Mise à jour : 2015
___ Les carnets de bord de Martine___

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Carnet de bord 2002

Sicile et Italie du Sud


Jeudi 30 mai Syracuse

« J’aimerais tant voir Syracuse »

Lorsque Pierre me réveille pour mon quart, des lumières au loin signalent l’approche de la côte sicilienne. Les éclats du Phare du Cap Passero, pointe Sud Est de l’île vient me guider pendant que Pierre prend un peu de repos. Tout est calme et le ronron du moteur me tient compagnie. Le vent est tombé pendant la nuit, seule la grand-voile stabilise le bateau. Nous remontons vers Syracuse. La côte est très monotone, plate et sans attrait.

Vers 1heures, nous longeons les remparts de Syracuse, à la recherche de l’entrée du port, derrière un long enrochement. En fait, il s’agit du vieux port, partiellement ensablé. Les techniques de communications nous permettent de savoir que nos amis nous attendent au grand port, bien caché dans une grande baie et pas signalé sur les cartes. Appontement avec mouillage de l’ancre, marche arrière contre le quai. Serge, Annie et Mary sont là pour nous prendre les amarres. Les retrouvailles sont joyeuses. Il s’en est passé des choses depuis Pantelleria et c’est avec plaisir que nous devisons le long du Cours Victor Emmanuel, tout près de la vieille ville. Pas d’eau ni d’électricité, mais c’est gratuit, ce qui ne gâte rien. Notre premier contact avec la vieille ville est engageant. Nous aimons aller à l’aventure dans des ruelles si pittoresques.


Vendredi 31 mai Samedi 1er juin Syracuse

« Eureka »

Se réveiller amarrés le long du Corso Vittorio Emmanuelo est assez grandiose. N’avons nous pas le même ancrage que trois vastes yachts battant pavillon britannique ?

Devant nous, le vieille ville construite sur la mythique île d’Ortygie, autre fois rivale de Carthage et d’Athènes. Encore une fois le poids de l’Histoire se fait sentir mais, loin d’être écrasant, il vous invite à faire un beau voyage dans le temps. Certes les embruns et l’âge commencent à faire des ravages, surtout en bordure de mer, mais qu’elles sont belles ces maisons qui offrent aux regards leurs balcons sculptés. Tout témoigne encore d’une opulence certaine et de la succession de plusieurs civilisations quant à l’architecture. Le « Duomo » ou Cathédrale en est un étonnant exemple. Vision surprenante que ces majestueuses colonnes doriques, vestige d’un temple soutenant une construction byzantine à la façade baroque…

Tous ces styles cohabitent avec élégance. Syracuse est un vivant résumé d’histoire où se mêlent passé et présent avec harmonie. Les ruines d’un temple d’Apollon jouxtent le marché très animé et coloré. La fontaine d’Aréthuse, étrange source d’eau douce en bordure de mer sert de cadre à l’Aquarium.

Il en est de même pour le théâtre grec et l’Amphithéâtre Romain réunis dans un même site, vieillis certes mais comme préservés par le temps pour témoigner du passé.

J’allais oublier Archimède, le plus célèbre des Syracusiens, bêtement tué par un soldat romain car trop absorbé dans ses calculs.


Dimanche 2 juin Syracuse

C’est aujourd’hui la fête nationale italienne. La République Italienne fête ses 56 ans, les petits drapeaux italiens envahissent les rues et la fanfare de Syracuse, bannière avec une tête d’aigle en tête est à l’honneur.

Sur le cours, face à la « Chimera », importante Corvette de la Marine qui nous a délogés de notre ancrage, les représentants des différentes armes sont regroupés et attendent sagement la venue des représentants officiels du gouvernement. Discours, fanfares…

C’est aux premières loges, à l’ancre dans la vaste baie que nous assisterons, en compagnie de nos amis, au rituel feu d’artifice.


Du lundi 3 au mercredi 5 juin Syracuse

Descente dans les catacombes de Saint Giovanni. C’est une première pour moi et je suis un petit peu inquiète. Heureusement que, contrairement à celles de Palerme, elles sont vides. En fait c’est pendant la dernière guerre que les ossements ont été enlevés pour que ces catacombes puissent servir d’abris contre les bombardements. Et puis Pierre Hercule est là… (N.D.L.R. Ce n’est pas un travail herculéen que de visiter aux côtés de Martine…). Je dois même reconnaître que se promener dans cette ville souterraine par cette chaleur est un vrai plaisir. Et puis ce silence… Ici, pas de périphérique pour troubler votre repos !

