte, tout est pèlerinage sur la trace de St Paul, l’apôtre des Gentils (un petit clin d’œil à notre Paul bien aimé et Saint à nos yeux…. ) qui, en six mois après son naufrage sur la côte maltaise, a su laisser une empreinte indélébile. Les prouesses des Chevaliers de l’Ordre de St Jean de Jérusalem exacerbent, quant à elles, tout esprit romantique.

Dimanche 19 mai MSIDA MARINA

Il nous faut bien une longue journée pour nous remettre de nos exploits routiers et organiser les souvenirs engrangés.

Logos fait sa grande toilette. Nous flânons.

Lundi 20 mai VALLETTA

Aujourd’hui, visite approfondie de Valletta. C’est en autobus, un antique BEDFORD appelé PARADISE, que nous gravissons la colline où se dresse la cité de Valletta (du nom du Grand Maître Jean Parisot de La Valette) enfermée dans de hautes murailles protectrices et gardées par le Fort de St Elme – parcours vivant, guidé par les Chevaliers de Malte qui nous mènera de la Cathédrale St Jean, austère bâtisse en pleine ville dont l’opulence intérieure désarçonne un peu et évoque plus un riche palais qu’un lieu de culte.

Le Musée nous permet d’admirer le St Jérôme et la décapitation de St Jean Baptiste par Le Caravage qui a su si bien gérer la lumière pour donner réalisme et profondeur à ses tableaux.

Une petite déception au « Palais des Grands maîtres ». Le Président de la République Maltaise y tient conseil ce jour là. Nous devons nous contenter de l’armurerie, riche en armures impressionnantes, arbalètes, canons et évocatrice de ces tragiques batailles dont Malte est toujours sortie vainqueur : les Turcs avec Dragut le Corsaire envoyé par Soliman le Magnifique, Napoléon, vaincu par Nelson,… Tout dans Valletta sent la poudre à canon. Fascinés par tout le poids de l’histoire des Chevaliers de Malte, nous trouverons quelques illustrations plus concrètes dans un parcours animé retraçant leur épopée, puis dans un très grand diaporama, spectacle audiovisuel qui nous a permis de nous plonger dans le passé de Malte et de mieux comprendre l’enjeu que représentait cette petite île, jusqu’à même le passé récent de la guerre 39/45. Malte y fut bombardée avec une féroce intensité par l’Allemagne et l’Italie sans que jamais les Maltais ne capitulent. Il nous sied à tous deux d’appréhender l’Histoire de façon concrète et de donner relief et vie à ce que nous avons appris dans les livres….

Retour vigoureux sur la Marina, toujours dans nos vieux bus anglais, aussi vétustes que ceux qui ont été légués à Hong Kong, mais à un seul étage, sous l’œil protecteur de la Madone, du Christ, de St Paul, de St Jean…. Le chauffeur manie son antique levier de changement de vitesse, habilement ressoudé, tout en allumant une cigarette et téléphonant. Quel mélange étonnant que ces restes de vieille Angleterre adaptés au comportement méditerranéen. Les Maltais sont des gens d’une extrême gentillesse, juste exubérants pour marquer leur origine méditerranéenne mais capables d’une remarquable retenue qui leur permet de manier l’humour avec une grande sensibilité.

Mardi 21 mai MSIDA MARINA

L’envie de partir dans les criques maltaises a été tempérée par un petit orage matinal. Nous finissons notre programme d’aménagements et nous renouons avec le plaisir d’écrire.

Mercredi 22 mai MSIDA MARINA

Quelques courses, un approvisionnement, un boulanger itinérant, un boucher sympa. La coque frémit. Derniers préparatifs. Apéro avec nos voisins de ponton, Matt et Konni de KAMU II Bateau acheté en Italie bien que d’origine française. Deux sympathiques Sud Africains d’origine Allemande qui bourlinguent à travers la Méditerranée. On pourrait se revoir la semaine prochaine dans une crique de Comino. Ils remontent vers la Corse pour être à Bormes les Mimosas fin juillet.

Des nouvelles par e-mail de Chou-Chou III et de Mitch (rencontrés à Pantelleria)

Jeudi 23 mai de Valletta à Santa Marija (île de Comino)

Nous voici prêts à quitter ce port de Valletta où Logos avait trouvé un refuge sûr pendant notre douce escapade parisienne. Chris qui nous avait si aimablement accueillis est là pour nous souhaiter bon vent. Avec un clin d’œil, nous l’invitons à nous suivre sur notre site Internet pour parfaire son français… En fait il parle un Anglais d’excellente qualité (NDLR : Je le comprends aussi). Derniers regards sur ces murailles qui ont vu passer tant de voiliers.