La petite chapelle souterraine où St Paul prêcha (toujours cet infatigable voyageur) est très émouvante. Quelques services y sont, paraît-il célébrés, sans doute pour rappeler aux fidèles la ferveur des premiers Chrétiens.

Quel contraste lorsque, quelques centaines de mètres plus loin, nous pénétrons dans le sanctuaire de la Madone aux larmes. Une architecture française audacieuse, une élévation vers le ciel, beaucoup d’harmonie. Plusieurs milliers de fidèles peuvent, ensemble y témoigner de leur foi.

Il ne faut pas manquer non plus la zone archéologique où voisinent le théâtre grec, utilisé en ce moment pour des représentations théâtrales quotidiennes - ce qui permet à Pierre de nous faire un show à la Peplum ! et le Colisée Romain, heureusement réservé aux touristes, sans lions ni crocodiles.

Le reste des journées de Syracuse se passe à se promener dans cette ville très humaine, à y faire des courses et à lier plus ample connaissance avec nos voisins de quai. Chacun a vécu et vit une expérience qu’il sait livrer aux autres avec la vraie humilité et la simplicité de ceux qui sont confrontés à des situations particulières, toujours enthousiasmantes mais parfois inconfortables.

Jeudi 6 juin de Syracuse à Aci Trezza

« De Calypso à Polyphème »

Le vent est tombé cette nuit mais pour combien de temps ? Nous allons donc quitter Syracuse dont nous garderons un très bon souvenir pour nous rapprocher de l’Etna et, sur les conseils de « Vingt ans » (Pierre et Monique) nous mettrons le cap sur un petit port au delà de Catania, à leur dire plus accueillant.

Que l’île d’Ortygie, avec les vieilles maisons de Syracuse toutes agglutinées comme pour se protéger mutuellement est belle au soleil du matin. Les couleurs pastel des façades donnent à cette ville hors du temps une dominante de sérénité. Lorsqu’un petit vent de travers se lève, c’est avec plaisir que nous abandonnons le ronron du moteur pour nous laisser emporter par « Gégène » bien déployé. La côte longée semble sans grand intérêt, assez plate, monotone. Une forte brume nous occulte les sommets de l’intérieur. Seul l’Etna fait une apparition fantomatique dans le lointain.

Il nous reste 5 milles à parcourir lorsque, par les caprices d’Éole – on peut dire des femmes ! nous devons composer avec le vent de Nord Ouest. Un peu nerveux Éole. Nos amis de Chou Chou, doivent souffrir dans leur petit catamaran de 9m. 14h. Nous contournons les énormes blocs de lave qui semblent plantés dans l’eau comme des javelots pour rentrer dans le port d’Aci Trezza. La légende dit du reste qu’ils ont été lancés par le Cyclope Polyphème vers Ulysse sous l’emprise de la douleur, son unique œil percé. Cela le changeait de la douceur des bras de Calypso. Amarrage à l’ancre, recul contre le quai en dur et, les aussières nouées, nous pouvons bénéficier d’un appontement gratuit. 17 heures, tous les bateaux en mer sont au quai. Bière de contentement.


Vendredi 7 juin Aci Trezza

(Pour le moment gratuit mais l’installation de pontons pour l’été pourra valoir une rétribution). Pas d’eau ni d’électricité.

Le baromètre hésite toujours mais qu’importe, nous sommes bien nichés dans le petit port de pêche, derrière les écueils du Cyclope, abritant essentiellement chalutiers et barques de pécheurs, ce qui lui donne le charme du « vrai ».

La nuit a été calme. Il faut dire que les quelques plaisanciers qui sont auprès de nous (6 voiliers dont les deux de nos amis) ont tous solidement amarré leur bateau. C’est donc le carillon de l’église St Jean Baptiste qui nous réveille.

Ce petit port, malgré le ciel un peu voilé sent bon le midi. La végétation est luxuriante et les hibiscus sont de vrais arbres chargés de fleurs éclatantes. Si notre Janine de St Cyprien voyait cela, elle serait inquiète pour son balcon. Le parler Italien résonne fort dans les ruelles et sur la petite esplanade du port, lieu de promenade le soir.

Si j’ai eu mon heure de gloire avec mon anglais très British à Malte, c’est de plus en plus au tour de Pierre de mettre à l’épreuve du feu ses connaissances en italien (N.D.L.R. Si je baragouine les questions essentielles et alimentaires, Martine traduit aussi bien que moi les réponses). Ici, dans l’ensemble, ils ignorent le français (à l’exception d’un charmant monsieur qui vend de l’accastillage et qui nous sert d’interprète à l’occasion). L’anglais n’est pas non plus leur passion. Un prêté pour un rendu puisque, à leur dire, les Français ne font aucun effort. Il serait temps que les professeurs de langues étrangères se mettent sérieusement au travail. !