Le vent est bon et, une fois de plus, gonfle « Gégène » plein arrière. « Mémère » restera encore dans sa housse. Toujours très influencés par la richesse côtière des Baléares, longer la côte Nord Est de Malte nous paraît fade. Peu de relief, une côte assez plate, une urbanisation très présente. Nous poussons donc jusqu’à l’île de Comino. Un joli caillou pratiquement plat, très peu habité et qui offre rois belles anses pour le plaisancier. C’est à Santa Marija que nous renouons avec le plaisir de jeter l’ancre dans des lieux peu fréquentés. Une eau de couleur turquoise annonce des fonds de sable et nous rappelle les lagoons du sud Minorque. L’ancre tombe dans un trou de sable entouré de posidonies. Elle s’accroche dans les racines. Très bien ! L’eau n’est toujours qu’à 22° mais Pierre ne résiste pas à l’appel de la mer pour débloquer l’hélice du loch, bien précieuse pour nous indiquer la vitesse du bateau. Le vent, un peu frais me fait remettre ces retrouvailles à plus tard.

Deux pécheurs, dans leur Luzzi si élégamment coloré ont posé un filet non loin de nous. Demain matin, ils nous promettent de nous approvisionner en poisson (un barracuda peut-être). La baie est déserte ainsi que l’hôtel voisin. Nous voici prêts pour une paisible soirée musique.

Vendredi 24 mai de Santa Marija à Mgarr

Le vent a tourné au Nord Ouest et s’est levé au petit matin. Les pêcheurs sont venus relever précipitamment leurs filets sans prendre le temps de vendre leur pêche aux touristes. Au fil des heures, le vent se renforce en rafales de plus en plus violentes. 30, 35 nœuds. Pierre ajoute la deuxième ancre. Nous sommes assez proches de la côte. Il ne faudrait pas que l’ancre décroche. 40 Nœuds ! Cela commence à être insupportable. Non par l’inconfort du bateau puisque les vagues n’ont pas assez d’espace pour se former mais par les hurlements dans les haubans comme des âmes en peine. 45 Nœuds ! Pierre entend un son anormal, un bruissement. Il sort et fonce sur le démarreur. L’ancre s’est décrochée. Il n’y a plus qu’à relever les ancres et aller vers le seul port de Gozo, Mgaar qui est très proche. La traversée du passage entre les deux îles, vent debout avec les vagues est assez sportive, très humide mais courte. Le joli petit port de Mgaar nous offre un bon ponton et la perspective d’une soirée paisible.

Logos se retrouve à côté d’une belle anglaise « Belle Breeze ». Les anglais personnifient leur bateau au féminin comme tout ce qu’ils aiment, tout ce qui est doux et gentil. L’anglaise est à bord, en bigoudis. Amusant avec le vent qu’il fait ! Quel « engin » pense Pierre. Plus que « middle age » mais tellement pleine de vie et de malice.

Après ces aventures, le carillon de l’église (Ave Maria à chaque heure) nous invite à la promenade. C’est naturellement vers elle que nous dirigeons nos pas. Elle domine le port et semble le protéger. Sur le chemin, une fleur attire notre attention. Oui, il s’agit bien de la fleur de câprier que nous avons tant cherchée à Pantelleria. Notre récolte de boutons floraux sera conservée dès le soir dans du gros sel. À garder 2 mois ainsi paraît-il. Nous verrons bien.

Approche gourmande de l’île de Gozo au dîner. Vin, saucisse et fromage de chèvre. Production locale. Très artisanal, très vrai, très bon. Rien à voir avec la viande importée de Nouvelle Zélande.


Samedi 25 mai de Mgarr à Victoria

Après notre expérience de conduite maltaise, c’est en autobus, le N°25, que nous nous dirigeons vers Victoria, capitale de l’île de Gozo. Le ciel est très nuageux. Le vent est toujours aussi violent mais, pour une promenade en ville, cela devrait convenir. Dans les villes traversées les maisons ont une architecture digne des plus chics faubourgs de Londres.