Samedi 8 juin Aci Trezza

Tiens, c’est au tour des Italiens d’avoir la mine déconfite après leur piètre score… Cela fait du bien aux petits Français,, un peu méprisés pour leurs performances sportives. Il va y avoir de la mévente dans le drapeau italien et dans les cornes de brume.

Aujourd’hui nous partons à la découverte de Catane, distante d’une quinzaine de kilomètres. Deuxième ville de Sicile de par son importance, située au pied de l’Etna et qui, plusieurs fois, a eu à souffrir des colères du volcan. Les avenues de la ville nouvelle sont spacieuses et invitent à un lèche vitrine digne de nos grandes villes. Mais c’est encore une fois dans la vieille ville que nous prenons plaisir à flâner pénétrant dans les cours intérieures pour y respirer la vie Catanoise (?).

Promenade dans le théâtre grec bien abrité parmi de hautes maisons encore plus en ruine. Étrange juxtaposition de deux ages qui entrent en symbiose.

Dimanche 9 juin Aci Trezza – Etna

« Fumée noire, pas d’histoire, fumée blanche … »

C’est dire si nous avons scruté le ciel avant de commencer, dans une Panda rouge, notre montée vers l’Etna avec nos amis. Lente ascension depuis Aci Castello, station balnéaire voisine, qui nous fait traverser de pittoresques villages très fleuris : Bougainvillées, lauriers, hibiscus, géraniums. Tout éclate de couleurs malgré le ciel un peu gris. Images de France lorsque les forêts de châtaigniers remplacent les maisons… Y aurait-il eu des champignons ? Soyons sérieux, nous sommes partis pour une étude géologique, pas une recherche mycologique, même si quelques cèpes amélioreraient bien l’ordinaire.

Peu à peu les traces des anciennes coulées de lave deviennent de plus en plus précises. Nous entrons dans un autre monde chaotique recréé par les colères du volcan mais que la nature s’efforce de reconquérir peu à peu comme pour rappeler à l’homme que la vie est la plus forte, qu’après la mort, la renaissance est inéluctable. Après les genêts d’un jaune éclatant, lumière sur un roc de lave noire tourmentée, ce sont de timides pâquerettes qui annoncent le renouveau lorsque nous approchons des grands cratères. L’ancien téléphérique n’ayant pas été remis en état depuis l’éruption de 1983, nous nous contenterons d’explorer la zone des 1900 mètres où nous pouvons admirer l’arrondi parfait d’anciens cratères, la variété et les couleurs des laves rejetées. Pas de vision de lave en fusion. Nous la verrons sur la vidéo achetée.

Un monde minéral seulement peuplé de petites fourmis humaines en quête d’une communion avec la planète Terre.

Quel bonheur de retrouver, sur la route du retour, des vergers où citronniers et orangers abondent au point d’offrir quelques uns de leurs fruits aux passants que nous sommes, trop heureux de renouer avec les douceurs de la vie.


Lundi 10 juin Aci Trezza – Catane

Visite au marché aux poissons de Catania après avoir restitué la voiture de location. Il a très bonne réputation mais, en ce lundi matin, il semble un peu pauvre, les pécheurs ayant sûrement respecté le repos dominical. Le reste du marché est assez riche et agréable à parcourir.

De retour à Aci Trezza, heureux d’avoir quitté la ville, nous ne résistons pas au plaisir de la baignade avec exploration oursins au pied des rochers de l’île du Cyclope. La pêche est loin d’être aussi miraculeuse qu’aux Baléares mais le plaisir y est (ainsi que le souffle).

Mardi 11 juin Aci Trezza

Le baromètre redevient sympathique, la pression monte… Peut-être lèverons-nous l’ancre aujourd’hui ? Quelques achats prévisionnels, très discrets. En effet, les performances de notre équipe nationale de football ne nous incitent pas à promener notre nationalité dans les rues italiennes. Les regards sont assez moqueurs.

Quelques échanges de bonnes adresses : mouillages, ports gratuits ou peu chers avec nos amis qui vont nous quitter pour se rendre directement en Grèce, sans faire le détour vers la Croatie, destination qui suscite des avis très opposés. Les remarques négatives émanent étrangement de ceux qui n’y ont jamais ancré leur bateau : accueil médiocre, pompe à fric… Ceux qui connaissent s’empressent d’y retourner. Une fois de plus, nous nous forgerons notre propre opinion.

Seul « Vingt ans » de Pierre et Monique quitte le port. Le vent de Nord Ouest s’étant levé, nous préférons attendre et dormir sagement au port.

Mercredi 12 juin Aci Trezza – Crotone (Sud Italie)

Logos quitte gentiment son appontement pour une longue navigation de 24 heures. Le soleil se lève sur Aci Trezza avec, en toile de fond, l’Etna majestueux. 4 panaches de fumée blanche s’échappent de cratères latéraux. S’agit-il d’une forte éruption ou d’une respiration un peu plus accentuée ?

Vu de loin, le spectacle est superbe. Logos gîte élégamment face au nord Ouest ; Chou Chou 3, trop petit catamaran ne peut pas lutter et retourne vers Catania.

La traversée du Détroit de Messine pour rejoindre la botte italienne s’avère un peu moins confortable pendant 3 ou 4 heures. Le vent, contraint dans l’entonnoir s’en donne à cœur joie à la sortie. Un peu de patience et le calme s’installe. La semelle de la grande botte est superbe. Le paysage montagneux est très beau et, lorsque passe un petit train en sifflant joyeusement, Pierre a l’impression de jouer au train électrique… Tout devient plus monotone lorsque nous doublons le Cap Spartivento. Seul le vent, assez capricieux, voire même caractériel anime un peu cette lente montée vers Crotone. Rencontre avec quelques dauphins plus intéressés par un chalutier voisin que par notre voilier.

Nuit calme. Il est 8 heures lorsque nous ancrons Logos contre la digue du vieux port de Crotone. L’Europe a financé son aménagement, du coup, il y a de l’eau, pas d’électricité et c’est payant (raisonnablement)

Jeudi 13 juin Crotone

Après un peu de repos pour reprendre nos esprits, nous faisons connaissance avec Crotone, petit port très vivant, sans grande richesse architecturale à l’exception de son fort. Il fait bon se promener le nez au vent (N.D.L.R. ce qui permet à Martine de se prendre très souvent les pieds dans les obstacles des trottoirs…) pour pénétrer l’ambiance d’une petite ville portuaire italienne. Sous les imposants remparts du Fort, un marché coloré et riche. Vous parlerais-je des belles figues, des cerises à la fois fermes et gorgées de sucre, dignes de celles de Georges … et de Jacky, les meilleures années. 1 Euro le Kilo. Mais c’est l’étal du poissonnier qui attire le plus notre regard. De belles moules, des huîtres plates de rochers et un loup superbe au barbecue. Un délice que nous aurions aimé partager avec ceux que nous aimons.

Il n’y aura pas le moindre déchet pour le magnifique chat noir et blanc « P’tit Louis » de nos voisins Franco-Belges embarqués depuis 5 mois sur une vieille anglaise : un Seabourne de 1973 appelé Phryné mais qui n’a rien de la belle courtisane grecque : Porthmouth, Calais, Paris, Marseille, les Éoliennes … une belle route. À bord, pour tenir compagnie à « P’tit Louis », Claude (M.) et Jacky (Mme).

Vendredi 14 juin Crotone

« Phryné » et trois autres voiliers ont quitté l’appontement très tôt ce matin : des voix, le ronronnement des diesels et le grand silence qui nous permet de flâner encore un peu. Le vent donne déjà de la voix ce qui ne nous conforte dans l’idée qu’il valait mieux éviter de partir aujourd’hui. Vers 8 heures, surprise, « Phryné » réapponte sur notre bâbord après quelques milles très inconfortables sur une mer très formée. C’est P’tit Louis qui est content, il va retrouver la terre ferme. L’étal des poissonniers est toujours aussi tentant. Pierre découvre la délicieuse chair d’un espadon fraîchement pêché. Un régal.

Je commence très sérieusement à éplucher les guides nautiques et terrestres de la Croatie et à chercher à m’imprégner d’une autre culture et des noms des différentes îles. C’est Georges, qui nous serait bien utile pour nous familiariser avec les prononciations. Un voisin de bateau, fraîchement débarqué de Croatie nous propose de nous faire partager son enthousiasme pour la Croatie autour d’un apéro à bord de Phryné.

Samedi 15 et Dimanche 16 juin de Crotone à Otrante
Où LOGOS retrouve LOGOS


Logos et Phryné ayant sympathisé, nous décidons de naviguer vers Otrante ensemble. Le vent est tombé lorsque nous avons fait le plein des réservoirs de gasoil. 16 heures, la grand-voile est hissée mais la mer est un miroir qui s’ouvre devant notre étrave. Moteur ! Lorsque le soleil descend sur l’horizon, le spectacle est superbe. Il nous semble faire partie d’une des aquarelles de Jehan-François.