Cela surprend un peu sur cette petite île méditerranéenne. Il se dit que les natifs de Gozo, partis ailleurs, mettent un point d’orgueil à revenir construire leur maison sur Gozo. Plus belle est la maison, mieux ils ont réussi. La campagne nous fait penser à Pantelleria mais sans roches volcaniques. Beaucoup de murs de pierres, quelques cultures un peu jaunies et toujours ces églises majestueuses qui se dressent au dessus des maisons basses humblement massées autour.

Nous prenons beaucoup de plaisir à parcourir les ruelles de Victoria depuis la place It.Tokk, lieu de rencontre ; toujours ces pierres couleur sable, ces balcons de bois ou de pierre où l’on croirait voir apparaître Juliette alanguie par la romance de son Roméo. En fait, il y a de l’Anglais, de l’Arabe et de l’Italien dans ces villes.

Toujours ces magnifiques pierres tombales polychromes dans la Cathédrale qui rappellent le prestigieux passé de l’île et, au plafond, une très réaliste peinture en trompe l’œil qui a permis d’économiser les frais qu’aurait occasionnés la construction d’un vrai dôme. Une idée à creuser pour faire des économies : le trompe l’œil !

Une pensée pour notre Georges dans la Basilique St Gorg, riche, mais sans excès, harmonieuse. Le musée du folklore nous offre un très beau parcours dans d’anciennes maisons médiévales très bien restaurées.

La vieille prison située près de la Cathédrale et de la Cour de Justice présente des cellules aux murs couverts de graffitis d’anciens prisonniers : bateaux, croix de Malte, noms, dates… récemment découverts sous les couches de chaux désinfectantes et qui témoignent du passage de chevaliers français jusqu’à l’époque napoléonienne.

Notre après-midi sera consacrée à la visite du plus vieux temple mégalithique connu dans le monde à quelques kilomètres de Victoria : Ggantija. Écrasant de puissance, une force qui oblige, quelques soient les croyances, à s’arrêter un instant au milieu de ces immenses murailles comme retenus au sol, en communication avec la Terre. Après notre période romaine en Tunisie, nous voici à Malte et Gozo projetés dans la préhistoire avec la même émotion.


Retour sportif en taxi à Victoria pour y retrouver notre bus. Aucun Stop respecté, des accélérations vives au moment où on espère un ralentissement, des virages de formule 1… Avec de tels conducteurs à gérer, je comprends que Pierre ait eu peur.

Rencontre avec un couple de voileux connus à Pantelleria. Les routes se croisent, s’écartent, se recoupent. La Méditerranée est petite !!!

Le soleil s’est enfin levé mais, de l’autre côté du port le vent piaule toujours et la mer est énorme. Il fait frais et les Maltais ne comprennent plus.

Dimanche 26 mai 2002 Mgarr

Notre dimanche fut très sage, ponctué par le carillon de l'église dédiée à la plus douce des Mamans, église qui semble protéger le petit port où nous nous sommes abrités. Le soleil a brillé toute la journée aussi pensons nous reprendre notre tour de l'île demain mais la météo est si capricieuse.


Lundi 27 mai de Mgarr à Ramla bay (Gozo)
« À la Saint Augustin, prends ton premier bain »


Nouveau dicton que je me suis empressée de mettre à l’épreuve de l’eau. 22° une température d’eau bretonne en plein été. Il faut bien se résoudre et oublier les 28° d’Ibiza au mois d’août.

Une petite pause, mais de quelle durée, dans les tourments de la météo. À ne pas laisser passer. Une fois de plus, sur les traces d’Ulysse, nous allons ancrer le bateau dans baie de Ramla, côte Nord Est de l’île.

Vaste baie au sable roux où les chevaliers français avaient construit un grand mur sous marin barrant la baie. Les bateaux ennemis venaient s’y échouer et étaient alors des proies faciles pour leurs « fougasses », sortes de grosses bombardes bourrées de cailloux projetés par la poudre. C’est très prudemment que nous avançons dans cette baie ! Calypso y a-t-elle une fois de plus retint Ulysse prisonnier jusqu’à ce qu’Hermès lui ordonne de le libérer, ému de sa tristesse. Gozo est-elle l’antique Ogynie ? C’est étrange de constater combien chacun s’approprie une légende. Part de rêve, attrape touristes… En tout cas, on dit que, par grand vent, on peut entendre un long hululement, plainte d’amour de l’Esprit de Calypso…

Le sable de la longue plage est effectivement magnifique fin et roux. Quelques vacanciers allemands très pudiquement vêtus « les seins nus sont interdits ». Malte semble très strict tant dans la tenue, aussi bien dans les églises que sur les plages.