Quelques photos réciproques des deux bateaux pour fixer ces instants un peu magiques. La nuit s’obscurcit, Phryné passe devant, toujours au moteur. Un petit souffle nous permet de hisser le génois pendant quelques heures dans le plus profond silence. Le radar de Claude nous signale les embûches possibles. Nous restons en contact VHF. Pour la première fois depuis notre départ, la nuit est douce.

Au petit matin, le vent de Nord Ouest se lève, le génois se tend et notre fringant coursier va montrer ce qu’il sait faire à la vieille Miss qui, sagement et toujours au moteur, reprend sa place derrière lui. 6,5Nds, 7, 5 Nds. Il est 8 heures, nous virons à bâbord pour pénétrer dans le petit port d’Otrante dominé, là encore, par les remparts de la vieille ville « Centro Historico » comme ils disent ici. Je ne sais pas pourquoi nous imaginions Otrante en grand port de transit. Nous nous retrouvons dans une petite cité médiévale, bien protégée par d’importantes fortifications militaires. Des ruelles pavées de pierres vives qui serpentent entre les maisons blanches pour vous mener jusqu’à la cathédrale du XIe à l’architecture extérieure assez sobre. Nous pouvons y admirer des plafonds à caissons en bois doré assez surprenants dans une cathédrale et un splendide sol en mosaïques (800 m2) resté intact depuis le XIIe siècle, résumé coloré et naïf de l’histoire biblique. On y voit, sous la forme d’un arbre, LOGOS (hé oui !) qui crée, LOGOS qui juge, LOGOS qui rachète. La crypte est aussi très belle. Résister à l’invasion Turque a réclamé, ici comme à Malte, un rare héroïsme. 800 habitants dont les crânes et ossements sont exposés dans de hautes vitrines et dits « Martyrs d’Otrante » ont péri sous la barbarie turque pour avoir refusé de renier leur foi chrétienne. Bel exemple de courage et d’une grande dignité.

Difficile de résister au charme de la petite église Byzantine Saint Pierre encore si riche en fresques polychromes.

Lundi 17 juin Otrante – Lecce

Le vent qui souffle encore du Nord Ouest ne nous permet pas de nous aventurer pour Dubrovnik. Nous ferons donc un peu de tourisme terrestre, en autocar, jusqu’à Lecce, importante ville au centre historique baroque située à 45km en plein cœur des Pouilles. Si les Pouilles ont eu la réputation d’être pauvres, les oliveraies semblent peu à peu apporter la prospérité à cette région.
Aux heures chaudes de l’après-midi, les rues sont désertes. Paisible promenade dans cette ville raffinée aux maisons de pierre blanche qui cachent derrière d’élégantes façades de merveilleux patios presque espagnols. Il faut dire que Charles Quint est passé par là.

Mardi 18 juin 2002 Otrante

Le vent toujours orienté Nord Ouest (et ce en plein anticyclone) ne nous permet pas de partir vers la Croatie. On ne s’engage pas pour une traversée de 160 milles, soit environ 30 heures, sans une certaine assurance météorologique - si tant est que, en Méditerranée, nous puissions nous engager pour des certitudes dépassant les 12 heures. Nous en profitons, comme les mauvais élèves, à la hâte, pour mettre une dernière touche à nos rédactions et vous les envoyer.

Mercredi 19 juin 2002 Départ pour la Croatie et Dubrovnik

C’est le jour, un souffle léger. Pas d’état d’âme. Nous larguons vite les amarres. 150 milles à parcourir sans possibilité d’escale et, à l’arrivée, notre 15ème étape… celle qui termine cette première carte de navigation établie par Pierre avant notre départ… Dubrovnik et la Croatie.

La mer est étrangement calme, un petit vent ¾ arrière nous pousse gentiment. Peu à peu la côte disparaît et, pendant des milles, c’est à nouveau la grande solitude jusqu’aux premières heures de la soirée où nous apercevons, derrière nous, un splendide ketch battant pavillon Britannique (ce dont nous nous apercevrons quelques milles avant Dubrovnik). En fait le ketch vient de Monaco… Logos montre le chemin, bien guidé par son ordinateur.

Jeudi 20 juin 10 heures : Arrivée à Dubrovnik : 3 mois, 1200 milles parcourus dont 800 à la voile.