Deux oursins solitaires nous permettent de renouer avec le plaisir de la collecte et de constater que nos combinaisons ont assurément rétréci pendant l’hiver !!!

Soirée bercée par le doux balancement de Logos, trop heureux de se retrouver libre.


Mardi 28 mai Mgarr

Qui avait osé parler de soirée paisible ? La soirée le fut certes et nous étions, une fois de plus seuls, éclairés comme en plein jour par la pleine lune.

Tout à coup, vers 1h du matin, un violent hurlement, peut-être cette plainte douloureuse lancée par Calypso du haut de la falaise, en tout cas, pour nous, l’annonce d’une renverse de vent assez violente. Malgré l’heure plus que tardive et avant de nous trouver en difficulté avec des vagues bousculant notre mouillage, nous décidons de rentrer sagement au port de Mjarr où notre appontement nous attend.

C’est toujours étrange de refaire, de nuit, une route faite de jour. L’esprit essaye de retrouver ses repères, mais tout est confus. Églises et oratoires éclairés sont autant de signes apaisants. Et puis la mer est belle et l’air est chaud.

2 heures, Logos est amarré, un agent des douanes vient s’enquérir de notre provenance. Surprenant de constater qu’il y a toujours un œil pour vous surveiller.

9 heures. Surprise ! Un voilier français est amarré à côté de nous. Lui aussi, surpris dans son mouillage à Comino a préféré se réfugier à Mgarr. Morphée nous a bercé, nous n’avons rien entendu. Mais il nous semble bien reconnaître ce voilier, un Gibsea du nom de « VINGT ANS ». Il s’agit bien de Pierre et Monique, entrevus à Pantelleria et lors de la visite des temples. La soirée se passera bien sur devant un apéro dînatoire à faire plus ample connaissance et échanger nos expériences et nos souvenirs.

Mercredi 29 mai Mgarr

Nos voisins ont quitté le port pour le Sud Sicile. Le baromètre affiche une remontée spectaculaire mais la mer s’agite encore. Nous allons nous libérer des formalités douanières « Clear out » comme ils disent ici, ce qui veut dire que nous prévoyons de quitter les eaux maltaises, en soirée, vers la Sicile pour Syracuse où nous attendent Serge, Annie et Mary pour aller visiter l’Etna.

La journée est magnifique mais toujours pas question d’aborder les côtes de Gozo par la mer. Les bateaux promenades rentrent au port. C’est en autobus que nous irons voir ce site naturel présenté sur toutes les plaquettes touristiques : « AZZURE WINDOW ». Ici, toutes les routes passent par Victoria. Un parcours familier maintenant. Un autobus où voisinent les images pieuses et des équipes de football nous conduit à travers une campagne quasi désertique où poussent plus de ces beaux cailloux blancs que l’on retrouve dans les constructions que de blé jusqu’au site grandiose de DWEJRA POINT. Une bordure de côte qu’il eut été dommage de manquer. Une gigantesque arche de pierre sous laquelle la mer se joue de ses vagues, laisse entrevoir le ciel, porte magique sur l’infini. De l’autre côté, un énorme rocher se dresse, imposant.

C’est Fungus Rock sur lequel pousse paraît-il une sorte de champignon parasite qui aurait des vertus telles – devinez ! qu’un Grand Maître faisait sévèrement punir quiconque allait cueillir cette plante qu’il se réservait. Religieux certes, vaillants soldats assurément mais pas saints ces Grands Maîtres. Dans ce site désertique, même le tourisme est encore assez discret en cette époque de l’année mais la moyenne d’âge y est très élevée.

De retour à Victoria, difficile de résister à l’artisanat local, les petits chapeaux crochetés, pour adultes et enfants sont si « mignons ».

Un peu de marche à pied pour flâner dans les rues de Ghanjsielem, village très élégant qui domine Mjarr.

Le bateau se prépare pour une longue nuit étoilée et pas trop venteuse, nous l’espérons… les cartes sont sorties, l’ordinateur retrouve son emmaillotement et sa place de navigation.

Départ 21h